« Folimage n’est pas qu’une société de production. Le studio développe, fabrique et distribue ! ». D’emblée, Pierre Méloni insiste sur la spécificité de sa structure. La diversité. Façon d’introduire la qualité principale du producteur d’animation. C’est à Folimage, studio valentinois qu’il dirige depuis 2017, que l’on doit des œuvres aussi différentes que Mia et le Migou, La Prophétie des grenouilles, Une vie de chat ou la série Les Cahiers d’Esther.
Mais comment est-il arrivé là ? Quel est le parcours d’un producteur d’animation ? Après avoir débuté sa carrière dans le secteur de la fiction TV et de la publicité, Pierre Méloni intègre le studio Gribouille, en 1995. Cette structure fait figure de pionnière dans la technologie 3D. Méloni y pose ses valises pendant sept années et passe par des fonctions différentes. D’abord premier assistant réalisateur, il devient ensuite directeur de production puis directeur du studio. Ces années au sein de Gribouille lui permettent de découvrir un spectre très large des métiers de l’animation et lui apportent l’expérience requise pour devenir un producteur de tout premier plan. Fabrication (du scénario jusqu’à la réalisation), management, gestion financière, supervision de la post-prod… il découvre toutes les phases de la création animée et développe le savoir-faire requis à la production.
Il passe à Folimage (le doyen des studios d’animation) en 2005, devient directeur de production sur des films comme Tante Hilda ou Mia et le Migou, mais c’est en 2017 qu’il en devient le directeur général, succédant ainsi à Jacques-Rémy Girerd. Quand on lui demande la vertu cardinale de la production animée, sa réponse fuse : la diversité des tâches et le sens du collectif. Pour Méloni, l’animation est une aventure au long cours qui nécessite des qualités rarement réunies chez un seul homme : créativité, exigence artistique, aptitudes d'entrepreneur et esprit d’équipe.
Concrètement, son rôle consiste à encadrer de nombreux aspects de la création artistique et il peut intervenir à tous les stades. Il supervise aussi bien les financements de projets que la négociation des contrats d’auteurs, ou les suivis de la trésorerie… « Avant de lancer une production, il y a un certain nombre de choses à faire. A commencer par une étude approfondie du projet, de sa viabilité, de sa faisabilité. On en discute beaucoup en équipe », notamment avec Corinne Destombes, sa directrice de développement. Une fois le projet validé, vient le temps du financement. Il s’agit alors de trouver des coproducteurs, de mettre en place des partenariats qui réclament patience et abnégation, ainsi qu’une solide force de persuasion. Il faut ensuite déposer les dossiers à tous les guichets disponibles.
Concrètement, les principaux partenaires de Folimage sont des structures de productions françaises qui acceptent généralement de financer un projet jusque 50% avec des aides publiques (le CNC, les aides au développement, ainsi que les aides locales et régionales…). Pour les longs métrages, ce sont des coproducteurs étrangers qui entrent en jeu, comme Nadasdy (Suisse) ou Lunanime (Belgique). « Ces deux sociétés sont des coproducteurs historiques, les plus anciens. Nous travaillons avec eux de manière régulière. Ils financent une partie du projet – entre 10 et 15% – et prennent en charge une partie du travail. »
Une fois le financement bouclé, le film entre alors en phase de fabrication. Et le producteur suit toujours méticuleusement son développement. Films, séries, le catalogue de Folimage est là encore très… varié. Mais pour Méloni, ce qui demande le plus de travail, ce sont les séries, car « contrairement aux courts et longs métrages, le processus de fabrication est très industriel. » Il faut que tout soit pensé et optimisé en amont, et beaucoup de minutes doivent être produites avec un budget souvent moindre. L’énergie quotidienne à dépenser est de fait très lourde. Mais dans tous les travaux, pour tous les formats, le meilleur moment de la profession vient une fois la production finalisée. « Quand vous sortez un long métrage, c’est la partie la plus stressante et la plus intéressante du métier. Parfois, on peut être déçus, cela peut ne pas marcher comme on le souhaitait. Mais cela reste la fin de cinq années de travail (en moyenne, cinq ans sont nécessaires pour la production d’un long-métrage d’animation), et on a quoiqu’il arrive le sentiment du devoir accompli. »
Sa passion du métier rejoint l’une des ambitions de Folimage : former les jeunes artistes. Une école, La Poudrière, a d’ailleurs été créée par le fondateur Jacques-Rémy Girerd. Située à Bourg-lès-Valence, elle n’accepte que dix étudiants chaque année et propose une des formations les plus reconnues au monde dans le domaine de la réalisation animée. Les élèves doivent écrire des scénarios, réaliser des films, organiser la mise en scène… Pour les futurs producteurs qui y passent, il s’agit aussi « d’avoir une sensibilité artistique, de savoir travailler en autonomie, d’être à l’écoute des autres et être mature et organisé. » Pierre Méloni et son équipe se retrouvent, en outre, régulièrement jurys et font le tour des écoles afin de repérer les talents futurs. Avec une réussite palpable dont ils peuvent être fiers : cette année, quatre anciens élèves de La Poudrière se retrouvent nommés aux César.