Ils s’appellent Éric et Jean-François Tosti et David Alaux. Tosti-Alaux-Tosti, alias TAT, un acronyme devenu synonyme de qualité et de savoir-faire français en matière d’animation en images de synthèse. C’est à ce studio basé à Toulouse que l’on doit la série Les As de la Jungle, l’un des programmes pour enfants les plus célèbres de France et d’ailleurs -200 pays le diffusent !.
Après l’adaptation au cinéma des aventures de Maurice le pingouin-tigre et de ses amis, TAT sort aujourd’hui Terra Willy-Planète inconnue, son deuxième long métrage. Un film d’animation qui raconte les déboires du jeune Willy, expulsé du vaisseau familial explorant l’espace et qui atterrit sur une planète sauvage. Sur place, assisté de Buck, un robot de survie, il va tenter de s’adapter aux dangers et aux ressources que recèle l’endroit. Visuellement incroyable, avec sa flore luxuriante et sa faune étrange (un chien mille-pattes sympa, des monstres-pierres effrayants...), Terra Willy est un film d’initiation dont l’aboutissement technique n’a rien à envier à la concurrence américaine. Et ce, avec vingt fois moins de budget que Pixar...
« J’ai l’impression que les Américains font leurs films d’animation dix fois avant de sortir la version qui satisfait tout le monde. C’est la poubelle qui leur coûte cher ! De notre côté, on travaille énormément l’écriture et l’animatique (le montage avec des éléments animés basiques, ndlr) pour avoir le moins de déchet possible au moment d’aborder la finalisation en 3D, phase la plus coûteuse », explique Éric Tosti, le frère jumeau de Jean-François et l’ami d’enfance de David Alaux. En moins de dix ans, ces trois Occitans ont établi un petit empire qui commence à susciter la convoitise...
L’animation dans la peau
Retour en arrière. Aux années collège précisément. C’est en sixième que les frères Tosti sympathisent avec David Alaux dont le papa, vidéaste amateur, possède une caméra Super 8. « C’est avec cette caméra, munie d’un déclencheur image par image, que nous avons commencé à faire des petits films d’animation en pâte à modeler », se souvient Éric.
Des années plus tard, des diplômes scientifiques en poche, Éric et David voient leur premier court métrage semi-pro glaner des prix dans divers festivals amateurs. Mon copain, amusante confrontation entre un extra-terrestre et un humain, attire même l’attention de Serge Bromberg, qui le diffuse dans son émission « Cellulo », sur France 5. Nous sommes en 1999.
Profitant de leur petite notoriété, David et Éric entament une carrière dans l’audiovisuel en complets autodidactes qu’ils ont toujours été - de son côté, Jean-François enseigne les maths. « On faisait du montage, on réalisait des effets visuels... On a sauté dans le train du numérique dès le départ. » Un an plus tard, le trio reconstitué crée TAT Productions dont le premier court métrage, Le Vœu, est choisi par Alain Chabat pour être l’avant-programme d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre (2002). Le rêve continue pour les trois hommes qui se diversifient en faisant de la pub et des films institutionnels tout en produisant des courts métrages et des documentaires.
« Avec le temps, nous nous sommes rendus compte que seule l’animation nous intéressait », confie Éric Tosti. Tant et si bien que TAT obtient de réaliser un unitaire pour France 3, un “Spécial Noël’” diffusé le 26 décembre 2008. Spike, portrait d’un lutin tête en l’air, réunira plus d’un million de spectateurs en matinée. « On ne ferait plus de score comme ça aujourd’hui », se désole presque Éric... La machine TAT est lancée. Dans la foulée, France 3 propose aux trois larrons de concocter une série dans l’esprit de Spike, c’est-à-dire burlesque et dépaysante. Les As de la Jungle débouleront sur la chaîne publique sous la forme d’un unitaire diffusé fin 2011 (et décliné en série à partir de 2012) avec le succès que l’on connaît.
Un Pixar à la française ?
La sortie de Terra Willy-Planète inconnue aujourd’hui, deux ans à peine après celle des As de la jungle, témoigne de la volonté de TAT de voir toujours plus grand. « L’évolution de notre structure adaptée aux programmes audiovisuels à une structure de plus en plus dédiée au cinéma s’est faite en douceur, explique Éric Tosti. Notre staff est passé de 80 personnes à 120 (salariés et intermittents mélangés, à 95% français), nous avons dû pousser les murs ! (rires) Pour être au niveau d’exigence requis par le cinéma, il a fallu revoir l’organisation des équipes et les process de fabrication, sachant qu’un film d’animation met environ trois ans à se faire et qu’il y a la série à nourrir par ailleurs. »
Fans de cinéma depuis leur plus tendre enfance, les trois de TAT sont désormais prêts à passer à un autre stade. « Je crois qu’on est arrivé au bout de l’aventure des As de la Jungle, affirme Éric Tosti. On la conclura par un deuxième long métrage consacré à leurs aventures. Car notre idée est désormais de sortir un film par an. »
Un film par an, soit le rythme d’un studio comme Disney/Pixar... « Personne n’a jamais fait ça en France !, s’enthousiasme Éric avant de modérer ses propos. C’est compliqué à mettre en place. Nos partenaires n’ont pas de modèles sur lesquels s’appuyer. Si les pouvoirs publics et la région Occitanie nous soutiennent, on sent bien que les chaînes de télévision hésitent à nous acheter un film par an. » À TAT de les convaincre, notamment par des succès répétés, en France mais aussi à l’international. « Les As de la Jungle (le film) a été acheté par 70 pays et a réalisé deux millions d’entrées à l’étranger. Terra Willy est déjà pré-vendu dans 80 pays. On sait bien que la confiance des investisseurs proviendra de notre capacité à séduire hors de nos frontières. Nous sommes prêts, au besoin, à ouvrir notre capital, tout en préservant notre indépendance, chèrement acquise. »
En attendant, deux films sont déjà en route et prévus pour les deux ans qui viennent : Les aventures de Pil, une comédie d’aventures médiévale sur une petite voleuse amenée à sauver un royaume ; Argonautes, une comédie mythologique en hommage à Ray Harryhausen, le génial créateur des effets animés du Voyage de Sinbad et de Jason et les Argonautes, inspiration majeure des trois réalisateurs toulousains.