C’est la deuxième édition de Reims Polar. Qu’est-ce qui fonde la spécificité de ce festival et comment le définiriez-vous ?
Je fais des festivals selon la nature des lieux. J’ai organisé le festival de Marrakech pendant 14 ans, et je l’ai fait en fonction du Maroc. Je me suis appuyé sur des écoles de cinéma, avec des cinéphiles du pays. Quand j’ai fait Beaune, l’idée c’était d’utiliser le produit ; à Cognac, pareil. Là, lorsque je suis arrivé à Reims, j’ai regardé la ville et j’ai été frappé par l’art déco, les constructions merveilleuses (la cathédrale, évidemment), la lumière et les produits du terroir - avec l’idée de la transmission du savoir autour de la fabrication du Champagne. Cette découverte se résumait pour moi en deux mots : transmission et construction. Et au fond, ça revient un peu à la mission que je me suis fixé avec Le Public Système Cinéma. Construire le patrimoine cinéma du futur - les Winding Refn, les Park Chan-wook, les Sorrentino sont passés chez nous. Mon rôle c’est ça : transmettre et nourrir la passion du cinéma.
Cela se traduit comment ?
Par la circulation des films - le patrimoine comme les nouveautés inédites. Il y aura des des films de Walter Hill, Damiano Damiani comme des productions récentes de tous horizons. J’ai également institué tous les jours à 17h des leçons de cinéma gratuites où les gens du public parlent avec les stars, leur posent toutes les questions qu’ils veulent. Il n’y a pas de barrière, les légendes du septième art (comme Walter Hill ou Martin Campbell) répondent aux festivaliers et transmettent leur art.
Ce qui me frappe c’est la contextualisation du festival dans la cité.
Mais on ne peut pas faire un festival qui ne serait pas ancré, construit, structuré, autour de l’endroit où il se déroule ! Il faut que les Rémois adhèrent ! Ensuite, les médias nationaux et internationaux suivront. J’ai eu la chance que le maire nous suive dès le début. Quand on adiscuté avec Arnaud Robinet, il nous a tout de suite affirmé que ce qui l’intéressait ce n’était pas les paillettes mais la qualité. Reims sera capitale européenne de la culture en 2028 et, en attendant, elle est la capitale du polar.
Concernant la sélection de l’année qu’est-ce qu’on pourra découvrir ?
On a fait une sélection de films de plus de 20 nationalités. On verra des films du Kazakhstan, de Lituanie, de Finlande, d’Ukraine… Beaucoup de films d’Europe de l’Est, qui depuis la chute du mur, s’est mise à produire d’excellentes œuvres. L’autre caractéristique de la sélection, c’est la nouvelle maturité du genre, il grandit. Ce ne sont plus des histoires de gendarmes et les voleurs. Les films qu’on verra ont une dimension sociologique, tragique aussi. On revient au Parrain. Le Parrain, ce n’est pas un polar c’est une tragédie, un drame shakespearien caché sous les oripeaux du genre. Et je crois que l’on assiste à un retour de cette tonalité dans la production contemporaine.
Comment avez-vous choisi les invités mis à l’honneur de cette édition ?
Pour moi, et chacun à leur manière, Walter Hill, Martin Campbell, Vincent Lindon et Rodrigo Sorogoyen sont des personnalités qui incarnent les fondamentaux du genre. Walter Hill, après Scorsese et Coppola, dans le registre du polar et de l’action, c’est le meilleur. J’adore sa relecture du cinéma classique américain qu’il réussit toujours à remettre au goût du jour avec ce mélange de pessimisme et d’ironie. Martin Campbell c’est évidemment les deux James Bond, GoldenEye et Casino Royale, et Le Masque de Zorro, mais c’est aussi un incroyable talent de mise en scène toujours au service des personnages. Quant à Rodrigo Sorogoyen j’avais envie de l’inviter parce que j’ai l’impression qu’aujourd’hui, il est en train de renouveler de fond en comble la cinématographie espagnole par le biais du polar. On a eu une révolution du cinéma espagnol à travers le fantastique il y a une vingtaine d’année. Aujourd’hui, la nouvelle vague passe par le film policier (avec La Isla Minima, El Reino) et c’est cela que j’avais envie de mettre en avant.
Au fond, quel message voulez-vous faire passer avec Reims Polar ?
Je crois à l’élitisme pour tous. La France a la plus grande cinémathèque du monde, le plus grand festival du monde avec Cannes, la meilleure critique du monde avec Positif et Les Cahiers du cinéma. On peut se permettre de montrer des films de qualité à un grand public. Si les gens vont au cinéma, découvrent des films qui les surprennent, qui les émeuvent, qui les bouleversent et les font réfléchir, alors ils y retourneront. Et ils verront forcément la différence entre l’expérience de la salle et le simple fait d’appuyer sur un petit bouton de télécommande.
Le festilval du film Policier Reims Polar, se tient à Reims du 5 au 10 avril 2022.