Le Magicien d’Oz de Victor Fleming - George Cukor, Mervyn LeRoy, Norman Taurog et King Vidor (non crédités) (1939)
En lice en 1940 pour l’Oscar du meilleur film, Le Magicien d’Oz est l’un des plus grands classiques de la comédie musicale américaine. Le film est signé Victor Fleming, mais les plus grands cinéastes de l’âge d’or hollywoodien y ont participé (la genèse du film fut si compliquée que George Cukor, Mervyn LeRoy, Norman Taurog et King Vidor se croisèrent sur le plateau). On y suit les aventures d’une jeune orpheline, transportée avec son chien au pays d’Oz après un ouragan. Dans la peau de Dorothy, rôle destiné au départ à Shirley Temple, Judy Garland, 17 ans à peine à l’époque, impressionne à tel point qu’elle décroche en 1940 un Oscar spécial saluant la performance d’un jeune talent. Une dizaine d’auteurs ont participé à l’écriture du scénario adapté du roman Le Magicien d’Oz de Frank L. Baum. Avec ses personnages passés à la postérité (le Tin Man, l’homme lion ou l’épouvantail…), son univers à la beauté visuelle stupéfiante, sa direction artistique brillante et les chansons d’Harold Arlen et d’Edgar Yipsel Harburg - dont l’inoubliable Over The Rainbow - ce film permet de contempler ce que Hollywood pouvait faire de mieux en matière de musical à l’époque.
Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly (1952)
Les semelles de feu de Gene Kelly, la danse sous la pluie (et sur la chanson-titre) … Invention constante, satire légère, joie inoxydable et nostalgie colorée : Chantons sous la pluie est un rêve qui contient le style du cinéaste Stanley Donen dans toute sa pureté – son énergie, sa manière folle de retranscrire la vie en dansant, son optimisme à toute épreuve - et synthétise la philosophie de ce qu’on a appelé la Freed Unit – la maison de production MGM qui fut la plus grande usine à bonheur du XXe siècle. Mettant en scène un couple star du cinéma muet confronté à l’arrivée des films parlants et une jeune danseuse, Chantons sous la pluie est un vrai chef d’œuvre du genre et un film fabuleux sur l’histoire du cinéma. Gene Kelly confirme son statut de pilier du musical, aussi talentueux devant que derrière la caméra (il cosigne la réalisation du film) et les prestations de Jean Hagen, Debbie Reynolds et Donald O’Connor sont tout aussi impressionnantes.
West Side Story de Jerome Robbins et Robert Wise (1961)
New York, quartier du West Side. Les Sharks et les Jets, deux bandes de jeunes menées respectivement par Bernardo et Riff, s’affrontent constamment. Mais la tension monte d’un cran lorsque Tony, un des Jets, tombe amoureux de Maria, la sœur de Bernardo. Adaptation à l’écran d’un spectacle joué avec succès à Broadway, West Side Story rassemble Natalie Wood (doublée au chant par Marni Nixon), Rita Moreno, George Chakiris et Richard Beymer. Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur en 1962 (il a reçu au total dix statuettes), West Side Story se démarque des précédentes comédies musicales américaines par son ton, beaucoup plus sombre et pessimiste qu’à l’accoutumée. Sortie en France en 1962, la comédie musicale éclaire la difficile intégration des personnes issues de l’immigration portoricaine ainsi que la violence qui gangrène certains quartiers. Transposition de Roméo et Juliette dans le milieu des gangs, West Side Story brille par son intensité, son émotion et son regard critique sur la société.
West Side Story de Steven Spielberg (2021)
Bien que ce film vienne soixante années après une première version cinématographique réalisée par Jerome Robbins et Robert Wise, il ne s’agit pas pour autant d’un remake, mais bien d’une nouvelle adaptation du spectacle musical de Broadway, écrit par le regretté Stephen Sondheim et composé par Leonard Bernstein, laquelle se veut d’ailleurs plus fidèle à l’œuvre originale. Le récit de guerre de gangs dans le New York des années 1950 sur fond d’un amour impossible à la Roméo et Juliette reste sensiblement le même, mais les visages ont changé (Rachel Zegler succède à Natalie Wood dans le rôle de Maria, Ansel Elgort à Richard Beymer dans celui de Tony, tandis que Rita Moreno qui incarnait Anita dans la version 1961 joue ici un nouveau personnage, Valentina) et les images sont d’un grandiose renouvelé.
Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1964)
Contrairement aux comédies musicales traditionnelles, Les Parapluies de Cherbourg est un film entièrement chanté. Le réalisateur Jacques Demy, qui a écrit les paroles, collabore une nouvelle fois avec le compositeur Michel Legrand pour ce projet extrêmement novateur pour l’époque. Les Parapluies de Cherbourg est l’un des premiers films de Catherine Deneuve qui incarne ici Geneviève, une vendeuse de parapluies. Sous la pression de sa mère, elle épouse un riche bijoutier alors qu’elle est amoureuse, et enceinte, de Guy, un garagiste parti combattre en Algérie. Rare film osant évoquer la Guerre d’Algérie à l’écran, Les Parapluies de Cherbourg est une œuvre lumineuse et émouvante. Une comédie dramatique à part qui a notamment reçu le Grand Prix au Festival de Cannes 1964.
My Fair Lady de George Cukor (1964)
Après sa rencontre avec une marchande de fleurs, un grand professeur de phonétique décide de transformer la jeune femme en une dame raffinée. Huit Oscars (dont ceux du meilleur acteur et de la meilleure direction artistique) et le Golden Globe du meilleur film musical ou meilleure comédie sont venus récompenser My Fair Lady de George Cukor. Adapté de la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw, le musical de Broadway My Fair Lady avait été imaginé par Alan Jay Lerner et Frederick Loewe. Succès oblige, Hollywood décide de le transposer à l’écran, et demande à George Cukor de s’en charger. Il reste fidèle à la pièce, reprenant toutes les chansons et n’ajoutant qu’un seul numéro à l’ensemble. Rassemblant Audrey Hepburn (qui, comme Natalie Wood dans West Side Story, fut doublée au chant par Marni Nixon), Rex Harrison et Stanley Holloway, ce film est un spectacle total avec les merveilleux costumes de Cecil Beaton et les décors. Marqué par une photographie et une mise en scène de qualité, cette comédie musicale vaut notamment le détour pour la prestation d’Audrey Hepburn, parfaite en jeune femme en pleine mutation.
La Mélodie du bonheur de Robert Wise (1965)
Grand succès au cinéma lors de sa sortie, le film La Mélodie du bonheur est adapté de la comédie musicale du même nom d’Oscar Hammerstein II (qui a écrit les paroles) et Richard Rodgers (compositeur). Pour ce spectacle, les deux hommes ont puisé leur inspiration dans La Famille des chanteurs Trapp. Un livre autobiographique de Maria Von Trapp dans lequel elle raconte l’histoire de sa famille autrichienne qui, après avoir fui son pays envahi par l’Allemagne, s’est installée aux Etats-Unis pour y organiser des concerts. Oscarisé à cinq reprises en 1966 - il a remporté les Prix du meilleur film, réalisateur, son, montage et de la meilleure adaptation musicale -, le long métrage devait à l’origine être réalisé par William Wyler. C’est finalement Robert Wise qui dirige Christopher Plummer, Richard Haydn et Julie Andrews. L’inoubliable interprète de Mary Poppins retrouve-là un rôle de gouvernante qui bouleverse le quotidien d’un veuf autrichien et de ses enfants. Classique du genre, souvent cité (Björk et Catherine Deneuve entonnent la chanson My favorite things dans Dancer in the dark), La Mélodie du bonheur reste un classique populaire, qui dispense, à parts égales, une réflexion sur des événements politiques graves (l'Autriche de l'Anschluss) et un divertissement familial parfait.
Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967)
Si Les Parapluies de Cherbourg est une œuvre entièrement chantée, on retrouve dans Les Demoiselles de Rochefort une construction, plus proche des comédies musicales américaines, mêlant dialogues et musiques composées et orchestrées par Michel Legrand. Pour incarner ses héroïnes, les jumelles Solange et Delphine qui rêvent du grand amour, Jacques Demy a rassemblé à l’écran Catherine Deneuve et sa sœur Françoise Dorléac, toutes deux doublées pour les parties chantées. Deux stars, figures des comédies musicales hollywoodiennes, apparaissent dans ce film tourné simultanément en français et en anglais : Gene Kelly (Chantons sous la pluie) et George Chakiris (West Side Story). Si Les Demoiselles de Rochefort est un chef d’œuvre éternel c’est que Demy parvient à traiter de sujets graves et durs de manière légère. Bonheur et chagrin se consument dans la grâce, la sensibilité, l’artifice trompeur et la facétie douce, habillées par les musiques de Legrand qui foudroient toute forme de mélancolie.
Grease de Randal Kleiser (1978)
Après un amour de vacances, Sandy (Olivia Newton-John) retrouve par hasard au lycée Danny Zuko (John Travolta), leader de la bande des T-Birds. Mais devant ses amis, ce dernier joue les désinvoltes, bien loin de son comportement pendant l’été. Adapté d’un spectacle musical signé Jim Jacobs et Warren Casey, Grease, teen movie rock’n’roll, marque une date importante du genre par son look rétro, son humour - on pense à la séance de sport de Danny Zuko et aux répliques des Pink Ladies – et sa bande originale. Mix efficace de rythm’n’blues, de disco et de boogie-woogie, Summer Nights, You’re the One That I Want, Greased Lightning sont aujourd’hui encore sur toutes les lèvres. Impossible de ne pas succomber au charme délicieux de ce film qui fête ses quarante ans cette année.
Les Blues Brothers de John Landis (1980)
Devant la caméra de John Landis, les stars de la soul ou du rhythm and blues se succèdent. Le gospel enflammé de James Brown, Ray Charles en revendeur de saxophones d'occasion, Lady Aretha Franklin en déesse du gospel soul débordant de vitalité en peignoir rose… Le tout est orchestré par Dan Aykroyd et Jim Belushi, apôtres du bonheur swinguant. Ils reprennent ici leurs personnages des frères Blues apparus dans des sketchs du Saturday Night Live (une émission humoristique américaine). Jake (John Belushi) et Elwood (Dan Aykroyd) doivent trouver 5 000 dollars pour éviter que l’orphelinat dans lequel ils ont grandi soit fermé. Lunettes, costumes et chapeaux noirs de rigueur, les deux frères tentent de reformer un orchestre pour rassembler l’argent. Ce film de John Landis est d'autant plus attachant qu'il rend respectueusement hommage aux racines de la musique noire américaine et propose un spectacle d’humour et de courses-poursuites tonitruantes. L’œuvre « feel-good » par excellence – qui est l’une des missions fondamentales de la comédie musicale.
Dancer in the Dark de Lars von Trier (2000)
Palme d’or et prix d’interprétation pour Björk au Festival de Cannes 2000, Dancer in the Dark met en scène Selma (Björk), une émigrée tchèque aux Etats-Unis. Cette mère célibataire, qui travaille dans une usine, est une passionnée de comédies musicales. Atteinte d’une maladie qu’elle cache, elle perd peu à peu la vue. Son fils connaîtra le même sort s’il ne subit pas une coûteuse opération. La situation de la famille devient encore plus dramatique lorsque Selma est accusée, par un voisin, d’avoir volé ses économies. Pour ce film, Lars von Trier a misé sur un dispositif d’une centaine de caméras pour filmer en plans fixes les séquences chantées et dansées, chorégraphiées par Vincent Paterson (ancien collaborateur de Michael Jackson, Madonna ou Sydney Pollack pour Havana). Loin de la légèreté des comédies musicales traditionnelles, le cinéaste danois signe une œuvre sombre, bouleversante et tragique sublimée par la musique écrite par Björk. Un film dans lequel il pointe l’un des aspects les plus négatifs des Etats-Unis - la peine de mort - et évoque le communisme. Dancer in the Dark, qui complète la trilogie « Cœur d’or » débutée par Breaking The Waves et Les Idiots, est porté par la performance folle de Björk, qui s’est totalement imprégnée de son personnage, jusqu’à perdre pied, quittant même le plateau pendant quelques jours. Sa prestation intense face à Catherine Deneuve est aussi bluffante que marquante.