Comment en êtes-vous venu à doubler Po, le héros de Kung Fu Panda ?
Manu Payet : Les gens de Paramount France sont venus voir mon premier spectacle. Dans la foulée, ils m’ont parlé de ce dessin animé Dreamworks qu’ils s’apprêtaient à sortir et je découvre qu’ils pensent à moi pour le personnage principal : un panda qui fait du kung-fu ! Il se trouve que depuis mon enfance, avec mon frère, on partage une fascination pour les pandas, au point d’avoir chacun une peluche qu’on a toujours gardée. Par ailleurs, comme tout bon Réunionnais de notre génération, on était accro aux films de Bruce Lee, et particulièrement La Fureur du Dragon. Inutile de dire que leur proposition m’a tout de suite surexcité ! (rires) Et je suis donc allé passer des essais…
En quoi cela consistait-il ?
Le film était loin d’être terminé, on m’a donc demandé de poser ma voix sur des ébauches de dessins. Cela restait un peu abstrait. J’ai composé une voix en imaginant que je m’adressais à un public d’enfants mais aussi et surtout en ayant en tête la voix des doubleurs que j’écoutais en boucle quand je regardais des dessins animés, plus jeune. Le plus fou dans tout ce processus, c’est que Jeffrey Katzenberg, le patron des studios Dreamworks, écoute lui-même les essais du monde entier et participe activement à la décision finale. Ca en dit long sur son investissement…
Comment s’est déroulé le premier jour d’enregistrement ?
Le film n’était toujours pas terminé. J’ai donc travaillé sur de nombreuses séquences qui étaient encore à l’état de croquis… Ca s’est fait un peu à l’aveugle : parfois, les lèvres du personnage n’étaient pas totalement animées. Mais j’avais cependant en ma possession toute la bande son originale. Jack Black qui prête sa voix à Po l’avait enregistrée en amont et les animateurs s’en étaient servis pour façonner son personnage. Dans un premier temps, malgré tous les efforts d’interprétation déployés, j’avais le sentiment que ma voix ressemblait à celle de mon message de répondeur ! (rires) Heureusement, j’étais parfaitement entouré. Le directeur de plateau Julien Kramer et une employée de Dreamworks m’ont aidé à corriger la musicalité de mon interprétation. Cette femme était vraiment impressionnante. Elle possédait une oreille de dingue car sans parler français, elle me suggérait – toujours à bon escient – d’être plus doux ou plus énervé par rapport à ce que je venais de proposer. C’est grâce à leur écoute que je suis resté dans les clous.
Combien de temps dure l’enregistrement de la voix du personnage central d’un film d’animation ?
Trois jours en tout et pour tout ! Ce qui est vraiment très peu. J’ai même dû demander aux gens de Dreamworks – qui ont accepté - qu’on me rajoute une journée pour peaufiner le travail. On enregistre dans l’ordre chronologique de l’action et les premiers combats de kung-fu de Po arrivent très tôt, avec les cris qui les accompagnent. Là, il fallait gueuler aussi fort que Jack Black qui a un sacré coffre. Résultat, au bout du deuxième jour, je me suis retrouvé aphone. Quand j’ai retrouvé ma voix, on s’est concentré sur les scènes de comédie pure. Et on a consacré le quatrième jour à ces fameux cris !
Qu’est-ce qui fut le plus compliqué dans cette aventure vocale ?
Réussir à délivrer ces cris. Mais aussi s’assurer que les blagues en VO passent en VF, dans mon interprétation comme dans leurs traductions, parfois complexes. Pour certains dialogues, j’ai même fait des propositions qu’on a envoyées pour approbation à Dreamworks. Je vous raconte tout cela pour montrer que c’est vraiment un travail d’équipe. J’ai été très fier du prix que nous avons remporté pour ce doublage au festival d’Annecy.
Vous avez ensuite retrouvé Po dans les deux suites de Kung Fu Panda. En quoi votre travail a été différent ?
Sur les deux suivants, c’était le pied. D’abord parce que j’ai été heureux de le retrouver. Mais aussi et surtout parce que Po grandit au fil des épisodes et que sa voix mue, part moins dans les aigus. Elle est donc plus facile à interpréter pour moi. Sans compter qu’avec l’expérience du premier Kung Fu Panda, j’étais plus à l’aise avec la technique, on planifiait mieux les choses pour que je termine la session de doublage par les cris des combats. Mais le défi restait le même : réussir à livrer une VF digne du travail extraordinaire de Jack Black dans la version originale.