Vincent Mariette (Les Fauves) : « J’ai eu la volonté de retrouver des émotions de ma prime enfance »

Vincent Mariette (Les Fauves) : « J’ai eu la volonté de retrouver des émotions de ma prime enfance »

16 janvier 2019
Cinéma
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Vincent Mariette sur le tournage des Fauves
Vincent Mariette sur le tournage des Fauves Diaphana Distribution - DR

Après le réussi Tristesse Club, portrait d’une famille dysfonctionnelle, Vincent Mariette change de registre avec Les Fauves, chronique de l’adolescence teintée de fantastique.


Dans Les Fauves, Lily-Rose Depp incarne Laura, une adolescente qui passe ses vacances dans un camping de Dordogne. La rumeur bruisse de la présence d’une panthère dans les parages. Peu importe pour Laura, fascinée par un écrivain taciturne (Laurent Lafitte) qui pourrait bien être à l’origine de la disparition de certains jeunes. À moins que ce ne soit cette maudite panthère... Vincent Mariette signe un deuxième film plein d’ambiguïté et nimbé d’une atmosphère à la limite du surréalisme et de l’horreur. Il nous évoque sa passion pour le cinéma de genre.

Les Fauves s’inscrit dans un “naturalisme fantastique” qui semble être le mantra d’une nouvelle génération de cinéastes français. Vous sentez-vous appartenir à un courant ?

Je ne m’en rends pas bien compte. Comme d’autres gens de ma génération, j’ai été bercé par le cinéma de divertissement américain qui va de Spielberg à Carpenter, en passant par les films d’horreur. Cette culture “vidéoclub” m’a véritablement nourri. Après un premier long métrage un peu autobiographique, j’ai eu la volonté d’aller au-delà d’un naturalisme bien français pour retrouver des émotions de ma prime enfance.

La tentation du pur film de genre vous a-t-elle jamais effleuré ?

Non. L’objectif était d’être dans la tête d’une jeune fille un peu borderline, qui aime se mettre en danger. Parmi les projets sur lesquels je travaille en ce moment, en revanche, il y en a un qui est totalement fantastique.

Les Fauves apparaît comme une relecture de La Féline de Jacques Tourneur et du mythe de La Bête du Gévaudan. Ce mélange d’influence anglo-saxonne et de légende patrimoniale était-il au cœur de votre démarche ?

J’y ai forcément pensé mais ce ne sont pas des références qui ont orienté mon écriture. Bizarrement, j’ai plus été marqué par The Swimmer de Frank Perry, un film à l’inquiétante étrangeté. On a l’impression, en le voyant, que quelque chose d’imprévisible peut se produire à tout moment.

Le Gévaudan (qui est aujourd’hui la Lozère) n’est tout de même pas très éloigné de la Dordogne, où vous avez tourné.

C’est plus à l’est quand même ! (rires) La Dordogne, je la connais bien, j’y ai passé mon enfance. Pour le coup, l’influence est réelle. C’est une région pleine de mystères et de légendes. Quand j’étais petit, j’entendais parler du “Fou de Bergerac”, une sorte de tueur en série que je m’attendais à voir surgir des buissons. J’ai voulu retranscrire ces peurs et fantasmes qui m’ont assailli. C’est le petit côté autobiographique des Fauves.

Le film évoque la croyance dans la fiction, dans les contes et légendes qu’on se raconte au coin du feu. Ça fait beaucoup penser à Shyamalan.

Vous êtes le premier à me le dire et ça me fait très plaisir ! J’adore Shyamalan et son univers où la réalité tend vers la fiction, et inversement. C’est ce que je recherchais modestement avec Les Fauves.

Par ses choix d’acteur récents (K.O., Paul Sanchez est revenu, L’heure de la sortie...), Laurent Lafitte incarne aujourd’hui le vertige entre réalisme et fantastique. L’avez-vous choisi pour cette raison ?

J’avais plutôt envie de retravailler avec lui après Tristesse Club. Quand je lui ai proposé, le personnage n’était pas très caractérisé, il demandait un gros travail de composition. Je savais que Laurent en était capable et que ça le motiverait. Ce rôle de taiseux va aussi un peu à l’encontre de ses emplois habituels. J’aime bien remodeler des comédiens que j’ai déjà dirigés.

Lily-Rose Depp n’incarne pas de son côté la “screaming girl” typique. Elle a plutôt son destin en main.

Je ne voulais pas en faire une victime. J’avais en tête certains teen movies et des BD comme Ghost World où les personnages d’ados sont un peu en marge, plus à l’aise avec les adultes qu’avec les gens de leur âge. Je voulais que le trouble autour d’elle dure assez longtemps.

On vous sent très soucieux d’éviter les clichés, notamment autour des personnages.

C’est assez vrai. Par exemple, pour le personnage de la flic, jouée par Camille Cottin, j’avais envie d’en faire quelqu’un d’un peu maternant, d’un peu suspect aussi. J’avais en tête Stéphane Audran chez Lelouch ou Bunuel, un personnage sur la crête de l’incertitude.

On a compris que cette incursion dans le genre en appelle d’autres. Sentez-vous le milieu réceptif à ce genre de projet ?

J’espère. Il y a en tout cas une vraie réflexion autour de ça, à travers la commission sur le cinéma de genre mise en place par le CNC. Ça m’intéresse personnellement pour des questions de mise en scène.

Les Fauves sort en salles le 23 janvier. Le film a bénéficié de plusieurs aides du CNC : Aide à la création visuelle ou sonore par l’utilisation des technologies numériques de l’image et du son – CVS ; Avance sur recettes avant réalisation ; Soutien au scénario (aide à la réécriture) ; Aide à la création de musique de film ; Aide sélective à la distribution (aide au programme) ; Aide sélective à l'édition vidéo (aide au programme).