La Main au collet d’Alfred Hitchcock (1954)
De tous les palaces situés le long de la Croisette, le Carlton – construit en 1911 et classé monument historique – est celui qui a inspiré le plus de cinéastes : Michel Blanc avec Grosse fatigue en 1994 (primé pour son scénario au festival), Lawrence Kasdan avec French Kiss et donc, à tout seigneur, tout honneur, Alfred Hitchcock avec La Main au collet. Cary Grant y incarne un cambrioleur assagi dont les vols qui se multiplient sur la Côte d’Azur portent pourtant la patte et le transforment en suspect idéal. Non content d’accueillir une partie de l’intrigue et du face à face entre Grant et Grace Kelly, le Carlton logea toute l’équipe durant le tournage et créera un peu plus tard une suite de 300 m2 baptisée Grace Kelly, inspirée par le film d’Hitchcock. Cannes portera décidément bonheur à l’actrice puisque l’année suivante elle y rencontrera un certain Prince Rainier en présentant Une Fille de la Province au festival.
Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil (1963)
La toute première rencontre au sommet entre Alain Delon et Jean Gabin (avant Le Clan des Siciliens du même Henri Verneuil et Deux hommes dans la ville de José Giovanni) a donc eu lieu sous les latitudes cannoises. C’est en effet son casino Palm Beach qui est la cible du duo constitué par un vieux truand refusant de prendre sa retraite et un jeune voyou sans scrupule. Et leurs planques successives sont situées le long du boulevard de la Croisette. Le tournage fut houleux (tensions entre Delon et Verneuil et entre Gabin et Audiard) mais avec plus de 3 millions d’entrées, il fut l’un des rois du box-office français de 1963, dominé par La Grande évasion, La Cuisine au beurre et Lawrence d’Arabie.
La Bonne année de Claude Lelouch (1973)
Un homme et une femme. Un gangster préparant le « premier hold-up psychologique de l'histoire du banditisme » et une antiquaire dont la boutique est située Boulevard de la Croisette, juste à côté de la bijouterie Van Cleef & Arpels que vise le cambrioleur. Une histoire d’amour pas comme les autres réunissant Lino Ventura et Françoise Fabian. Et une drôle de comédie romantique qui eut un grand retentissement outre-Atlantique. Film de chevet de… Stanley Kubrick qui le montra à Tom Cruise pendant la préparation d’Eyes Wide Shut, La Bonne année eut droit à son remake hollywoodien, Happy New Year, mis en scène en 1987 par John G. Avildsen, le réalisateur de Rocky et Karaté Kid, avec Peter Falk.
La Cité de la Peur d’Alain Berbérian (1994)
Le Festival de Cannes célèbre cette année les 25 ans de cette comédie culte des Nuls dont il constitue l’un des personnages centraux. C’est en effet à Cannes qu’Odile Deray, l’attachée de presse incarnée par Chantal Lauby, vient présenter le nanar Red is dead, dont les projectionnistes successifs meurent dans d’atroces souffrances. Mais comme le tournage de La Cité de la peur a eu lieu en juillet et non en mai, il a fallu recréer à l’écran l’ambiance du festival. En convoquant de nombreux figurants autour des fameuses marches mais aussi en conviant de nombreux invités de marque à venir jouer leurs propres rôles : Rosanna Arquette, Pierre Lescure (alors DG de Canal + et futur Président du Festival), Dave et même James Cameron !
Femme fatale de Brian de Palma (2002)
Comme Alain Berbérian huit ans plus tôt, Brian De Palma – qui cherchait depuis un petit moment à tourner en France – a fait du Festival de Cannes son terrain de jeu. Puisque c’est lors d’une projection spéciale d’Est-Ouest qu’une bande de malfaiteurs va tenter de dérober, une fois la célèbre montée des marches terminée, une monture de diamants portée par un top-model. Ami du cinéaste, Régis Wargnier et son interprète Sandrine Bonnaire y jouent leurs propres rôles tout comme Gilles Jacob, alors grand patron du festival et Jean Chatel, la « voix des marches » de cette époque, poste repris plus tard par Isabelle Giordano et aujourd’hui Patrick Fabre.
Le Transporteur (2002)
Rouler sur la Croisette en sens interdit… c’est possible quand on se nomme Jason Statham et qu’on joue dans un film écrit et produit par Luc Besson. Dans le premier volet du Transporteur, les coréalisateurs Corey Yuen et Louis Leterrier investissent, entre autres, la célèbre promenade cannoise pour y tourner plusieurs scènes de leur long métrage, un film dopé à l’adrénaline sur les missions à haut risque d’un transporteur de marchandises. En 2005, 2008 et 2015, les trois suites du Transporteur sont à nouveau tournées dans la ville du cinéma.
