Dans le vaste monde de l'animation, il existe une infinie variété de styles, de genres, de techniques. C’est avec cette idée en tête que le studio JPL Films, situé près de Rennes, a lancé le projet CRIAS, pour mettre sur pied une toute nouvelle collection intitulée « Au Dodo ».
Réalisatrice spécialisée dans l'animation, Camille Authouart a participé au projet et a signé l'un des épisodes, Au Dodo : les crocodiles. « C'est une collection qui a pour thématique le coucher. Le moment du dodo. Comme c'est une co-production avec le Portugal, il y a 13 épisodes réalisés à Rennes, en Bretagne, chez JPL Films. Et 13 épisodes qui sont faits au Portugal », explique la jeune artiste, avant de préciser : « L'idée est de toucher un public de tout-petits. Il n'y a pas de dialogues. Ce sont des épisodes très courts, qui durent 2 minutes, générique compris. Juste avec de la musique, et chaque épisode porte sur une espèce animale en particulier, et plus spécifiquement un bébé animal qui va se coucher. On raconte la manière dont se passe ce coucher, qui est différente selon les espèces. »
Pour mener à bien son épisode, Camille Authouart a travaillé avec une autre artiste, Mélia Gelson : « JPL Films, avec qui j'avais déjà collaboré, m'a appelée pour ce projet, financé en partie par la région Bretagne. Il fallait donc travailler avec des réalisateurs bretons. Ce n'est pas mon cas, mais j'avais parmi mes connaissances Mélia, qui, elle, est effectivement bretonne. On avait participé ensemble, il y a 6 ans, à la collection En sortant de l'école. Cette fois, on a réalisé en duo et on s'est partagé le travail. Elle s'est occupée du graphisme, et moi j'ai travaillé sur la technique du papier découpé. »
Elles ont ainsi signé une œuvre originale, à quatre mains : « On a choisi de s'intéresser aux crocodiles. Comme base de départ, on avait trois ou quatre lignes d'une éthologue, une spécialiste du comportement animal », reprend Camille Authouart, qui décrypte au passage son art, celui du papier découpé : « C'est une technique vraiment traditionnelle, qu'on appelle aussi la technique du banc-titre. C'est une caméra, suspendue perpendiculairement vers le sol, et qui filme des plaques de verre, sur lesquelles on dispose des décors par strates, ce qui donne la sensation d'avoir de la profondeur : un premier plan, un deuxième plan, un troisième plan... Nos décors et nos personnages sont posés à plat, sur ces plaques de verre. Et ensuite, ça fonctionne comme l'animation en " stop motion" , image par image. On prend une photo, on déplace un peu le personnage, on reprend une photo etc... Pour ce projet, on a travaillé à 12 images par seconde. »
Un ouvrage de longue haleine, minutieux, qui a demandé beaucoup d'application et de préparation : « Au total, pour faire cet épisode de 2 minutes, cela nous a demandé trois mois de travail, dont trois semaines de tournage. Il y a surtout beaucoup de préparation en amont. Il a fallu dessiner un storyboard, construire les décors, les préparer... »
Chacun des 26 épisodes utilise ainsi une technique différente, offrant une large palette de styles d'animation à la collection. « On a eu toute liberté, la possibilité de travailler comme on voulait », reprend la réalisatrice. « Certains ont fait de la 3D, d'autres de la 2D, d'autres ont travaillé en volume... Et on a pu échanger entre nous. Et ça, c'était l'un des grands atouts de cette collection. Par exemple, on avait besoin d'un chef opérateur pour notre épisode, quelqu'un qui s'occupe de la lumière notamment, ce que nous ne savions pas gérer. Et par chance, l'un des autres réalisateurs de la collection est d'abord chef opérateur de métier. On a ainsi travaillé par troc de compétence. Il est venu nous aider sur notre tournage et en retour, Mélia l'a aidé à fabriquer ses marionnettes et pour la post-production de son épisode. C'était vraiment une collection collaborative, très humaine. »
En attendant que la collection CRIAS : « Au Dodo » trouve le chemin de nos petits écrans, les épisodes ont été projetés le mois dernier, lors du festival d'Annecy 2019, dans la compétition Films de télévision. Un bonheur et une grand fierté pour Camille Authouart, qui ne garde que du positif de cette expérience hors du commun : « C'est un type de projet vraiment unique, très bénéfique pour les réalisateurs. Et aussi pour les spectateurs, parce que ça propose une variété d'animation à la télévision, ce qui est assez rare de nos jours. C'est rare qu'on ait autant de liberté ! »