Comment est née l’idée de refaire une série Mr Magoo ?
Ce projet est né d’une envie commune du producteur Marc du Pontavice (Xilam Animation) et DreamWorks (Mr Magoo a été créé par UPA Productions, société rachetée en 2000 par Classic Media. Une entité absorbée en 2012 par DreamWorks ndlr) de faire revivre cette série. Mr Magoo est un personnage très attachant qui fait partie de la culture américaine, moins connu en Europe. DreamWorks souhaitait le faire revivre et s’est adressé à Xilam. Marc du Pontavice s’est tourné vers moi pour la réalisation et nous avons mené ensemble la réflexion autour de cette nouvelle version.
Deviez-vous respecter un cahier des charges précis pour cette série ?
Non, nous avons pu réinterpréter et nous réapproprier la série en totale liberté. Nous avons fait d’importantes recherches pour garder l’ADN profond de Mr Magoo, qui est son ressort comique, tout en enrichissant la série afin d’écrire des histoires plus longues que les épisodes originels de 3 à 4 minutes. Ces derniers sont une suite de gags : Mr Magoo, qui voit très mal, ne comprend pas vraiment ce qu’il fait et se met donc dans des situations contraires à celles qu’il doit vivre. Ce quiproquo de base est la structure même des épisodes des anciennes séries. Mettre Mr Magoo dans une salle de gym alors qu’il pense être dans une forêt suffisait, par exemple, pour créer une suite de gags pour un épisode de 3 minutes, mais pas pour le format de 7 minutes que nous avons choisi. Nous avons donc ajouté dans son univers ce voisin, propriétaire d’un hamster. Du jour au lendemain, l’animal devient très intelligent. A chaque épisode, il échafaude des plans rocambolesques pour éclabousser la face du monde de son génie. Mais Magoo se retrouve à chaque fois au milieu de ses manigances et fait tout capoter. Cet ajout fait en sorte que la série ne soit pas seulement soutenue par la caractérisation comique du personnage. Il nous aide également à raconter des histoires avec plus d’enjeux émotionnels et d’objectifs à atteindre pour les personnages.
L’équilibre entre le respect de l’œuvre originale et sa revisite a-t-il été difficile à trouver ?
Absolument pas. Le personnage a un ADN très fort avec cette myopie qui le conduit à ne jamais être là où il doit être et à ne jamais faire ce qu’il doit faire. Nous avons rapidement su que nous voulions conserver cet aspect. Le tri s’est donc fait rapidement car la série est très simple et entièrement centrée autour de son héros d’origine. Nous avons ajouté des choses pour créer des histoires plus complexes plutôt qu’enlevé des éléments. Tout s’est donc fait de manière naturelle quant à l’aspect scénaristique et littéraire.
Les choix graphiques étaient-ils aussi évidents ?
Nous nous sommes appropriés le style du personnage, un peu râleur et ronchon dans la série originale, pour le rajeunir physiquement. Nous voulions le rendre intemporel. S’il était resté marqué par l’âge, il n’aurait pas forcément pu vivre certaines choses ou il ne se serait peut-être pas autorisé certaines actions. Nous voulions ouvrir le personnage à tous les possibles. S’il veut courir un marathon, faire les 24 heures du Mans ou de la plongée, ce n’est pas un problème. Son seul handicap ici, c’est sa myopie. Nous avons donc enlevé cette notion d’âge pour nous focaliser sur l’aspect comédie. Nous avons également travaillé sur des aspects esthétiques, tels que des liserés blancs entre la couleur et le trait, qui ont nécessité un développement assez compliqué techniquement. Ce détail n’est pas présent dans la série originelle.
Les illustrations ont donc été faites avec un vrai souci du détail ?
Oui, tout en gardant certains aspects traditionnels de la série. Pour les décors, nous avons repris l’idée d’avoir quelque chose de très stylisé graphiquement, en le travaillant différemment. La série d’origine mise sur des dessins à plat (animés sans volume ndlr). Pour notre version, nous avons beaucoup plus travaillé la lumière pour jouer avec, chose plus difficile à faire à plat. L’action se déroulant à New York, nous voulions mettre en avant la lumière de la ville avec des dégradés plus sophistiqués.
Quelle était, pour vous réalisateur, la plus grande difficulté en revisitant Mr Magoo ?
Sur le plan scénaristique, la mécanique d’épisode est relativement complexe. Il était donc difficile de combiner un rendu simple et gaguesque, avec une vraie intrigue à raconter pendant 7 minutes. Dans chaque épisode, il y a toujours deux ou trois histoires à mener de front : celle que Mr Magoo croit vivre mais que nous ne voyons pas, celle qu’il vit vraiment et qui apparaît à l’écran et enfin celle du hamster, dont il n’a pas conscience. Et tout ça en 7 minutes, ce qui est un timing serré. C’est le plus difficile, d’autant plus que tout doit être intelligible pour les téléspectateurs. S’ils ne comprennent pas ce que pense vivre Mr Magoo, ils ne saisiront pas les ressorts comiques. La mécanique scénaristique était complexe à mener et cette difficulté s’est répercutée sur la mise en scène et les storyboards. Avec Xilam, nous avons d’ailleurs une manière de travailler très axée sur le board : le scénario continue de s’améliorer lors de cette étape où nous pouvons encore modifier des choses. Arriver à raconter des histoires claires, drôles et simples, que les enfants peuvent appréhender sans se perdre dans une complexité conceptuelle parasitant les choses, était le plus difficile.
Diffusée sur France 4 depuis le printemps 2019, Mr Magoo est en sélection au Festival d’Annecy 2019, dans la catégorie « Films de télévision », avec l’épisode Dances with Walruses.