Pourriez-vous nous raconter votre parcours ?
Charlotte Prunier : Diplômée d’une école de commerce, j’ai d’abord travaillé pendant quatre ans et demi au sein d’une Sofica, COFINOVA. J’y ai beaucoup appris sur la production et le financement des films, leur exploitation également. En parallèle j’avais toujours été fascinée par les salles de cinéma que je fréquentais assidûment. Quand l’opportunité s’est présentée de reprendre une salle en plein cœur de Paris, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons relevé le défi avec mon associé Alexis Dantec. Nous avons ainsi racheté Les 3 Luxembourg en juin 2012. Depuis, j’ai repris fin 2013 l’exploitation et la programmation de l’Accatone, salle mono écran voisine des 3 Luxembourg.
Vous êtes une jeune directrice de salle de cinéma, faites-vous partie, à votre avis, d’une nouvelle génération d’exploitants ?
CP: Sans doute oui. Les exploitants de ma génération redoublent de créativité pour renouveler leur public en tenant compte des nouvelles habitudes de consommation et de l’évolution des modes de vie. À titre d’exemple, l’utilisation des réseaux sociaux est devenue un outil central de la politique de communication d’une salle comme la nôtre.
Votre cinéma, « Les 3 Luxembourg » vient de rouvrir après plusieurs mois de travaux, quelles étaient vos ambitions sur ce projet ?
CP: La rénovation des salles était devenue une nécessité, avec des ambitions claires : rénover, embellir et moderniser le cinéma, sans pour autant rompre avec son identité de salle de quartier, humaine et conviviale. Nous avons cherché à conserver le cachet du lieu qui lui confère tout son charme. Il s’agissait aussi d’améliorer la visibilité du cinéma depuis la rue. Depuis la réouverture au mois de février, la fréquentation est très encourageante et les retours excellents ; nous abordons aujourd’hui sereinement une nouvelle page de l’histoire des 3 Luxembourg.
Quels sont les prochains projets que vous aimeriez développer pour votre établissement que ce soit en termes de programmation, de partenariats, ou d’acquisition d’équipement ?
CP: Maintenant que la rénovation est terminée, mon projet pour Les 3 Luxembourg s’articule autour de deux principaux axes :
De?velopper une programmation plus ambitieuse, avec notamment quelques sorties nationales sur des films « art et essai » dits porteurs, sans ne?gliger les continuations de longue dure?e sur lesquelles Les 3 Luxembourg se sont toujours distingue?s. Je compte diversifier notre programmation afin de toucher un public plus jeune (se?ances pour enfants, cine?-clubs e?tudiants, nuits de cine?ma) et augmenter le nombre de rencontres, de de?bats et de se?ances spe?ciales, qui font la singularite? des 3 Luxembourg.
Cultiver notre indépendance sans négliger le travail en réseau : je m’attache à renforcer nos liens avec les acteurs culturels du quartier et de la ville (musées, librairies, écoles, associations). Je souhaite aussi travailler en bonne intelligence avec les autres exploitants, et développer des actions mutualisées comme c’est le cas notamment dans le cadre des Cinémas Indépendants Parisiens avec qui nous faisons un gros travail (par exemple sur le lancement imminent de la « Carte d’abonnement CIP »).
Votre cinéma est classé Art et Essai, qu’est-ce que cela représente pour vous ? Qu’attendez-vous de la réforme menée par le CNC ?
CP: Aux 3 Luxembourg nous défendons avec passion les films « art et essai ». Je crois que le travail de salles comme la nôtre est essentiel et d’ailleurs reconnu dans le monde entier. Mais défendre cette ligne éditoriale est parfois difficile, et c’est la raison pour laquelle le classement Art et Essai et le soutien financier qui l’accompagne sont absolument essentiels à la survie de nos exploitations. J’espère que la réforme permettra une simplification de la procédure de demande de classement, aujourd’hui très complexe et fastidieuse. Une plus grande transparence dans l’appréciation des critères non objectifs (notamment le travail d’animation fourni par les salles) sera également la bienvenue.