Trois questions au réalisateur Amos Gitaï

Trois questions au réalisateur Amos Gitaï

01 octobre 2018
Amos Gitaï sur le tournage de Carmel
Amos Gitaï sur le tournage de Carmel Agav Films

Premier cinéaste à être désigné titulaire de la Chaire de Création artistique au Collège de France, le réalisateur israélien Amos Gitaï consacrera neuf conférences autour du thème « Traverser les frontières », d’octobre à décembre 2018, puis tiendra deux colloques en juin 2019. Avant cela, il prononcera sa leçon inaugurale intitulée « La caméra est une sorte de fétiche – Filmer au Moyen-Orient », le 16 octobre 2018.


Vous êtes un cinéaste engagé. Allez-vous être un professeur engagé ?

Je ne sais pas. On va voir. Le mot « engagé » est un peu simple. Il y a des choses qui m’intéressent et qui méritent d’être défendues. Je suis très honoré de faire partie du Collège de France. Je vais essayer dans les conférences d’évoquer les questions qui touchent le travail du cinéaste en général et le mien en particulier. Je suis nourri à la fois par l’histoire d’Israël et l’histoire juive. Je suis inspiré par cette référence mais c’est vrai que la France a rendu ce travail possible. En Israël, on travaille parfois dans un climat qui n’est pas toujours favorable pour poser les questions. Même si je ne suis pas religieux, mon héritage juif me pousse à poser des questions et à mettre en doute des idées préconçues. Je ne suis pas favorable au cinéma qui instrumentalise les idées. Il faut poser des questions et encourager le public à composer une opinion et ne pas être strictement consommateur. Notre rôle en tant qu’artistes, cinéastes ou écrivains est de poser des questions. Cela stimule la réflexion contre l’hégémonie.

Comment avez-vous choisi les thèmes que vous allez traiter ?

Je sais qu’au Collège de France, on traite de sciences pures et qu’on ne peut pas poser de questions politiques mais mon travail fait aussi référence à ce contexte. J’étais étudiant en architecture quand la guerre du Kippour a commencé, c’est un point de départ. Tout comme la censure appliquée à mon documentaire, House, m’a inspiré pour continuer mon travail. Mais il y a aussi beaucoup d’autres éléments esthétiques et formels que je vais évoquer dans les neuf conférences. J’espère que mes films posent des questions thématiques, politiques et formelles. Certains sont prémédités, écrits, réfléchis. D’autres sont une réaction à un contexte.

Allez-vous surtout parler de vos œuvres ou aborder aussi celles d’autres cinéastes ?

Je parlerai plus du travail des autres dans les colloques de juin 2019. Le premier sera dédié au travail de mes parents car je m’intéresse aussi beaucoup au contexte familial. Gallimard a publié des lettres de ma mère lues par Jeanne Moreau et on écoutera quelques-unes de ces lectures. Et comme l’année prochaine c’est le centenaire de la fondation du Bauhaus, je parlerai aussi de cette école d'art allemande et de l’architecture. Le deuxième colloque sera consacré à d’autres cinéastes que je vais évoquer et mettre en opposition. Je veux créer du contraste, comme avec Leni Riefenstahl. Il y a une pensée révisionniste prétendant qu’elle était un très bon cinéaste, alors qu’elle était une machine de propagande.