Les Visiteurs du soir (Marcel Carné, 1942)
À la fin du quinzième siècle, le diable envoie deux troubadours dans un château afin de répandre la discorde et le désespoir dans le cœur des hommes. En pleine Occupation, Marcel Carné réussit l'exploit de tourner cette superbe fable fantastique médiévale, avec une partie de l'équipe qui fera ensuite le légendaire Les Enfants du Paradis (le script de Prévert, Arletty en actrice, les décors d'Alexandre Trauner...). Un film qui résonne comme un vieux conte oublié, et qu'on n'oubliera plus jamais.
Les Yeux sans visage (Georges Franju, 1960)
Un chirurgien enlève des jeunes filles pour leur découper la peau du visage afin de soigner sa fille défigurée... On ne sait quoi admirer le plus dans le chef-d’œuvre de Franju : les visions surréalistes éclairées par Eugen Schüfftan (Metropolis de Fritz Lang, Le Quai des brumes de Marcel Carné), le jeu surpuissant d'Edith Scob et Pierre Brasseur, l'angoisse cauchemardesque du sujet écrit par Boileau-Narcejac... Et puis, tout simplement, Les Yeux sans visage est un film qui fait, véritablement et profondément, peur.
Les Chiens (Alain Jessua, 1979)
Dans une banlieue parisienne moderne, les habitants prennent peur et décident de s'équiper en chiens de combat pour se défendre. Un médecin humaniste (Victor Lanoux) fait face à un maître-chien charismatique (Gérard Depardieu) pour empêcher la ville de sombrer dans l'autodéfense et le fascisme. Un vrai film de genre, poisseux, violent et glauque, dont le sujet frôle sans cesse le fantastique urbain le plus dérangeant.
Le Pacte des loups (Christophe Gans, 2001)
Film fantastique ? Film-somme, en tous cas : autour de la légende de la Bête du Gévaudan, Christophe Gans concentre tout ce qui fait vibrer au cinéma : l'aventure, l'Histoire, l'action, les combats au ralenti, les complots, le romanesque, les monstres, l'aventure... Tout, et bien plus encore.
Trouble Every Day (Claire Denis, 2001)
Quand Claire Denis fait un film de vampires, ça fait mal. La réalisatrice envisage les suceurs de sang comme des amants cannibales qui dévorent les corps pour les posséder à tout jamais. D'une violence et d'une originalité affolantes, loin de tout cliché (le film ne s'envisage même pas comme une relecture des clichés du genre), Trouble Every Day n'a pas l'importance qu'il mérite. À redécouvrir absolument.
Martyrs (Pascal Laugier, 2008)
Une famille ordinaire petit-déjeune quand surgit une jeune femme qui va la décimer au fusil de chasse. Pourquoi ? La réponse donnée par le deuxième long de Pascal Laugier est terrifiante, traumatisante, et nous emmène loin, très loin dans les abysses de l'horreur.
Evolution (Lucile Hadzihalilovic, 2016)
Une île mystérieuse, des femmes et des enfants tous de sexe masculin, un mystérieux médecin... Onze ans après le Innocence, Lucile Hadzihalilovic s'affirme comme l'héritière du surréalisme magique des Yeux sans visage de Franju avec son cinéma fait de visions sorcières. C'est beau.
Grave (Julia Ducournau, 2017)
Une étudiante végétarienne en école vétérinaire découvre le bon goût de la chair humaine. Le premier film de Julia Ducournau, en plus de révéler Garance Marillier, réconcilie deux cinémas avec ses visions frappantes : le cinéma arty et soigné, et le cinéma de genre le plus trash et saignant qui soit. De la cuisine fusion dans ce qu'elle a de meilleur.
La Nuit a dévoré le monde (Dominique Rocher, 2018)
En se réveillant un matin dans un appartement où la veille encore la fête battait son plein, un jeune homme (Anders Danielsen Lie) doit se rendre à l’évidence : il est comme seul au monde et des morts-vivants ont envahi les rues de la capitale. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre, sans savoir si l’humanité entière s’est transformée et s’il est ou non le dernier survivant. Adapté du roman du même titre de Pit Agarmen (pseudonyme de l’écrivain Martin Page), La Nuit a dévoré le monde ménage ses effets. Pas de plongée au cœur de l’apocalypse zombie planétaire dans ce premier long métrage minimaliste de Dominique Rocher, mais plutôt un huis-clos parisien dans lequel la menace reste, le plus souvent, à l’extérieur et diffuse. Malgré une tension constante et quelques jolis sursauts, l’organisation au quotidien, les effets de la solitude et la survie intéressent davantage le réalisateur français.
Les Cinq Diables (Léa Mysius, 2022)
Dans un village de montagne, Vicky (Sally Dramé), une gamine solitaire, concocte des "sortes" de potions magiques. Car Vicky possède un don, celui d’avoir un odorat surdéveloppé. Dans sa chambre, elle collectionne des bocaux dans lesquels elle recrée les "odeurs" de ses proches. Vicky vit avec sa mère, Joanne (Adèle Exarchopoulos), avec qui elle entretient une relation fusionnelle, et son père Jimmy, pompier. Lorsque Julia (Swala Emati), sa tante paternelle, surgit dans leurs vies, Vicky se lance dans la préparation de son « odeur ». Une action qui la propulse dans les souvenirs des membres de sa famille. Mais ces vestiges du passé ne laisseront personne indemne... Après son premier long métrage Ava (2017), ode brûlante à la jeunesse, la réalisatrice Léa Mysius mêle ici fantastique et drame social, image habitée – grâce au format 35mm – et bande-son envoûtante. Un film à voir et revoir pour vibrer face à l’étrangeté et l’extraordinaire.