Très remarqué au Festival international du film d’animation d’Annecy (d’où il est reparti avec le prix du jury pour un spécial TV), La Vie de château raconte l’histoire de Violette, une petite parisienne de 8 ans qui vient de perdre ses parents dans les attentats du 13-Novembre. Orpheline, elle est placée chez son oncle Régis, un géant un peu bourru et agent d'entretien au château de Versailles, qu’elle déteste sans trop savoir pourquoi. Ce duo improbable va devoir s’apprivoiser pour traverser ensemble le deuil…
Un court métrage de 29 minutes impressionnant de justesse, dont la genèse remonte à 2017 : « Le point de départ, c'est un appel à projet de France Télévisions, qui cherchait des films sur des héroïnes modernes », se souvient Clémence Madeleine-Perdrillat, co-réalisatrice avec Nathaniel H’Limi. « J’avais déjà depuis longtemps cette idée d’histoire autour d’une petite fille orpheline placée chez son oncle. J'en ai parlé à Nathaniel parce que j'avais envie de travailler avec lui. On se connaît depuis dix ans et on voulait répondre à cet appel à projet d'une façon qui nous touche tous les deux. Nous avons beaucoup discuté et je suis revenue avec une proposition de scénario, pendant que lui commençait en parallèle à faire des croquis. »
Si visuellement La Vie de château rappelle beaucoup une certaine frange de la bande dessinée franco-belge, ce n’est pas un hasard : Nathaniel H’Limi apprécie particulièrement Christophe Blain et son Quai d’Orsay. « C'est vraiment sa référence, c'est un amoureux de la BD. Et c’est ce qui m’a plu ». La Vie de château est dessiné à la main par Nathaniel H’Limi, qui s’est lui-même chargé de la totalité des décors. Un travail colossal : « Normalement, c'est un poste à temps complet. Il ne s'était pas rendu compte à quel point ce serait un travail difficile, mais il y tenait beaucoup. Il a également dessiné tous les patrons des personnages. Et ensuite le directeur d'animation, Nicolas Hu, s’est chargé d’intégrer toutes ces bases dans un logiciel » et de les mettre en mouvement.
Des suites en discussion
Au tout début du projet, Clémence Madeleine-Perdrillat a décidé d’évoquer les attentats, afin de placer son héroïne dans un « contexte très contemporain ». Mais ce qui était un élément central du récit s’est rapidement transformé en une simple toile de fond. Moins anxiogène : « France Télévisions a tenu à nous alerter sur ce point précis. Car le temps qu'on fasse le film, soit les enfants auraient peu entendu parler des attentats, soit ils en auraient une vision encore enfantine et naïve. Donc il ne fallait pas créer de l'angoisse là où il n'y en avait pas ».
Habituée aux courts métrages en prises de vue réelles, la co-réalisatrice a vite saisi que le travail de découpage et de storyboard est sensiblement le même en animation. À une grosse différence près : « Pas de place pour l'improvisation ! Une fois que c'est dessiné et que les dialogues sont enregistrés, on ne peut plus rien bouger. C’est la beauté et la difficulté du medium ».
Le projet était si prometteur que le festival d’Annecy l’avait sélectionné en mars sur la seule foi d’un animatique en noir et blanc, où figuraient tout de même déjà les voix, notamment d’Anne Alvaro et de Frédéric Pierrot. « On s'est donc engagé à l'avoir terminé en juin ! Ça a été la course, mais on a plus fabriqué le film comme un court métrage traditionnel que comme un film d'animation. Ça a été d'une grande aide sur le timing, car on l'a fait en très peu de temps : on a commencé le storyboard en août 2018 et on a fini La Vie de château en mai 2019 ». Soit à peine un mois avant Annecy.
Le prix du jury a été une surprise pour le duo et un formidable accélérateur de popularité pour le film, déjà sélectionné dans cinq autres festivals. La date de diffusion télévisée n'a pas encore été calée mais devrait intervenir avant 2020. « Et depuis Annecy, notre producteur discute avec les distributeurs pour le sortir en salles, éventuellement en formant un programme avec deux autres courts métrages qui seraient sur des thématiques proches, comme le deuil ou l'enfance d'une petite fille, précise la réalisatrice. On a aussi des discussions avec France Télévisions, qui aimerait une suite à La Vie de château. On réfléchit à deux autres films de la même durée, ou alors à créer une série ».