Quatre étoiles (2005)
C’est au cœur du luxueux hôtel Carlton que Christian Vincent campe le décor principal de son septième long métrage. Cette comédie qui mêle vice et vertu, sentiment et argent, raconte la rencontre entre France, dite « Franssou », une héritière qui décide de dépenser ses 50 000 francs sur la Côte d’Azur, campée par Isabelle Carré, et Stéphane, un arnaqueur sans grande envergure joué par José Garcia. Avec son foulard noué autour des cheveux, Isabelle Carré rappelle d’un clin d’œil l’élégance de l’icône Grace Kelly, dans le mythique La Main au collet, lui aussi tourné sur la Croisette.
De rouille et d’os (2012)
Le film de Jacques Audiard qui dépeint la relation entre un jeune père fauché, Alain (Matthias Schoenaerts), petit voyou du Nord, et une dresseuse d’orques, Stéphanie (Marion Cotillard), amputée des deux jambes après un accident de travail, a été réalisé en grande partie sur la Côte d’Azur. Le réalisateur tourne l’une des scènes les plus touchantes de son long métrage, celle où Stéphanie prend son premier bain de mer après son accident, sur la plage du Goéland, en plein centre de Cannes.
Une fille facile (2019)
Des yachts de milliardaires aux immeubles en périphérie de la ville où vit le personnel au service des riches touristes, le long métrage de Rebecca Zlotowski y brosse le portrait nuancé de la ville de Cannes à travers l’histoire d’une jeune parisienne (Zahia Dehar) qui débarque chez sa cousine cannoise après la mort de sa mère.
La promotion d’un territoire
La Commission du film Alpes-Maritimes Côte d’Azur, membre de Film France/CNC, a pour mission de promouvoir le département et ses décors, mais aussi d’accueillir et d’accompagner les équipes de production tout au long de leurs tournages. En 2021, elle a suivi 510 projets dont neuf longs métrages, onze séries et fictions audiovisuelles ainsi que soixante-neuf courts métrages. Parmi eux, le film En attendant Bojangles signé Régis Roinsard, porté par Virginie Efira et Romain Duris, le long métrage Rebecca de l’américain Ben Wheatley avec au casting, notamment, Kristin Scott-Thomas ou encore la saison 2 de la série Netflix Emily in Paris.
Dans la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, deuxième terre d’accueil en nombre de tournages après l’Île-de-France, Cannes ne bénéficie pas seulement de l’aura du Festival et de son effet Croisette. « Les panoramas sur les hauteurs de la ville et les nombreuses villas californiennes avec vue sur la baie plaisent énormément aux producteurs et aux réalisateurs », explique Camille Feret, responsable de la Commission du film Alpes-Maritimes Côte d’Azur. Le quartier du Suquet, la Villa Rothschild, qui abrite la médiathèque de Noailles, mais aussi la Villa Domergue où le jury du Festival délibère chaque année, charment également les équipes françaises et internationales.
Une « Silicon Valley de l’audiovisuel »
La Commission reçoit environ 1/3 de demandes étrangères notamment pour des tournages de documentaires, de clips vidéo et de films publicitaires. Cette année, la ville accueille celui de la minisérie policière Cannes Confidential. Écrits par le Britannique Chris Murray, réalisés par le Français Camille Delamarre et tournés en anglais, les six épisodesde cette coproduction internationaleseront diffusés en France sur TF1. Parmi les lieux foulés par le casting éclectique à l’image de la Française Lucie Lucas et du Britannique Jamie Bamber : le musée du Masque de Fer et du Fort Royal (ex-musée de la Mer) ainsi que l’Île Sainte-Marguerite, deux joyaux mis à disposition par la mairie de Cannes dans le cadre du programme Cannes On Air. Ce projet ambitieux imaginé dès les années 2010 vise à faire de la ville une sorte de « Silicon Valley de l’audiovisuel ». Dans cette optique, en 2021, un nouveau multiplexe, Le Cinéum, a vu le jour ainsi que le campus Bastide rouge, un pôle entièrement dédié à la création audiovisuelle et cinématographique, qui comprend notamment plusieurs studios de tournage et de postproduction. Dans les années à venir, Cannes devrait aussi se doter d’un musée international du cinéma.