Né en 1931, ce n’est qu’à l’âge de trente ans que Michel Deville réalisa son premier film seul : après le polar Une balle dans le canon, co-réalisé en 1958 avec Charles Gérard d’après Albert Simonin, il décide de tourner la comédie romantique Ce soir ou jamais (1961) avec Anna Karina. Il cosigne le scénario avec Nina Companeez, et débute ainsi une collaboration qui se poursuit jusqu’à Raphaël ou le débauché en 1971 et donne lieu à une dizaine de films, offrant une véritable unité de ton à la première partie de l'œuvre de Deville.
Après avoir été formé par Henri Decoin, dont il a été le fidèle assistant-réalisateur pendant dix ans, Michel Deville s’affranchit peu à peu du format classique. En effet, il fait partie de ces cinéastes nés artistiquement dans les années 60 qui ont, selon l’historien du cinéma Jean-Pierre Jeancolas, « bénéficié du climat euphorique créé par la Nouvelle vague pour amorcer une carrière très personnelle. » De fait, Deville s’attaque à des registres très différents pendant quatre décennies : fantaisie libertine (Benjamin ou la mémoire d’un puceau avec Michel Piccoli, Michèle Morgane et Catherine Deneuve, récompensé du prix Louis Delluc en 1967 et qui sera son plus gros succès avec plus de 2 millions d’entrées), comédie (L’Ours et la poupée, l’un des derniers rôles de Brigitte Bardot, en 1970, La Petite bande, réalisée sans dialogue en 1983), film noir (Le Dossier 51 en 1979, récompensé du César de la Meilleure adaptation, Eaux profondes en 1981 avec Jean-Louis Trintignant et Isabelle Huppert…), drame intime (La Maladie de Sachs avec Albert Dupontel en 1999…).
En 1984, Michel Deville travaille avec son épouse, Rosalinde Deville, au scénario de Péril en la demeure, d’après un roman de René Belletto, avec Nicole Garcia et Richard Bohringer. Le cinéaste remporte alors son deuxième césar, celui du Meilleur réalisateur, en 1986. Dès lors, le couple collabore sur la plupart des films, dont Le Paltoquet en 1986, un exercice de style visuel et narratif maîtrisé, qui réunit un parterre d’acteurs de renom (Philippe Léotard, Jeanne Moreau, Michel Piccoli, Jean Yanne…). Michel Deville aime ainsi jongler avec les images et les mots, comme dans La Lectrice, avec Miou-Miou, où il se livre à une peinture acide de son temps avec une liberté de ton saisissante. Le réalisateur obtient d’ailleurs le prix Louis-Delluc pour ce film.
En parallèle à sa carrière de cinéaste, Michel Deville, qui fut membre du jury au Festival de Cannes 1984 sous la présidence de Dirk Bogarde, écrivait des poésies, publiées au Cherche-midi. Son dernier film, sorti en 2005, était une adaptation de Georges Feydeau : Un fil à la patte, avec Charles Berling, Emmanuelle Béart et Julie Depardieu.