Quel est le rayon d’action de Horschamp ?
C’est une association loi 1901 essentiellement composée de jeunes cinéastes et de bénévoles. Etudiants, nous avions cette frustration théorique - si je peux le dire ainsi - de ne pas apprendre le cinéma avec ceux qui le faisaient. Nous avions en tête Les Cahiers du cinéma avec Godard ou Rohmer qui étaient critiques avant de devenir cinéastes. Mais nous trouvions plus intéressant, pour nous, de ne pas être dans la critique mais dans le dialogue. Et au-delà d’une revue, nous voulions inclure le public dans notre démarche. Pour partir à la rencontre de tous les cinéphiles, nous faisons beaucoup de captations en direct de nos événements. Nous avons également une vidéothèque en ligne pour revivre des master class d’hier et d’aujourd’hui, et pas seulement celles que nous organisons : nous pensions en effet que centraliser sur notre plateforme des vidéos tournées aussi bien aux Etats-Unis que dans des festivals ou des petites villes était une bonne idée. Notre slogan est d’ailleurs « Vivre les rencontres d’hier via la vidéothèque, assister à celles d’aujourd’hui dans le cadre de nos rencontres et imaginer celles de demain », car nous sondons aussi beaucoup les spectateurs sur leurs désirs futurs.
Jacques Audiard, Gaspar Noé, Bertrand Bonello, Costa-Gavras ou encore Catherine Corsini ont participé à ces rencontres. Choisissez-vous les invités en fonction de vos goûts personnels ou des demandes du public ?
Nous recevons des personnalités qui nous inspirent et ont forgé notre cinéphilie. Mais nous nous intéressons aussi à ce que les spectateurs attendent et nous ancrons ces rencontres dans des focus. Nous avons par exemple reçu Gaspard Ulliel à l’occasion d’une rétrospective consacrée à Guillaume Nicloux, ce qui a permis d’interroger la conception du cinéaste à travers les yeux de l’acteur. Nos rencontres se font également avant la projection du film pour offrir au public une autre grille de lecture.
Votre père est réalisateur. Est-ce l’échange que vous avez avec lui sur son métier qui vous a donné envie de faire vivre au public ce même type de discussions ?
Ces rencontres ne partent pas de là, même s’il y a forcément un déterminisme à un moment ou à un autre. Mon père est réalisateur de documentaires et travaille principalement pour la télévision tandis que ma mère est journaliste : j’avais donc déjà ces deux notions de réalisation et d’interrogation. Mais Mathieu, que j’ai rencontré à l’ESRA, vient d’un autre milieu : il est originaire de la Beauce, n’a pas de famille dans le milieu du cinéma et avait donc un regard extérieur. C’est d’ailleurs ce qui nous a donné l’idée de partir à la rencontre de tous les cinéphiles en diffusant en direct nos rencontres : elles sont accessibles ainsi sur tous les territoires. Nous publions parfois nos master class en incluant les questions des spectateurs car elles nous paraissent aussi intéressantes que la parole du cinéaste : dans quelques années, voir à la fois ce que Guillaume Nicloux pensait de son travail et la façon dont le public lisait et concevait son film pourrait être intéressant.
Comment monte-t-on un projet tel que celui-ci ?
L’amour du cinéma nous porte : plutôt que dévorer des films comme nous le faisions, nous avons choisi de consacrer ce temps à l’organisation de ces rencontres. Nous avons pu compter sur la générosité et la bienveillance des artistes reçus qui nous mettent eux-mêmes en relation avec l’invité suivant. Il y a cette idée de transmission : Guillaume Nicloux, que nous avons accueilli, nous a aidés à avoir sa directrice photo, sa productrice Sylvie Pialat ou encore Gaspard Ulliel.
Vous êtes né en 1996. Était-ce difficile d’être pris au sérieux en raison de votre jeune âge ?
Il était difficile, au départ, de se faire accepter non pas par les artistes qui nous ont tout de suite pris au sérieux, mais par les institutions et même nos professeurs. C’est très français, cette vision de la jeunesse infantilisée… Mais Michel Hazanavicius, qui était notre premier invité, a tout de suite accepté. Le recevoir nous a permis d’avoir ensuite Houda Benyamina, puis les Films du Losange nous ont ensuite aidés à entrer en contact avec Olivier Assaysas. Et c’était lancé.
Etait-ce aussi facile de convaincre les salles de cinéma d’accueillir vos rencontres ?
Nous y sommes allés au culot (rires). Nous avons contacté Michel Hazanavicius en lui proposant une master class avec les cinémas Pathé Gaumont, comme si c’était déjà fait. Quand je suis allé voir Gaumont en leur présentant ce projet avec le réalisateur d’OSS 117, ils ont évidemment dit oui. C’était un coup de poker et le succès de cette master class a simplifié les choses avec les autres cinémas. Nous avons d’ailleurs toujours pu compter sur leur bienveillance, notamment celle des Fauvettes qui ont accueilli notre cycle Starting-block (rebaptisé Toute première fois et accueilli maintenant aux Ecrans de Paris) consacré aux premiers films alors que le cinéma faisait encore du patrimoine. A partir du moment où nous avons un artiste et une ligne éditoriale pour ces rencontres, les cinémas nous laissent carte blanche.
Et financièrement, comment s’organise l’association ?
Nous ne sommes pour le moment ni subventionnés ni soutenus par des mécènes : nous récupérons un pourcentage des rencontres, ce qui nous permet de payer la communication. Mathieu et moi sommes bénévoles et nous vivons avec les métiers que nous exerçons à côté. Mathieu est réalisateur et il monte actuellement un documentaire sur le cinéma fantastique. Je suis scripte et j’ai notamment travaillé sur le dernier film de Christophe Honoré. L’activité d’Horschamp doit rester bénévole : l’idée est vraiment de proposer au public un moment de cinéma où rien de lucratif n’entre en jeu, juste de la passion.