Le blob est à l’origine le héros d’un film de science-fiction de série B - The Blob (Danger planétaire) de Irvin S. Yeaworth Jr : un être fantastique, qui rampe et consume ses proies vivantes. Le film d’horreur où Steve McQueen trouve l’un de ses premiers rôles au cinéma est devenu culte au point de susciter une suite (Attention au blob ! Larry Hagman, 1972) et un remake (Le Blob, Chuck Russell, 1988). Quiconque en a vu quelques images ne peut oublier la progression de la créature visqueuse qui dévore tout sur son passage. Et c’est ce qui a poussé la scientifique Audrey Dussutour, éthologiste au CNRS de Toulouse, à surnommer ainsi un étrange organisme unicellulaire qu’elle a découvert en 2008. Physarum Polycephalum (c’est son nom scientifique) a un appétit insatiable, n’a aucune forme définie, se déplace moins vite qu’un escargot, fuit la lumière et peut quasiment survivre à tout ! Un Ovni de la science…
« J’ai eu la chance de rencontrer Audrey Dussutour il y a plusieurs années en réalisant son portrait dans le cadre de la série Qui cherche... cherche (Arte/Universcience.tv) quand elle travaillait sur les fourmis, explique le réalisateur Jacques Mitsch. J’ai tout de suite accroché avec cette personnalité très brillante qui se révèle aussi être très bonne vulgarisatrice. Elle peut intervenir dans des classes de maternelle ! » La sortie du livre de la scientifique, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander, va aiguiser la curiosité du cinéaste. Le réalisateur, habitué aux documentaires scientifiques, se passionne à son tour pour l’organisme aux capacités extraordinaires et propose alors à Audrey Dussutour d’en faire le héros d’un documentaire. « Sa passion communicative pour le blob, son rôle central dans la recherche sur cet organisme et sa volonté de rendre accessibles à tous ces découvertes inédites font d’elle un guide idéal pour entraîner le spectateur dans un voyage à la découverte de l’intelligence primitive. » Karina Si Ahmed (Hauteville Productions) et Guillaume Allary (Allary Éditions) se joignent au projet à la production. « Ce film est, en quelque sorte, le troisième volet d’un travail que j’effectue sur la cognition animale et végétale depuis plusieurs années, et il s’inscrit dans la continuité de mes précédents films L’esprit des plantes (Arte, 2009) et Animaux médecins (Arte, 2013).»
Le blob, une cellule géante
Mais qu’est-ce donc que le blob ? A la croisée entre la plante et l’animal, le Physarum Polycephalum est le plus grand organisme unicellulaire. Vieux de près d’un milliard d’années, il vient remettre en cause tout ce que l’on croyait savoir sur l'intelligence du vivant. Il n’a pas d’yeux, pas de bouche, pas d’estomac ou de pattes… Et pourtant il voit, il sent, il digère, et se déplace. Cette cellule géante, quasi immortelle et à l’appétit dévorant, est capable de résoudre des problèmes complexes et démontre d’étonnantes capacités d’apprentissage. Avec son existence, on prouve qu’il n’y a pas besoin de cerveau pour être intelligent. « C’est cette problématique qui nous passionnait, souligne le réalisateur. On est allés, comme des enquêteurs, un peu partout dans le monde, à la rencontre des scientifiques qui travaillent sur la question. »
Jacques Mitsch rencontre par exemple le biophysicien japonais Toshiyuki Nagaki qui a montré que le réseau créé par le blob pour se nourrir et se déplacer est aussi efficace et performant que l’un des meilleurs systèmes ferroviaires au monde, celui de la région de Tokyo. A Florence, les biologistes Stefano Mancuso et František Baluška, spécialistes de la cognition chez les végétaux, élargissent la notion d’intelligence au-delà du règne animal, en montrant que les plantes possèdent, à l’extrémité de leurs racines, l’équivalent d’un cerveau qui guide leur croissance, et qu’elles sont capables de mémoriser des informations. A Boston, c’est la question de la communication des cellules qui passionne le Dr. Michael Levin. A Bristol, le Pr. Andrew Adamatzky voit dans le blob une formidable opportunité pour développer de nouveaux paradigmes informatiques et de nouvelles conceptions de la robotique. Quant à la chercheuse française Audrey Dussutour, elle a démontré que le Physarum Polycephalum était capable de s’habituer à une substance répulsive (le sel), de mémoriser cet apprentissage, et même de le partager avec d’autres blobs en développant une forme de communication. « Et puis, poursuit Jacques Mitsch, nous élargissons sur tout ce que le blob pourrait apporter au monde par rapport à la dépollution, à la recherche sur le cancer… »
Mais comment filme-t-on un blob ? « Ça, ce n’était pas évident, confesse Jacques Mitsch. Il fallait le mettre en scène. Ce qui est intéressant, c’est que le blob n’est pas une cellule microscopique. On peut la voir à l’œil nu. J’ai monté un studio où pendant quatre mois, j’ai filmé des blobs qui poussaient. J’ai la chance d’habiter à Toulouse, à 3km du laboratoire, et j’allais me fournir en blobs tous les jours. J’ai refait les expériences des scientifiques, j’ai fait des courses de blob, je l’ai fait sortir d’un labyrinthe… On avait quatre ou cinq caméras qui tournaient en permanence en time-lapse. »
Pour Jacques Mitsch, un documentaire scientifique se doit d’être captivant. « Mon objectif est de servir la science et les chercheurs en racontant leurs histoires afin que tout le monde les comprenne ». Il a donc imaginé une forme amusante en reprenant tous les codes du film de Irvin S. Yeaworth Jr. Ludique et intéressant, Le blob, un génie sans cerveau a été récompensé du Prix du Public en octobre dernier au Festival Pariscience. Déjà diffusé au Japon (sur la NHK) et en Suède (sur la SVT), son film fait actuellement le tour du monde.
Le Blob, un génie sans cerveau est à découvrir en intégralité sur Arte.
Ce documentaire a reçu deux aides du CNC : aide sélective à la préparation, et aide sélective à la production.