Toledano-Nakache, le sens du cinéma

Toledano-Nakache, le sens du cinéma

17 octobre 2023
Cinéma
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Une année difficile
« Une année difficile » d'Eric Toledano et Olivier Nakache. Gaumont

À l’occasion de la sortie d’Une année difficile, le producteur Nicolas Duval (Quad Films) raconte sa collaboration de près de vingt ans avec le binôme de cinéastes dont il a produit tous les longs métrages.


Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Olivier Nakache et Éric Toledano ?

Nicolas Duval : Je la dois à deux amis communs, la productrice Prune Farro–qui avait produit certains de leurs courts métrages, dont Ces jours heureux qu’ils développeront plus tard en format long [Nos jours heureux, 2005]– et le réalisateur Bruno Chiche qui tournait alors des publicités. Ce sont eux qui ont provoqué cette rencontre et on s’est assez vite entendus. À ce moment-là, je produisais des films publicitaires et j’avais envie de m’essayer au cinéma. Eux aussi, mais ils avaient connu des expériences infructueuses avec d’autres producteurs. On a donc décidé de se lancer ensemble avec Je préfère qu’on reste amis (2005).

Qu’est-ce qui vous a séduit dans leur scénario ?

Il m’avait fait rire ! C’est assez basique mais quand je ris en lisant un scénario, je ne sais pas résister au désir de faire le film. J’avais certes très envie de travailler avec Éric et Olivier. Mais cette lecture n’a fait que conforter ce désir.

Le succès d’Intouchables nous a d’abord offert le droit de continuer.

Comment avez-vous vécu cette première collaboration ?

Ce qui m’a frappé, c’est la vitesse avec laquelle on est devenus proches. La fluidité dans les rapports de travail a été immédiate. Ce sont vraiment deux personnalités très faciles à vivre. On a découvert ensemble l’univers du long métrage et je n’aurais pas pu rêver meilleurs complices. On avait bien le même film en tête et on était portés par l’énergie des premières fois, du saut dans l’inconnu.

Était-il évident dès la fin de ce premier film que vous collaboreriez à nouveau ?

Cela se fait toujours projet par projet. Y compris aujourd’hui, même si, avec le temps, on ne remet plus en cause notre relation à chaque film. Mais à cette époque-là, oui. D’ailleurs, on n’imaginait pas travailler encore ensemble vingtans plus tard. On avait été un peu déçus par le résultat au box-office de Je préfère qu’on reste amis, mais j’ai senti qu’il fallait enchaîner tout de suite pour profiter de ce petit momentum. Et comme Éric et Olivier avaient dans leur tiroir le projet qui allait devenir Nos jours heureux, on a fait en sorte de le tourner l’été suivant. Pour être honnête, j’avais très peur que l’aventure s’arrête là. Et on a eu la chance que cela marche !

Éric Toledano et Olivier Nakache expliquent qu’ils n’avaient pourtant plus forcément envie de faire ce film car ils doutaient que le public puisse s’intéresser à leurs souvenirs de colonies de vacances. Et que c’est vous qui les y avez poussés, demandant même à Rémy Belvaux, le coréalisateur de C’est arrivé près de chez vous, de les appeler…

J’étais très proche de Rémy qui réalisait à cette époque des films publicitaires pour nous. Je savais que ce monde de l’enfance le passionnait. Je lui avais donc donné à lire le scénario pour avoir son point de vue et il m’a conforté dans l’idée qu’il fallait faire ce film. Et, en effet, il a décroché son téléphone et les a appelés. Comme Éric et Olivier étaient admiratifs de son travail et de sa personnalité, ça a forcément aidé. Mais je pense qu’ils exagèrent un peu mon influence! (Rires.) Il se trouve simplement que j’avais dans les mains un scénario formidable et que j’avais vraiment le sentiment qu’il fallait faire le film. Après, c’est vrai que tourner avec des enfants n’est jamais simple. Mais quand on lance un film, on ne réfléchit pas à ce qui va être difficile. On a juste envie d’une histoire et de vivre l’aventure. Éric et Olivier avaient cette histoire en tête depuis longtemps et, quelque peu échaudés par la sortie de Je préfère qu’on reste amis, ils avaient sans doute besoin d’un œil extérieur pour les convaincre. Mais ça n’a pas été difficile, je vous assure !

 

Après Nos jours heureux, il y a eu Intouchables (2011) et son succès phénomène. Une fois l’euphorie passée, avez-vous ressenti tous les trois de la pression pour le film d’après ?

