Diao Yinan a 50 ans et 4 long-métrages à son actif. Le dernier, Le lac aux oies sauvages, a été présenté en compétition lors du dernier Festival de Cannes où il est reparti vierge de tous lauriers. Cela n’a pas empêché l’un de ses plus grands fans, Quentin Tarantino, d’exulter lors de la projection officielle. La façon dont Yinan joue avec les codes du thriller a, en effet, tout pour plaire au cinéaste américain. Ici, l’esthétique prime sur tout le reste et permet une immersion totale dans un monde sous-terrain et nocturne. Le lac aux oies sauvages raconte le destin d’un chef de gang plus ou moins repenti et d’une prostituée qui cherche à fuir sa propre condition. La mort accidentelle d’un policier va en décider autrement.
L’action s’inspire d’un fait réel découvert dans un journal à partir duquel Diao Yinan a laissé vagabonder son imagination. En 2012, une conférence d’un genre un peu particulier s’est tenue dans les sous-sols d’un quartier d’une grande ville. Des petits trafiquants de tout le pays se sont rassemblés afin de mettre en place des règles de conduite et de se répartir équitablement leur terrain de chasse. La police y fait irruption et déclenche un véritable chaos. Lorsqu’il découvre cette histoire rocambolesque, Diao Yinan a immédiatement un désir de film. Si c’est un point de départ, il reste à trouver une bonne intrigue. L’idée vient « par miracle » à ses oreilles. A la radio passe une chanson d’amour japonaise dont il ne comprend pas les paroles mais qui éveille ses sens et son inspiration. Il imagine alors les contours de ce thriller romantique.
Pour justifier l’ambiance crépusculaire de son film et la façon dont la lumière dessine un espace mystérieux dans la droite lignée du cinéma expressionniste allemand, le cinéaste explique :
« Sous les projecteurs, le monde prend une dimension surréelle. L’homme rôde comme un animal à la frontière mouvante entre rêve et réalité. J’adore les ombres qui naissent entre la lumière et l’obscurité et je les filme obstinément. Et puis, il y a le silence de la nuit, un silence où il semblerait qu’un trait de lumière lui-même soit sonore.»
Diao Yinan, né dans en 1969 à Xi’an la capitale de la province du Shaanxi, a commencé sa carrière comme scénariste (dont Shower de Zhang Yang en 1999) avant de faire l’acteur entre autre pour Yu Lik-wai dans All Tomorrow’s Party, présenté au Festival de Cannes en 2003. Lik-wai est aussi le chef opérateur attitré de Jia Zhangke dont Yinan est très proche. Ainsi, lorsqu’ il passe à la réalisation avec Uniform en 2004, Jia Zhangke et Yu Lik-wai officient logiquement en tant que conseillers artistiques. Les trois amis ont depuis fondé la société de production Xstream.
Uniform raconte, sur fond de crise économique, le destin criminel d’un jeune homme dans une ville industrielle de la province du Shaanxi. Trois ans plus tard, il signe Train de nuit, romance trouble où une gardienne de prison tombe amoureuse d’un homme dont la femme attend sa condamnation à mort. Avec ce long-métrage à la beauté formelle qui décuple une mélancolie vénéneuse, le style de Diao Yinan s’affirme et s’affine. Viendra ensuite Black Coal en 2013, thriller sombre qui obtient à la Berlinale l’Ours d’or du meilleur film et l’Ours d’argent du meilleur acteur pour Liao Fan. Le même Liao Fan que l’on retrouve aujourd’hui dans Le lac aux oies sauvages.
En dehors de ses activités de cinéaste, Diao Yinan est un auteur de théâtre reconnu. Et à travers ses pièces de théâtres et ses œuvres filmiques, il fait désormais figure de modèle et de parrain pour toute une nouvelle génération d’artistes épris d’indépendance et de modernité.
Le lac aux oies sauvages a reçu l'aide aux cinémas du monde du CNC.