L'entretien Teresa Cremisi

L'entretien Teresa Cremisi

01 décembre 2016
Tags :
Légende
Teresa Cremisi – Présidente de l’avance sur recettes du CNC

Teresa Cremisi – Présidente de l’avance sur recettes du CNC


Au bout d’un an de mandature à la tête de cette commission, aviez-vous des objectifs précis et quel bilan en faites-vous ? 

Teresa Cremisi : Je suis arrivée à la présidence de l’Avance sans bagages, sans idées préconçues, sans objectifs définis, sans liens forts avec des célébrités du cinéma. Cela peut sembler presque trop naïf toute cette innocence... mais c’est ainsi ; je viens d’un autre monde, celui de l’édition, à la fois proche et très différent. Mais j’ai quand même débarqué armée d’un solide amour pour le cinéma, d’une habitude marathonienne de la lecture, et de beaucoup de curiosité. 

À la fin de cette première année j’ai envie de dire à quel point le travail d’équipe m’a surpris par son engagement et son sérieux. Les discussions en comité de lecture, les auditions des cinéastes et producteurs, les débats suivis de votes, sont menés à un rythme soutenu, et très approfondis. Rien n’est laissé à l’improvisation et nous sommes accompagnés par une équipe en interne de haute compétence et expérience. Ce qui nous permet de nous concentrer sur la qualité et l’ambition des projets présentés. Quand j’ai vu réunis, à l’initiative de Frédérique Bredin, pour une petite fête très sympathique de fin d’année les lauréats de l’avance en 2016, j’ai eu un vrai mouvement de fierté. 

L’avance vous paraît-elle suffisamment assurer le renouvellement des talents, du 1er au 3eme film? 

TC : C’est un des engagements de la commission du deuxième collège. Nous examinons les deuxièmes et troisièmes projets avec une attention particulière. Nous sommes bien conscients qu’il est indispensable de « protéger » les jeunes auteurs et de les aider à transformer l’essai constitué par un premier film réussi. À Cannes cette année, sept premiers films et trois deuxièmes films étaient là pour témoigner que le renouvellement des talents est bien l’une de nos missions. 

Cette année, les films ayants reçus l’ASR ont obtenu de beaux succès dans les festivals (Cannes) mais aussi aux César, est-ce une satisfaction ? 

TC : C’est plus qu’une satisfaction : l’impression de participer à une histoire en train de se faire. J’ai bien vu tous les membres et salariés du CNC attendre les sélections et vibrer de joie lorsque les palmarès des César ou du Festival de Cannes accueillaient des films encouragés et soutenus par l’avance. Quand on a vécu, comme c’est mon cas, longtemps à l’étranger, on comprend très vite le rôle fondamental qu’a accompli depuis des décennies le CNC. Sans cet organisme unique, le développement d’un art si complexe se révèle plus que problématique ; dans de nombreux pays européens l’industrie du cinéma agonise. Le soutien de l’aide publique au cinéma français indépendant et aux jeunes créateurs est un socle unique et irremplaçable pour la création. 

L’année 2016 marque une grande diversité des films soutenus ainsi qu’une ouverture aux cinéastes du monde, cela correspond- il à une volonté de la commission ? 

TC : Je l’ai intégrée comme une mission principale : notre vocation est d’accompagner les artistes du cinéma tous genres confondus. Les films d’animations sont régulièrement aidés, les documentaires aussi ; Ma vie de courgette a fait la carrière que l’on sait et son succès n’est pas prêt de s’éteindre ; côté documentaires, j’ai envie de citer Une jeunesse allemande qui a conquis 30 000 spectateurs en salle. Il est fréquent d’entendre dire que la comédie ou la comédie romantique sont moins bien traitées par les commissions de l’avance, mais je crois que les palmarès futurs démentiront ces propos. 

La diversité c’est bien sûr aussi l’ouverture aux cinéastes étrangers. Après Asghar Fahradi, Wang Bing, Paul Verhoeven, ce sont Michael Haneke, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa que la commission a décidé récemment de soutenir pour qu’ils puissent tourner un film en France avec des acteurs et des équipes françaises, en langue française. Cette démarche ne peut que conforter l’avenir du cinéma français. 

Les commissions avant réalisation ont décidé d’aider cette année 55 films (dont 22 premiers films) ; la commission chargée des avances après réalisation a, elle, choisi 32 films (dont 12 documentaires). Il est superflu que je vous dise à quel point leur destin futur m’importe et combien nous nous réjouirons de leurs succès à venir.