Disparition de Laurent Tirard

Disparition de Laurent Tirard

06 septembre 2024
Cinéma
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Laurent Tirard
Laurent Tirard Christophe Brachet

Le réalisateur du Petit Nicolas, d’Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté et du Retour du héros, ancien journaliste pour Studio Magazine, s’est éteint le 5 septembre, à 57 ans, après un long combat de plus de douze ans contre le cancer qui a fini par l’emporter.


Laurent Tirard était un amoureux du 7e art. Natif de Roubaix, il a mis très jeune le cap sur les États-Unis. Après des études de cinéma à New York, il passe de la côte est à la côte ouest et devient lecteur de scénario pour la Warner à Los Angeles, avant de revenir en France, avec le rêve de passer à la réalisation. Il intègre alors la rédaction du mensuel Studio Magazine – avec comme voisin de bureau un autre journaliste qui deviendra cinéaste, Thierry Klifa – pour offrir et s’offrir des cours particuliers pas comme les autres. Des « Leçons de cinéma » qu’il propose chaque mois dans les colonnes du magazine où il interroge des réalisateurs du monde entier (de Martin Scorsese à Claude Chabrol en passant par Jean-Luc Godard, Mathieu Kassovitz, Bertrand Blier, Jean-Jacques Annaud, Claude Lelouch, Steven Soderbergh, Alejandro González Iñárritu, Pedro Almodovar, les frères Coen, André Téchiné, Michael Mann, Claire Denis, Spike Lee, Costa-Gavras, Jim Jarmusch…) sur leur parcours et leurs méthodes de travail. Une somme d’articles compilés dans deux ouvrages publiés en 2004 et 2006 (disponible chez Nouveau Monde Éditions, en un seul volume depuis 2020).

Sous le signe de la comédie

C’est en 1999 qu’il va passer pour la première fois de la théorie à la pratique avec De source sûre, un court métrage de huit minutes réunissant notamment Isabelle Carré et un quasi-débutant nommé Gad Elmaleh, autour d’une rumeur sur un couple qui se propage au fil d’une soirée. Une comédie, le genre qu’il ne cessera dès lors jamais de servir. Parfois comme scénariste (Le Plus Beau Jour de ma vie de Julie Lipinski en 2005, Prête-moi ta main d’Éric Lartigau en 2006…), le plus souvent dans ses propres films, notamment à partir de Mensonges et trahisons – et plus si affinités, dans lequel un écrivain fantôme (Édouard Baer) est chargé d’écrire l’autobiographie d’une star du foot (Clovis Cornillac, qui sera récompensé du César du meilleur acteur dans un second rôle en 2005) dont il découvre qu’il est marié à son béguin de ses années d’étudiant. Un succès critique et public qui lance sa carrière. Il réunira ensuite plus d’1,2 million de spectateurs avec son Molière (incarné par Romain Duris) où il revisite une partie de la vie de l’auteur du Malade imaginaire. Puis de 2009 à 2014, il va, en trois films, s’attaquer à deux figures mythiques de la BD française : Le Petit Nicolas et sa suite Les Vacances du Petit Nicolas, entre lesquels s’intercale Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté (avec le duo Édouard Baer-Gérard Depardieu dans les rôles-titres) qui lui vaudra son plus gros succès au box-office avec plus de 3,8 millions d’entrées.

Laurent Tirard entame ensuite une collaboration fructueuse de deux films avec l’un des rois de la comédie made in France, Jean Dujardin. D’abord avec Un homme à la hauteur, remake du film argentin Corazón de León, sur une idylle entre un architecte de 1,36 m et une avocate de 1,75 m (Virginie Efira). Puis avec Le Retour du héros, film en costumes sur lequel planaient l’ombre et l’influence totalement revendiquées du Jean-Paul Rappeneau des Mariés de l’an II. Avant qu’en 2020, il relève haut la main un défi particulièrement complexe : adapter Le Discours de Fabcaro, long monologue intérieur d’un trentenaire qui attend un texto de sa fiancée alors que son futur beau-frère lui demande de faire un discours lors de son mariage. Benjamin Lavernhe y livre une prestation renversante. Jusqu’au bout (et son ultime long métrage, Juste ciel ! avec Valérie Bonneton, sorti en février 2023), Laurent Tirard sera resté fidèle à la comédie et à un cinéma populaire qu’il aura servi par son irrésistible humour pince-sans-rire et des mises en scène élégantes et jamais tape à l’œil.