Je le souhaite. On verra bien, je préfère ne pas me faire de fausse joie. Le Prix Emile-Reynaud a d'autant plus de valeur que je trouvais les autres nommés très bons. Pour Locarno, je ne m'attendais pas à recevoir un prix. Une sélection, c'était déjà bien. La date de première était assez proche de la fin du film. Il a été terminé en juillet et projeté en août. Ils l'ont pris sur copie de travail : ça montre une confiance dans ce que va devenir le film.
Pourquoi avoir choisi d'évoquer votre histoire personnelle dans ce court métrage ?
Ce n'était pas planifié au départ. J'ai grandi sans connaitre mon père ni son visage, mais sans pour autant l'imaginer dans un placard. Je n'avais pas conscience, au départ, que le film allait parler de ça. J'avais un embryon d'idée autour de gens qu'on range dans un placard. J'ai montré des idées en vrac au producteur Emmanuel-Alain Raynal, avec qui je travaille sur une série, dont cette histoire qui se passe au sein d'une famille. Il m'a dit : « Essaie d'écrire du point de vue du petit garçon ». L'idée ne m'excitait pas du tout. Ce n'était pas le film que j'avais envie de voir. Mais je me suis quand même prêté au jeu et j'ai écrit le scénario en deux jours. J'ai fini par accepter que ça puisse parler de quelque chose de plus personnel que je ne pensais pas dévoiler un jour. J'ai appris à l'assumer même si le petit garçon est blond pour le distancier un peu de moi. J'ai toujours eu une distance par rapport à la situation. Je n'ai pas perdu mon père. Je ne l'ai jamais connu, donc ça n'a pas été une perte douloureuse. C'était une donnée de départ pour moi et j'ai grandi ainsi.
Représenter le père absent comme un homme apparaissant à plusieurs endroits de l'appartement, c'est une manière de montrer qu'il reste au fond toujours présent dans l'histoire ?
C'est exactement ça. C'était finalement une idée de départ forte : le fait qu'il soit absent le rend potentiellement présent partout. Je ne connais pas son visage, donc je l'ai peut-être croisé sans savoir que c'était mon père, sans savoir qui on était l'un pour l'autre. Si on ne sait pas, il peut être n'importe qui.
Il y a beaucoup d'humour dans ce court métrage. C'est pour garder une distance face à l'aspect plus émotionnel de l'histoire ou pour rester dans le ton comique de vos précédentes réalisations ?
Un peu tout. Le côté "comédie" n'était pas volontaire, mais il participe aussi à l'émotion que peut provoquer le film. Quelque part, on baisse un peu la garde avec le ton humoristique du départ. Lors de la projection du film à Valence, certaines personnes m'ont dit qu'elles ne s'attendaient pas à ça, à cette émotion, de ma part. C'est quelque chose qui m'a dépassé. Je ne me suis jamais dit : « Je vais faire un film émouvant ». C'est d'ailleurs le meilleur moyen de ne pas y arriver. Personnellement, j'aime laisser le spectateur ressentir ce qu'il veut. Je ne veux pas l'aiguiller avec une musique ou une mise en scène trop dramatique.
Comment avez-vous réalisé ce court métrage ?
A la main, sur ordinateur, ce qui permet de gagner du temps sur certaines choses. On peut notamment faire tout de suite l'enchainement des dessins, sans passer par une phase de scan et ça simplifie les choses pour la couleur. Sans compter la phase d'écriture et de financement, la fabrication, du story-board au mixage, a pris un an et demi. Un animateur faisait environ 2 secondes par jour de film, juste pour faire bouger le personnage déjà placé dans un décor, sans la couleur. Il faut ensuite une phase de traitement pour redonner l'aspect gravure, puis la mise en couleur.
Vous êtes diplômé des Beaux-arts d'Epinal. Comment en êtes-vous venu à l'animation ?
Aux Beaux-arts, j'étais dans une section "Image et narration". Au-delà du film d'animation, j'ai toujours été intéressé par le fait de raconter des histoires, je voulais d'ailleurs faire de l'illustration au début de mes études. Le jour de mon entretien pour les Arts Décoratifs de Strasbourg, je devais donner ma réponse pour La Poudrière de Valence (une école de réalisation de films d'animation ndlr). Je n'ai pas réfléchi longtemps : je me suis dit qu'il était plus facile de revenir à l'illustration après l'animation, que l'inverse. J'ai fini par me prendre au jeu et par me rendre compte de la complexité de ce médium et de ses enjeux. J'aime toujours la bande dessinée et l'illustration, mais je me sens mieux dans le film d'animation, même si on a parfois moins de liberté car le coût n'est pas le même.
Après les courts métrages, vous êtes en train de développer la série d'animation Vaudou Miaou. La prochaine étape, c'est le long métrage ?
Peut-être un jour, mais je ne veux pas écrire un long pour un long. Le passage au long métrage est moins une fin en soi pour moi. Je trouve que le court est le format roi en animation, car c’est celui qui offre le plus de liberté. Les financeurs sont moins frileux que pour un long métrage, car il n'y a pas les problématiques de cible ou d'entrées en salles. Mais réaliser un long métrage est une expérience qui me tente de plus en plus. Je me laisse le temps. Pour l'instant, on vient de finir le développement de la série Vaudou Miaou. On a une convention de développement avec Disney qui doit nous donner une réponse dans les deux prochains mois pour le financement. La série devrait m'occuper pour les deux années à venir.
Voir le court métrage Je sors acheter des cigarettes
Le film a bénéficié de l’aide avant réalisation à la production de films de court métrage du CNC.