Comment est née cette suite de Soldats Inconnus, réalisée neuf ans après le premier volet ?
Paul Tumelaire (directeur artistique chez Ubisoft et créateur de Soldats inconnus) : Netflix nous a contactés car l’équipe souhaitait développer des jeux pour leur plateforme. Le premier jeu Soldats inconnus correspondait exactement à ce qu’ils avaient en tête, à savoir un titre très narratif, qui a sa place au milieu de leur catalogue de séries TV. Ma direction m’a demandé si, en tant que créateur de Soldats inconnus, travailler sur la suite m’intéressait. Il se trouve que j’avais une immense envie de le faire depuis la fin du développement du premier, j’ai donc sauté sur l’occasion ! J’étais pris sur une autre production mais j’ai eu l’autorisation de laisser tomber tout ce que je faisais pour retourner dans mes tranchées. (Rires.) Nous avions déjà défriché pas mal de choses, dont le principal thème des Harlem Hellfighters. Et puis la guerre n’était pas terminée puisque nous avions arrêté le premier jeu en 1917. On pouvait donc repartir de cette date, avec l’arrivée des forces américaines sur le continent européen. Netflix avait la volonté d’en faire un jeu mobile. Mais, chez Ubisoft Montpellier, nous n’avions pas forcément les ressources nécessaires, car les gens étaient déjà occupés sur d’autres projets. Il n’était pas possible d’assurer tout le développement en interne comme pour le premier jeu. Nous nous sommes alors alliés à une équipe jeune, dynamique, passionnée par Soldats inconnus et spécialisée dans le mobile !
Pourquoi Old Skull Games était le meilleur studio pour répondre à cette demande ?
Andréas Bonnardel (game director chez Old Skull Games) : Plusieurs d’entre nous étaient déjà présents chez Old Skull Games lorsque le premier volet de Soldats inconnus est sorti en 2014. Après avoir terminé le jeu, nous étions nombreux à être impressionnés par sa charge émotionnelle. C’était presque devenu un objectif pour l’entreprise de créer un jeu à message comme celui-ci. Quand Ubisoft est venu nous proposer de travailler sur la suite, nous avons évidemment été honorés. Je pense que nous avons été choisis car nous avions de l’expérience en platformers et jeux avec une patte graphique 2D stylisée. Nous avons appris que l’équipe business d’Ubisoft souhaitait travailler avec nous. Quand l’opportunité s’est présentée, ils nous ont contactés. On en est très fiers.
Paul Tumelaire : Nous avions aussi besoin d’une entreprise de développement de jeu qui connaisse le moteur sur lequel on allait travailler. Il se trouve qu’Old Skull Games cochait toutes les cases. Nous avons collaboré de manière très collégiale : j’apportais une expertise en direction artistique et créative, Gérard Barnaud en faisait de même pour tout ce qui concernait la narration, Guillaume Cerda s’occupait de la communication/marketing et Greg Hermittant de la production. Tous les quatre nous sommes fondus dans Old Skull Games, avec toutes leurs forces en présence.
Camille Decressain (chef de projet chez Old Skull Games) : Nous avons développé ce deuxième opus sur le moteur de jeu Unity, en refaisant tout le code du jeu et en repartant de zéro pour les outils d’animation, créations de niveaux, etc. Ce qui nous a permis de travailler avec le savoir-faire des équipes du premier volet d’Ubisoft, et de pouvoir reconstruire ensemble ce qui fait l’essence d’un jeu Soldats inconnus. Cette démarche nous a pris environ six mois. Et plus on avançait, plus on se rendait compte de la multitude de détails nécessaires pour qu’un jeu Soldats inconnus fonctionne.
Paul Tumelaire : Les employés d’Old Skull Games ont été capables de traduire des demandes que nous avions en matière de direction créative. Ils savaient nous alerter et nous prévenir sur des éléments clés et sur l’ordre dans lequel il fallait les traiter. Nous n’avions qu’un an de développement, et il nous a fallu faire preuve d’organisation.
Quels défis a posé Soldats Inconnus : Frères d’armes ?
Andréas Bonnardel : Nous étions conscients du challenge que cela représentait, aussi bien d’un point de vue narratif que graphiquement, mais nous n’avons réellement compris la complexité de ce genre de jeu qu’en commençant la production. Le titre repose sur des faits historiques, il y a donc un enjeu à rester cohérent avec la réalité de la Grande Guerre, ce qui demande à l’équipe de soigner chaque minute de jeu pour rester fidèle à l’histoire que l’on veut raconter.
Paul Tumelaire : Il a fallu que je revoie la façon dont j’imaginais le développement, car si le premier jeu avait été ultérieurement porté en version tactile, il fallait cette fois démarrer avec ce type de gameplay. Mais les nouveaux réflexes sont arrivés très vite, car dans notre métier, on doit constamment s’adapter. Il faut être capable de s’habituer à de nouveaux logiciels, de nouveaux pipelines, de nouvelles façons de penser…
Andréas Bonnardel : Ubisoft avait une grande confiance dans notre expertise, et nous avons pu proposer plusieurs solutions de design afin de transposer l’expérience de Soldats inconnus sur ce support. L’une des volontés d’Ubisoft était de mettre à profit l’opportunité du tactile dans une expérience narrative. C’est pourquoi nous avons souhaité proposer aux joueurs de réaliser des bandages à des blessés, de retirer des débris aux rayons X, ou encore d’offrir une expérience interactive de jazz avec les Harlem Hellfighters. La clé pour une expérience confortable sur mobile réside avant tout dans les contrôles proposés. Avec Ubisoft, nous avons souhaité présenter un jeu avec un minimum d’interfaces. L’enjeu était de ne pas afficher de boutons à l’écran pour favoriser l’immersion, et donc de limiter le nombre d’interactions par rapport au premier opus, au profit d’une meilleure fluidité et accessibilité. Dans un jeu narratif, il est important que l’utilisateur ne soit à aucun moment coupé de son immersion. Il conserve également les doigts à l’écran pour interagir en continu avec le jeu, ce qui est un élément à prendre en considération dans chaque niveau. Ubisoft nous a apporté une aide précieuse en multipliant les playtests afin de trouver ensemble les meilleurs choix design d’interaction, adaptés à l’ensemble des situations de jeu proposées.
Camille Decressain : C’était la première fois que nous travaillions avec une aussi grosse équipe de production et nous avons surtout dû relever des défis organisationnels qui ont fait grandir notre entreprise. Il fallait également veiller à construire et à développer notre collaboration avec l’équipe d’Ubisoft. En parallèle, répliquer l’ADN du premier opus a été un défi technique et créatif, notamment dans le fait de prendre en main la direction artistique et sonore et de travailler sur l’intégration de la narration dans le flow d’un joueur. Nous devions réussir à véhiculer des émotions et raconter une histoire, tout en gardant en tête l’expérience gameplay que nous voulions faire vivre.
Un troisième volet de Soldats Inconnus est-il envisageable ?
Paul Tumelaire : J’aimerais développer une nouvelle suite de Soldats inconnus, bien sûr ! Il est dans mes PowerPoint, dans mon esprit et dans celui de quelques collègues ! J’ai déjà quelques dessins, des idées de mise en scène et des mécaniques de gameplay. Ce qui est bien avec cette franchise, c’est qu’elle peut être appliquée à d’autres périodes et événements. Pas seulement à la guerre.
Soldats inconnus : Frères d’armes, disponible sur l’application mobile Netflix, Nintendo Switch, Microsoft Windows, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One et Xbox Series. Le jeu a bénéficié du soutien du CNC.