Stéphane Strano : « L’ADN du festival, c’est la création française »

Stéphane Strano : « L’ADN du festival, c’est la création française »

12 septembre 2022
Séries et TV
Le Festival de la fiction de La Rochelle revient du 13 au 18 septembre 2022.
Le Festival de la fiction de La Rochelle revient du 13 au 18 septembre 2022. Caroline Dubois

Du 13 au 18 septembre, La Rochelle accueillera à nouveau le Festival de la fiction. L’actrice Sandrine Bonnaire sera cette année la présidente du jury, accompagnée par le réalisateur Arnauld Mercadier, la scénariste Caroline Bottaro, le comédien David Baïot, la productrice Gaëlle Cholet, la comédienne Louise Monot et le compositeur Brice Davoli. Ils devront départager une riche sélection française, où l’on retrouvera notamment Les Combattantes (TF1), Diane de Poitiers (France Télévisions) ou encore Notre-Dame, la part du feu (Netflix). Le président du festival, Stéphane Strano, décrypte pour le CNC les enjeux de l’édition 2022.


Après le Covid qui a marqué le festival en 2020 et 2021, l’édition 2022 est celle du retour à la normale.

Comme vous dites ! On vit avec l’inquiétude depuis longtemps : quand je suis devenu président il y a six ans, on était déjà en état d’urgence à cause du terrorisme. C’est la première année où les choses se passent normalement. Ce qui met une grande pression car la liberté est vertigineuse ! On avait réussi un tour de force en plein cœur de la pandémie en organisant l’édition 2020 aux Folies Bergère en septembre, à Paris : la semaine précédente, ça n’aurait pas été possible pour des raisons sanitaires, et à la fin de la semaine tout refermait. C’était un moment fou. Et puis, il y a finalement eu certains effets positifs à la crise Covid : on a notamment supprimé le village du festival l’an dernier, une très bonne chose pour des questions écologiques. Par ailleurs, l’absence de musique – nous devions éviter que les festivaliers ne dansent – nous a fait comprendre que les gens pouvaient plus facilement échanger. Ils ont fait la fête en se parlant ! Nous reprenons d’ailleurs ce principe cette année pour certaines soirées.

L’ADN du festival, c’est la création française.
Stéphane Strano
Président du Festival de la Fiction de La Rochelle
Stéphane Strano Caroline Dubois

Les chiffres semblent très bons : vous notez une augmentation de la fréquentation de 30 % par rapport à l’année dernière.

C’est énorme, et même plus que ce qu’on imaginait. On nous avait prédit qu’on allait perdre 30 % des festivaliers en 2021, à cause du Covid. Et finalement, les chiffres étaient les mêmes qu’en 2019. L’intérêt pour la fiction est grandissant.

La fiction française, qui est au cœur du festival, voit aussi sa production augmenter.

Oui, et sa qualité également. On a toujours reçu des fictions de qualité, mais cette année est un « grand cru ». Marc Tessier, qui est le président du Comité de sélection France, a été impressionné par la diversité de la proposition. L’ADN du festival, c’est la création française. Depuis que je suis président, je me bats pour une chose qui était considérée comme ringarde : la francophonie. Je crois en la valeur supplémentaire de l’expression en langue française, je crois qu’on a quelque chose à défendre de parfaitement international. 90 millions de touristes viennent en France tous les ans ! On a des millénaires de culture et d’histoire sous nos pieds. Il n’y a que les Français pour l’avoir oublié. Je serais Américain, je tremblerais !

Si la fiction française prend beaucoup de place durant le festival, de nombreuses productions étrangères sont également présentes. Comment trouve-t-on le juste milieu ?

Dans un premier temps, la sélection européenne était là pour nourrir et aiguillonner la volonté créative française. C’était le souhait de Quentin Raspail, l’ancien président. J’ai trouvé ça formidable d’accueillir l’ensemble de l’Europe comme un territoire de coproduction. Les étrangers viennent de plus en plus pour la création française. Il y a quatre ans, j’ai proposé d’inaugurer des rendez-vous de la création francophone pour proposer à nos amis européens, qui viennent chaque année depuis quinze ans, d’intervenir financièrement dans des séries en langue française. Lors de la première édition, on a eu des Allemands, des Italiens, des Anglais, des Scandinaves... L’année dernière, on a organisé 280 rendez-vous, avec 17 investisseurs venus de toute l’Europe. Cette année, le monde entier sera là, dont les États-Unis.

Netflix et Prime Video seront présents pour la première fois avec leurs fictions en langue française. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour leur donner une place à La Rochelle ?

J’ai veillé à la légalité de leurs positions. Tant que tout n’était pas réglé et signé, je ne me suis jamais tourné vers eux, même s’ils viennent depuis cinq ans au festival. Aujourd’hui, les choses sont claires : le festival représente la création française et ils sont dans l’écosystème de la création française. Ils ont souhaité venir, on les a accueillis, tout simplement. 


Cette année, le Québec est à l’honneur. Pourquoi le choix de ce pays ?

Ce sont des amis du festival qui viennent depuis très longtemps à La Rochelle, et qui ont beaucoup d’œuvres à présenter. D’ailleurs, ils représentent la moitié des fictions de la sélection officielle francophone étrangère ! A un moment, j’ai cru qu’on ne pouvait faire de bonnes fictions qu’en anglais, parce que c’est une langue qui sonne. Et puis il y a eu le Québec, qui a prouvé le contraire et réussi à faire de la dramaturgie puissante avec le français. Le Québec a une profusion de propositions intéressantes. Par ailleurs, ils ont un petit temps d’avance par rapport à nous sur l’arrivée des plateformes, ce qui rend le partage d’expérience très intéressant. Plus globalement, je souhaite que les productions québécoises soient mieux diffusées dans le monde entier et notamment en France. Moi-même, je regarde des fictions québécoises et je m’en inspire.