Hommage à Catherine Lachens

Hommage à Catherine Lachens

29 septembre 2023
Cinéma
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Catherine Lachens
Catherine Lachens en 1979 dans le rôle de Madame Langlois, tenancière de bar dans le film «Flic ou voyou», avec Jean-Paul Belmondo. Gaumont International

La comédienne, figure lumineuse du cinéma des années 1970 et 1980, s’est éteinte à l’âge de 78 ans. Portrait.


Des cheveux blonds relevés sur la tête, des yeux ronds électriques et un sourire permanent mais jamais figé, telle était la comédienne Catherine Lachens, qui vient de s’éteindre à l’âge de 78 ans. Avec le temps, son visage et sa voix si caractéristiques s’étaient faits plus discrets. Son dernier rôle date de 2015, dans Pension complète, remake de La Cuisine au beurre par Florent-Emilio Siri. La même année, elle faisait une apparition dans la série télévisée à succès Scènes de ménage, où, fidèle à son désir farouche de faire danser les mots, elle n’a pas hésité à réécrire au débotté certaines de ses répliques. « Plusieurs fois, d’ailleurs, il m’est arrivé d’improviser, confiait-elle au site Cinecomédies.com en 2022. Je pense par exemple au rôle que je joue dans Gazon maudit. À l’origine, ma scène avec Josiane Balasko était beaucoup plus courte, et surtout plus simple. J’arrivais vers la fin du film, sur la piste d’une boîte de nuit, je faisais une petite crise de jalousie, et puis ça devait s’arrêter là. Mais au moment de tourner, Josiane m’a laissé une certaine liberté, alors j’y suis allé… »

Le « Lion liseur » de Dali

Catherine Lachens a très tôt appris que dans ce métier, il fallait saisir sa chance afin que la caméra capture l’énergie qu’elle avait à offrir. Être un second rôle n’est jamais une vocation, pourtant, la comédienne qui a cumulé une quarantaine de longs métrages dans les années 1970 et 1980, y trouvait un certain avantage : « Un grand rôle dans un film vous empêche généralement de faire autre chose en même temps. Un petit, en revanche, vous le permet davantage », avouait l’actrice au site Chaosreign.fr.

Pas de plan de carrière et une liberté totale dans sa manière d’évoluer ici et là. Cinéma donc, mais aussi théâtre (classique, contemporain ou boulevard), télévision (elle fut l’une des figures du jeu à succès L’Académie des neuf) ou publicité. « J’ai adoré en tourner. D’autant que c’était souvent en compagnie de metteurs en scène prestigieux : Gérard Pirès, Georges Lautner, Étienne Chatiliez, Pascal Thomas… La Metro-Goldwyn-Mayer n’a qu’à bien se tenir. »

Il faut ajouter à cet imposant CV, la sculpture, qu’elle pratiquait en amateur, l’écriture et la… lecture. Sa voix suave lui a ainsi permis d’être une intime de Salvador Dali qui, charmé par son timbre, lui demandait de venir les dimanches après-midi au très chic hôtel Meurice où il résidait pour lui lire de la prose. Dali lui avait même donné un surnom, « Lion liseur », en « hommage » à sa coupe de cheveux ébouriffée.

« Implacablement. Voracement… »

À celles et ceux qui cherchaient à savoir les origines de sa vocation de comédienne, Catherine Lachens, née en 1945 à Boulogne-Billancourt, aimait parler de voyages. D’un en particulier. Celui qui l’emmena, adolescente, en stop, aux portes de l’Espagne. Elle se retrouva bientôt au bord d’une plage à Algésiras. Et ? L’actrice parle d’une vision, d’un désir qui ne s’explique pas. « C’est arrivé comme ça. Implacablement. Voracement. Peut-être est-ce le fruit de ce long périple ? »
Sans jamais démentir cette épiphanie, elle pouvait aussi citer des films découverts enfant, de ceux dont on ne saisit pas tout mais qui nous parle intimement. Au choix : Les Dames du Bois de Boulogne de Robert Bresson, La Grande Illusion de Jean Renoir ou encore Crin-Blanc d’Albert Lamorisse. Toujours est-il qu’une fois revenue à Paris, la jeune fille ne fait pas les choses à moitié et entre au Conservatoire où elle décroche les trois premiers prix : classique, contemporain et étranger. Nous sommes en 1972, les copains de promo se nomment Francis Huster, Jacques Villeret ou Nathalie Baye. La grande aventure a commencé là.

Dans la filmographie de Catherine Lachens, on note entre autres ses rencontres avec des légendes : Alain Delon (Flic Story de Jacques Deray…) ; Jean-Paul Belmondo (L’Incorrigible de Philippe de Broca, Flic ou Voyou de Georges Lautner) ou encore Brigitte Bardot dans ce qui reste à ce jour sa dernière apparition sur grand écran, L’Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise de Nina Companeez.

Au sein d’une carrière qui dessine, en creux, le portrait d’une comédie française libre et décomplexée où le plaisir du jeu l’emportait sur d’éventuels plans marketing, on retiendra notamment sa fougue dans Je suis timide mais je me soigne de Pierre Richard où, dans la peau d’une camionneuse entreprenante, elle laissait exploser tout son génie comique. Plus proche de nous, le cinéaste Paul Vecchiali l’avait baptisée dans son film À vot’bon cœur (2004), Madame Bisance. Un patronyme qui sonnait bien, doux et poétique à la fois.