Hier, un palace
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les gens ont besoin de se divertir. De gigantesques salles dédiées au cinéma, cet art forain, voient le jour : les palaces. Des foules énormes se pressent dans ces lieux spectaculaires dont le Louxor est l’un des plus éminents représentants. Inauguré le 6 octobre 1921, il doit sa réalisation à Henri Silberberg, un homme d’affaires qui a acheté un immeuble faisant l’angle des boulevards de la Chapelle et Magenta à Paris pour y édifier le futur palace.
Conçu dans un style Art Déco inspiré de l’art égyptien qui fait fureur à l’époque, le Louxor commence par projeter des courts métrages burlesques et des ciné-romans à épisodes -comme Les Mystères de Paris de Charles Buguet. Lors de son rachat à la fin des années 20 par le géant Pathé (qui l’équipe pour l’arrivée du parlant), la salle est rebaptisée Louxor-Pathé et diffuse essentiellement des opérettes françaises et des comédies musicales américaines. La riche histoire du lieu est parsemée de ces ajustements au goût de l’époque, avec une prédilection pour le grand spectacle : à partir des années 50, polars, péplums, films de cape et d’épée et d’aventure se succèdent à l’écran, au détriment des œuvres plus pointues de la Nouvelle Vague. Dans les années 70-80, devant l’affaissement de la fréquentation, le Louxor, situé dans le quartier populaire de Barbès, décide de programmer des films indiens et égyptiens, à destination de sa clientèle cosmopolite. Le déclin est inexorable malgré la reprise du Louxor par le groupe Tati, qui finira par transformer l’endroit en discothèque en 1986, avant de le fermer.
Aujourd’hui, une renaissance
Dans les années 90, les projets de réhabilitation du Louxor se succèdent, sans succès. En 2001, l’association Action Barbès, regroupant des habitants du quartier, sensibilise le maire de Paris, Bertrand Delanoë, au problème. La Ville, après deux ans de négociations avec Tati, devient propriétaire du lieu qu’elle s’engage à restaurer. En 2011, un appel d’offres est émis pour l’attribution de l’exploitation de la salle : le groupe CinéLouxor rafle la mise. Carole Scotta (productrice au sein de la société Haut et Court) devient présidente, Martin Bidou (exploitant), programmateur, et Emmanuel Papillon (exploitant également), directeur de l’établissement. « Le cahier des charges était très précis, nous a confié ce dernier. Il fallait transformer le Louxor en cinéma d’exclusivité Art et Essai en lien avec le tissu associatif local -on travaille par exemple beaucoup avec L’Institut des Cultures d’Islam. Il y avait également l’idée d’attirer les scolaires. Toutes les écoles du dix-huitième arrondissement, et particulièrement celles du quartier de la Goutte d’Or, viennent chez nous. » Depuis avril 2013, date de sa réouverture, le nouveau Louxor attire en moyenne 200 000 spectateurs par an, pulvérisant les estimations de départ les plus optimistes -autour de 150 000.
Demain, le développement
« Dans un an, l’offre de délégation va être renouvelée, poursuit Emmanuel Papillon. On espère la remporter, évidemment, et continuer de développer le Louxor. » Aujourd’hui, et encore plus demain, les salles de cinéma aspirent à être des lieux de vie, qui attirent une population élargie. Le Palais du Cinéma dispose ainsi d’un espace bar indépendant, accueille une chorale et même un cours de tango ! « Un ancien collaborateur m’avait demandé la permission d’utiliser le salon pour enseigner sa passion, ça marche bien », affirme Emmanuel Papillon. Le Louxor est également réputé pour les ciné-concerts qu’il organise une fois par mois. « On utilise le grand écran historique pour ça. Il est au format 1:33, celui du muet, le seul de son genre en France. Même la Cinémathèque de Paris n’en possède pas », se félicite le directeur de l’établissement, pas inquiet de la concurrence représentée par les géants du streaming comme Netflix. « Les salles constituent la pierre angulaire de la diffusion des films.»