« Police », de l’écrit à l’image

« Police », de l’écrit à l’image

18 mars 2019
Cinéma
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Police d'Anne Fontaine
Police d'Anne Fontaine F comme Film/ Ciné@/ Thibault Grabherr
Le cinquième roman de Hugo Boris est en cours d’adaptation pour le grand écran par Anne Fontaine – écrit par la réalisatrice en collaboration avec Claire Barré, ce long métrage est entré en tournage début février, avec Virginie Efira et Omar Sy en têtes d’affiche. Faut-il rester fidèle à l’œuvre originale ou non ? L’auteur de celle-ci doit-il s’impliquer dans le processus d’écriture ? De quelle marge de manœuvre les scénaristes peuvent-ils bénéficier ? Le romancier et la cinéaste reviennent pour le CNC sur les enjeux de ce travail d’écriture et de réinterprétation.

7eme Art et littérature ont toujours occupé une place de choix dans le cœur de Hugo Boris. En 2005, alors qu’il étudie à l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière pour devenir réalisateur, le jeune homme de 25 ans a ainsi déjà été primé pour ses nouvelles et publie un premier roman, Le Baiser dans la nuque. Quatre autres suivront.

Aujourd’hui coordinateur pédagogique à l’Ecole internationale de création audiovisuelle et de réalisation (Eicar) en parallèle à sa carrière d’écrivain, Hugo Boris a laissé de côté ses rêves de carrière dans le 7eme Art. Sa passion pour le cinéma ne l’a cependant pas quitté et nourrit toujours son écriture : « A l’origine, j’ai voulu faire du cinéma pour raconter des histoires. Même si c’est l’écriture romanesque qui m’a finalement le mieux convenu pour cela, j’aime toujours autant les images, visuelles mais aussi olfactives et sensorielles, et j’ai toujours l’impression de savoir où serait positionnée la caméra quand j’écris une scène », confie le romancier.

Rien d’étonnant, donc, à ce que ses écrits séduisent producteurs et réalisateurs de films. Alors qu’un projet autour du Baiser dans la nuque est en cours, l’adaptation de Police (lire encadré), son cinquième roman publié en 2016 chez Grasset, est actuellement en tournage. Réalisé par Anne Fontaine, le film est notamment interprété par Virginie Efira et Omar Sy.

Coup de foudre

« Avant même la parution de Police, la responsable des droits chez Grasset, Heidi Warneke, a senti son potentiel cinématographique. Elle a alors contacté plusieurs producteurs et fait circuler le livre en amont de sa sortie ». Parmi ceux-ci, Jean-Louis Livi, directeur de la société F comme Film, qui, au printemps 2016, parvient à convaincre Hugo Boris par sa « lecture très fine » du roman. « J’ai également senti qu’il avait la capacité de mener ce projet à terme, ce qui est essentiel, car le processus d’adaptation d’un livre en long métrage prend du temps et n’est pas de tout repos ». Au cours de la conversation, Jean-Louis Livi évoque le nom d’Anne Fontaine : la cinéaste cherche alors à adapter un polar mais n’a pas encore lu Police

« Dès que je l’ai lu, j’ai eu un coup de foudre pour le sujet et ai rapidement senti que cela valait le coup d’en faire un film, résume la réalisatrice. L’histoire est concentrée sur un temps précis, avec des personnages très forts, dans leurs personnalités comme dans leurs trajectoires ». Elle s’attelle alors à l’écriture du scénario, avec Claire Barré. Mais sans Hugo Boris. « Jean-Louis Livi, qui connaissait mes liens avec le cinéma, m’avait proposé d’être associé à l’écriture mais j’ai refusé, explique ce dernier. D’une part, j’avais travaillé trois ans sur ce sujet et voulais respirer, m’attaquer à autre chose. Par ailleurs, je n’ai pas le recul d’un scénariste par rapport à un sujet qui est neuf pour eux, mais pas pour moi. Je serais resté figé dans des choix de personnages, de réalisation, incapable de prendre des libertés vis-à-vis du texte. » Un point de vue partagé par Anne Fontaine : « C’est une bonne chose que l’auteur de l’œuvre originale ne soit pas impliqué dans le processus d’adaptation. Adapter, c’est porter un autre regard sur le roman, pas s’appliquer à simplement le retranscrire. Donc, forcément, d’une certaine manière, c’est être infidèle et trahir ! »

Dans ce processus de re-création, la notion de liberté est essentielle. « Une bonne adaptation, c’est une adaptation libre, résume Hugo Boris. Anne Fontaine est une grande réalisatrice. Il était nécessaire qu’elle se réapproprie le livre, fasse son chemin à travers celui-ci, pour livrer une adaptation qui reflète sa propre sensibilité, sans que j’interfère. Une adaptation strictement fidèle ne serait, cinématographiquement, pas très intéressante ». Si les scénaristes ont bien sûr pris quelques libertés, en modifiant notamment la structure de départ, la fin, ou en imaginant des scènes différentes, le film ne devrait cependant pas être foncièrement différent du roman. « J’ai déjà adapté plusieurs livres, mais je pense que Police est, en terme de structure, celui dont je suis restée le plus proche », précise Anne Fontaine.

Hugo Boris se réjouit des changements apportés, sans se sentir le moins du monde dépossédé de sa création. « Une adaptation, c’est comme si on prolongeait la vie de mon roman : on offre à mon histoire une chance supplémentaire de toucher des gens. Il n’y a pas de rapport de possession pour moi ; je ressens au contraire un sentiment de gratification, car cela signifie que je suis parvenu à créer des personnages vivants. Quand j’ai lu le scénario d’Anne Fontaine et Claire Barré, cette « vie » foisonnait à chaque page. Elles ont inventé des répliques que j’aurais aimé trouver ! Et puis les personnages vont être incarnés à l’écran…  c’est encore de la vie ! »

Résumé de « Police »

Ils sont gardiens de la paix. Des flics en tenue, ceux que l’on croise tous les jours et dont on ne parle jamais, hommes et femmes invisibles sous l’uniforme. Un soir d’été caniculaire, Virginie, Érik et Aristide font équipe pour une mission inhabituelle : reconduire un étranger à la frontière. Mais Virginie, en pleine tempête personnelle, comprend que ce retour au pays est synonyme de mort. Au côté de leur passager tétanisé, toutes les certitudes explosent. Jusqu’à la confrontation finale, sur les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle, où ces quatre vies s’apprêtent à basculer…