Simon était au départ produit à l’étranger et seulement distribué par votre société. Pourquoi avoir décidé ensuite de produire cette série vous-mêmes, en interne ?
Nous avons fait un test avec le réalisateur Julien Cayot, qui était déjà chargé de modifier ce qui n’allait pas dans ce qui était produit à l’étranger. Nous nous sommes rapidement aperçus qu’avec une bonne équipe en France, nous n’irions certes pas aussi vite qu’un studio étranger mais nous pouvions gagner en qualité avec des délais presque comparables. Nous avons donc tenté l’aventure et avons produit une première saison qui s’est très bien passée. La propriété « Simon » n’était pas connue, mais elle est adaptée des livres populaires de Stephanie Blake parus à L’Ecole des loisirs tels que Caca boudin ou Je ne veux pas aller à l’école. Quand les enfants ont reconnu Simon, la série a rencontré un franc succès sur France Télévisions après sa première diffusion à Noël 2016 puis en 2017. Nous avons signé directement avec France Télévisions les saisons 2 et 3 de cette série qui nécessite un grand temps d’écriture car il faut garder le ton irrévérencieux, drôle et réaliste de Stephanie Blake. Signer la suite nous a permis de conserver quasiment en permanence les équipes qui avaient appris à animer Simon ainsi que le réalisateur.
Qu’est-ce qui, selon vous, a poussé France Télévisions à commander deux saisons en même temps ?
L’audience a joué un rôle. Simon fait en effet de gros scores depuis son lancement. Le fait qu’il s’agisse d’un programme fabriqué à 100% en France les a également convaincus. C’est aussi valorisant de financer un projet qui fait partie du rayonnement culturel français dans le monde ; en 2019, nous étions par exemple nommés pour le Prix Export Animation de TV France International distinguant les programmes qui s’exportent le plus.
Dans combien de territoires votre série est-elle présente ?
150 à 200 territoires. Nous avons conclu par exemple un contrat avec Disney en Asie du Sud-Est puis en Amérique du Nord, et il y a ensuite eu Netflix. Nous avons également beaucoup de ventes sur des chaînes publiques scandinaves, espagnoles et italiennes, ainsi que dans toute l’Europe de l’Est avec la chaîne AMC. Simon est aussi diffusé sur TV5 Monde, ce qui représente beaucoup de pays, et la série est régulièrement présente dans le top 3 des programmes exportés. Lors de la première saison, nous nous sommes installés en Chine, et au Japon où notre série est diffusée sur la chaîne publique NHK. Vendre dans ce pays où peu de programmes français sont achetés a été un challenge. Nous avons enfin vendu récemment les trois saisons de la série au Royaume-Uni, territoire réputé ardu pour les dessins animés français.
Etait-ce difficile de réaliser des préventes internationales ?
Il est toujours compliqué de vendre des programmes, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une propriété peu connue à l’international. Une adaptation d’un produit américain reconnu aurait été plus facile à vendre. Avec Simon, nous avons dû convaincre les acheteurs en espérant que la série trouve son public sur les différents territoires. Après avoir rencontré le succès, on peut envisager de vendre des suites, mais c’est plus long de faire de l’exploitation dérivée avec des produits de licence tels que des jouets, des peluches, de la papeterie… Nous en sommes à cette étape en France – avec France Télévisions Distribution, en Espagne grâce à un agent ainsi qu’en Italie et en Israël et nous nous préparons à le faire pour la Scandinavie et la Grèce.
Les préventes internationales sont-elles indispensables pour produire une série animée ?
Il est toujours mieux d’en avoir un peu, mais pour une première saison d’un programme inconnu, les préventes sont rares sauf si les acheteurs étrangers vous connaissent. GO-N Productions est présent dans le milieu de l’animation depuis longtemps, certains pays comme la Finlande, la Suisse et le Canada nous ont donc fait confiance. Mais c’est vraiment l’apport de France Télévisions et le système de soutien français qui nous ont permis de fabriquer la saison 1.
Financièrement, la part française est donc énorme pour la production. Pour la saison 1, nous avons aussi eu Disney Channel, une aide de la région Ile-de-France et quelques préventes. Pendant la production de la saison 1, nous avons enfin présenté la série à Cannes, au MIP Junior qui accueille les acheteurs étrangers pour visionner tous les nouveaux programmes de l’année. Simon a fini dans le top 5 des programmes regardés et a même été le premier programme dans la catégorie « preschool » [pré-scolaire]. Cet accueil favorable nous a donné confiance pour la suite et certains acheteurs du MIP Junior nous ont suivis. Les choses sont plus simples pour la saison 3 car nous arrivons dans des pays avec 3 saisons et un succès international.
Au fil des années, y a-t-il eu une évolution des prix de ventes ?
Je travaille dans l’animation depuis plus de 15 ans et j’ai en effet pu constater une baisse des prix des programmes. Cela s’explique en partie par le fait que les enfants regardent moins la télévision car ils préfèrent les plateformes ou YouTube. En conséquence, les budgets des chaînes diminuent, mais leur politique est de garder le même volume de programmes, donc de baisser les prix. Un nouveau mouvement va s’engager avec la crise sanitaire actuelle qui va provoquer une vraie crise. Avec la réduction des recettes publicitaires sur les chaînes privées, les acheteurs risquent d’avoir des budgets encore moins conséquents tandis que les chaînes publiques seront sûrement amenés à modifier leur manière de travailler pour produire davantage de contenus en interne autour de l’éducation et de l’accompagnement. En France, la situation est toutefois différente car il existe des accords entre France Télévisions et les producteurs. Cependant, nous voyons déjà, dans les chaînes publiques espagnoles ou des pays de l’est, une réaffectation des budgets servant à acheter des programmes.
Vous avez une chaîne YouTube dédiée à Simon. Est-ce une manière de développer encore davantage la série ?
Cette chaîne était, au départ, un outil de promotion car nous ne pouvons pas mettre en ligne gratuitement des contenus qui ont été achetés par des diffuseurs. Nous avons créé beaucoup de choses spécialement pour cette chaîne, telles que des chansons, des tutoriels, un abécédaire pour apprendre les couleurs… Ces vidéos ont aussi permis aux chaînes qui diffusent la série de répondre aux besoins du public. Celui-ci s’attend à retrouver la série aussi bien à la télévision que sur d’autres écrans et sur YouTube. Cette chaîne a enfin été un outil de ventes : en analysant les audiences -certains territoires étant friands des contenus Simon -, cela nous a permis de convaincre les acheteurs de ces pays.