Le succès d’Intouchables nous a d’abord offert le droit de continuer. Mais on ne voulait pas faire Intouchables 2, 3, 4. On a donc commencé à chercher un projet pour poursuivre cette aventure avec Omar [Sy]. Et puis quand est arrivé Samba pour la France, le livre de Delphine Coulin, il nous est apparu évident qu’on tenait un bon sujet. Mais à ce moment-là, en effet, on ressent de manière très claireune forme de responsabilité. D’ailleurs de tous nos films, Samba est celui qu’on a vécu de la façon la moins légère en se demandant toujours ce qu’il fallait faire pour ne pas décevoir.

Le risque du succès, c’est aussi que vos interlocuteurs n’osent plus pointer du doigt les faiblesses du scénario suivant, non ?

Vous avez raison. Le vrai danger est là. Mais j’ai la chance de travailler avec deux réalisateurs qui ne lâchent rien et remettent leur travail en question tout le temps. Donc j’ai l’impression qu’on a évité les difficultés de ce côté.

Éric [Toledano] est quelqu’un qui s’intéresse quotidiennement à la marche du monde et Olivier [Nakache], un très fin observateur du quotidien. Leurs deux focales –longue et courte, macro et micro– se complètent parfaitement pour percevoir le monde qui les entoure.

Diriez-vous que le succès du duo Nakache-Toledano s’explique par la capacité de sentir l’air du temps ? De raconter film après film la société française par le prisme de la comédie ?

Complètement ! Je pense qu’ils ne se lanceraient pas dans un film déconnecté d’un thème sociétal fort. Je ne les vois pas réaliser une simple comédie romantique, par exemple. Ça fait partie de leur ADN ! Éric est quelqu’un qui s’intéresse quotidiennement à la marche du monde et Olivier, un très fin observateur du quotidien. Leurs deux focales –longue et courte, macro et micro– se complètent parfaitement pour percevoir le monde qui les entoure. Je trouve même que c’est de plus en plus le cas. Car leurs premiers films s’inspiraient d’abord et avant tout de choses proches d’eux. De leur passé d’animateur de colonies de vacances dans Nos jours heureux aux années où ils avaient travaillé comme serveurs dans des mariages pour Le Sens de la fête (2017) en passant par leur lien avec la rédaction du Papotin et la question de l’autisme pour Hors normes (2019). Mais, à mes yeux, Une année difficile constitue leur premier film d’adultes, le premier qui n’est pas lié à leur propre histoire.

Comment vous ont-ils parlé de ce projet ?

En me montrant la vidéo YouTube qui a constitué la première étincelle de leur inspiration : celle filmée lors d’un Black Friday où une foulese rue littéralement sur un grand magasin, une scène reconstituée telle quelle au début d’Une année difficile. Ils ont d’abord eu envie de traiter du surendettement avant que la question écologique ne surgisse avec leur volonté de confronter les inquiets de la fin du mois et les angoissés de la fin du monde. Ceux qui n’ont plus rien et ceux qui, plus aisés, prônent le minimalisme. Mais vous remarquez qu’ils ne prennent pas parti. Ils ne sont ni moqueurs ni militants. Ils font un simple constat en passant par le prisme de la comédie à l’italienne et ne dévient pas de cette ligne de crête.

À mes yeux, Une année difficile constitue leur premier film d’adultes, le premier qui n’est pas lié à leur propre histoire.

Qu’est-ce qui a le plus évolué dans votre travail en commun depuis Je préfère qu’on reste amis ?

On a commencé en étant tout à fait naïfs et innocents. Et aujourd’hui, Éric et Olivier sont devenus des professionnels incroyables. Donc pour moi, ce qui a le plus changé… c’est que j’ai de moins en de moins de travail ! (Rires.) Car ils ont de moins en moins besoin de moi. Mais ils ont la gentillesse et la générosité de me garder près d’eux et j’en suis très heureux !

Une année difficile

Une année difficile
Une année difficile Gaumont

Réalisation et scénario : Olivier Nakache et Éric Toledano
Photographie : Mélodie Preel
Montage : Dorian Rigal-Ansous
Musique : Grandbrothers
Production : Quad Films, Ten Cinéma
Coproduction : Gaumont, TF1 Films Production, Production Quad+Ten
Distribution France et ventes internationales : Gaumont
Sortie en salles le 18 octobre 2023