Comment s’inscrit votre chaîne YouTube dans votre stratégie digitale ?
Nous avons la chance, au Louvre, d’animer des comptes sociaux très puissants : 4,3 millions d’abonnés sur Instagram, 2,5 millions sur Facebook, 1,5 million sur Twitter. Le musée du Louvre a une force évocatrice qui dépasse nos frontières. La chaîne YouTube du musée s’inscrit dans ce système digital de façon très complémentaire. Chaque réseau présente des caractéristiques particulières. On constate toutefois que les usages des jeunes générations évoluent : les 18-34 ans sont massivement présents sur YouTube et délaissent les médias traditionnels.
Ou encore de diffuser en direct live les conférences de l’auditorium consacrées à l’actualité de la recherche scientifique.
Quelles étaient vos ambitions de départ pour cette chaîne ?
Elle existe depuis 2006, soit seulement un an après le lancement de la plateforme. Elle hébergeait alors principalement des captations de conférences et de concerts donnés à l’auditorium. Nous travaillons depuis 2014 -2015 à proposer un contenu qui soit davantage éditorialisé. L’une des missions premières du musée est de démocratiser l’accès à la culture. Les réseaux sociaux ne sont pas une fin en soi, mais un excellent outil pour parler aux jeunes. N’oublions pas que 50% des visiteurs du Louvre ont moins de 30 ans, 40 % ont moins de 26 ans. Quand on sait que les 18-34 ans constituent la part la plus importante de l'audience de YouTube, il y avait un pont évident à créer avec cette plateforme.
Quelle est votre ligne éditoriale en termes de contenus ?
Nous réfléchissons aujourd’hui à de nouveaux formats, autour des métiers du Louvre par exemple, pour répondre à la curiosité de nos abonnés. Les contenus sont principalement produits en interne. Il s’agit d’un investissement en ressources humaines.
Vous avez publié des vidéos réalisées en collaboration avec des vidéastes. Quel est l’objectif de telles collaborations et pourquoi avoir choisi plusieurs canaux de diffusion pour ces vidéos (certaines sont publiées sur votre chaîne, d’autres sur celles des vidéastes) ?
En 2015, nous avons fait le constat que, malgré de nombreuses vidéos de qualité, notre chaîne YouTube n’avait ni le bon ton, ni les bons médiateurs pour communiquer avec une population jeune qui passe parfois plus de temps sur la plateforme que devant son écran de télévision. Alors que 500 tournages - des documentaires, des reportages, des films, des fictions - sont réalisés chaque année dans l’enceinte du Louvre, la chaîne YouTube ne fédérait début 2016, après dix années d’existence, que 5 000 abonnés. Nous avons donc commencé à travailler avec une agence de communication digitale (Left Productions) pour améliorer l'éditorialisation de notre chaîne. Elle nous a aidés à développer notre lien avec la communauté YouTube, à être plus incitatifs dans les invitations à aimer nos vidéos ou à s'abonner à notre chaîne… Début 2016, nous avons lancé une carte blanche à 3 vidéastes qui ont produit 6 vidéos originales en 3 semaines. Nota Bene, Axolot et Le Fossoyeur de Films ont réalisé chacun une vidéo pour leur chaîne et une vidéo pour celle du Louvre. A la fin de chaque film, ils invitaient les internautes à aller consulter notre chaîne. Nous avons bien évidemment veillé à respecter le ton propre à chaque vidéaste - c’était la règle du jeu de la carte blanche. C'était un vrai partenariat : nous avons travaillé ensemble sur un contenu qui respectait les objectifs de chacune des 2 parties. Chaque Youtubeur a ainsi pu échanger avec les personnels scientifiques du musée du Louvre afin de garantir l’exactitude des informations diffusées.
Quel impact ont eu ces vidéos sur votre chaîne ?
La collaboration a été un succès car nous étions dans un modèle gagnant - gagnant : les vidéastes étaient invités à titre gracieux au musée du Louvre, en échange de quoi ils produisaient une seconde vidéo pour notre propre chaîne sur un thème complémentaire. Nous avons ainsi triplé notre nombre d’abonnés en quelques semaines, mais nous sommes surtout fiers d'avoir suscité l’intérêt des internautes : nous avons pu mesurer concrètement l'efficacité de notre communication en lisant tous les commentaires positifs qui nous ont été laissés. Nous avons poursuivi sur notre élan depuis la première carte blanche. A ce jour, nous avons collaboré avec 14 vidéastes d’horizons différents : Nota Bene, DirtyBiology, Charlie Danger, Paris ASMR, etc.
Pendant le confinement et la fermeture du musée, un dispositif spécial a-t-il été mis en place sur la chaîne pour continuer à faire vivre le Louvre ?
Tout à fait, nous avons profité de ce moment très particulier pour nous adresser différemment à notre public. Nous avons testé de nouveaux formats, comme par exemple la retransmission en direct de la programmation de l’auditorium. Cela a permis au musée de maintenir son offre de conférences et de concerts – et ainsi de manifester son soutien à la recherche et au spectacle vivant. L’Ensemble Correspondances a ainsi rassemblé 1 300 téléspectateurs qui ont écouté son concert en live, soit un chiffre plus de 3 fois supérieur au nombre de personnes que l’auditorium aurait pu accueillir in situ. C’est primordial, pour garder le contact avec les amoureux du musée. D’ailleurs, le public est au rendez-vous : la chaîne Youtube du Louvre comptait 40 000 abonnés avant le premier confinement ; elle en a aujourd’hui près de 65 000, soit une progression de 60% en quelques mois.