Comment Garrett Brown a révolutionné le cinéma

Comment Garrett Brown a révolutionné le cinéma

Rocky
Rocky Chartoff Winkler productions-DR-T.C.D.

L’inventeur du SteadiCam est l’un des invités d’honneur du festival Toute la mémoire du monde, à la Cinémathèque française, où il donnera une masterclass et présentera sept grands films sur lesquels il a travaillé.


Garrett Brown sur le tournage de "Bound of Glory", 1975 Collection Garrett Brown

Sans lui, le cinéma américain des années 70 n’aurait pas été tout à fait le même. Ou le cinéma tout court, d’ailleurs. On doit à Garrett Brown une invention décisive et géniale, qui a révolutionné la façon de filmer, le SteadiCam, qui permit soudain aux cadreurs de filmer en marchant, sans les soubresauts de la caméra portée. Grâce à un système comportant un harnais, un bras articulé et un système de stabilisation, les travellings, soudain, devinrent fluides.

Dès qu’elle découvrit les premières bandes démo de cette caméra, l’industrie hollywoodienne comprit qu’une invention majeure venait de voir le jour. En 1976 sortent ainsi coup sur coup trois films sur lesquels Garrett Brown a travaillé et qui démontre la force de son invention : En Route pour la gloire (biopic du chanteur Woody Guthrie signé Hal Ashby), Marathon Man et Rocky. La scène où le boxeur Rocky Balboa monte en courant les marches du Musée des beaux-arts de Philadelphie démontre les potentialités du SteadiCam et entre instantanément dans la légende.

Peu de temps après, Stanley Kubrick, très impressionné par les tests qu’il a pu voir, fait appel à Garrett Brown pour que celui-ci soit l’opérateur SteadiCam sur Shining, qui va devenir une sorte de manifeste esthétique de cette caméra pas comme les autres. Une grande partie du film est en effet constituée de longs plans-séquences hypnotiques, suivant les personnages le long des couloirs de l’hôtel Overlook. Le succès du film va beaucoup faire pour la généralisation du SteadiCam dans les années 80 et suivantes.

Avant de devenir l’un des inventeurs les plus célébrés de l’industrie (il a reçu pas moins de trois Oscars pour ses inventions en 1978, 1999 et 2006), Garrett Brown a commencé sa carrière comme… chanteur de folk.  Au début des années soixante, il est en effet membre du duo Brown and Dana. Mais le folk passe de mode à cause du triomphe des Beatles et Brown va ensuite se reconvertir dans l’écriture de romans, puis dans la publicité. C’est en tournant des spots de pub qu’il commence à réfléchir aux contraintes posées par la caméra portée et à la meilleure manière de les contourner. En 1972, il doit tourner une publicité nécessitant un travelling sur deux étages. Il met alors au point son invention, d’abord nommé « Brown’s stabiliser », puis « SteadiCam » (de « steady », stable et « cam », pour caméra) et la présente à Ed Di Giulio, le patron de Cinema Products Corporation. Impressionné, celui-ci signe un accord de développement avec Brown qui dépose un brevet dans la foulée.

Garrett Brown ne s’est pas arrêté à la SteadiCam. De son esprit inventif est aussi sorti le SkyCam, utilisé notamment pour les vues aériennes lors d’événements sportifs, ou le MobyCam pour la captation immergée des nageurs olympiques. Quand on lui demande les plans filmés à la SteadiCam qu’il préfère et sur lesquels il n’a pas travaillé, Garrett Brown cite ceux des Affranchis, de Boogie Nights, de L’Impasse et de Kill Bill. Mais il tient à préciser : « Le SteadiCam est un instrument, il vaut ce que vaut l’opérateur qui le manie. »