Votre jeu a remporté le très convoité Prix du public. Quelle a été votre réaction ?
Thomas Altenburger : C’est assez particulier pour nous : dans les salons ou les festivals où nous allons, les prix du public sont généralement remis à des « party games », des jeux amusants et accessibles à tous. Scourgebringer est un jeu d’action qui s’adresse à un public différent, moins familial. Et nous sommes donc ravis qu’il ait été reconnu pour ses qualités, au-delà de son genre.
Florian Hurtaut : Ce prix nous confirme que nous avons réussi à réaliser une prise en main rapide : le public a pris du plaisir quasi instantanément, sans avoir à jouer plusieurs heures pour arriver à le maîtriser. C’est exactement ce que nous recherchions.
Quelles étaient vos ambitions pour Scourgebringer ?
Thomas Altenburger : Dans ce jeu de plateforme et d’action, l’action et l’amusement devaient être immédiats pour que le joueur ait le contrôle permanent du personnage et qu’il puisse faire les actions qu’il souhaite – virevolter dans les airs, aller chercher des ennemis, etc… – en ayant un vrai sentiment de liberté.
Le joueur doit aider Kyhra à explorer un donjon, en constante évolution, pour lever le voile sur certains secrets de son passé. Une quête qui aura un impact sur l’humanité. Comment vous est venue cette histoire ?
Thomas Altenburger : Bonne question (rires) ! En réalité, nous nous focalisons essentiellement et en premier lieu sur le gameplay du jeu et nous ajoutons ensuite, en surimpression, un univers qui lui donne de la consistance. L’histoire aide à rester dans le jeu : elle constitue un prétexte pour aller sur l’action et doit être assez prenante et cohérente pour que les joueurs aient envie de rester. Nous travaillons de cette façon non pour respecter un schéma appris en formation, mais pour des questions d’aisance et de compatibilité artistique.
Pourquoi avoir choisi un graphisme très pixellisé ?
Florian Hurtaut : C’est un style que je faisais habituellement en game jam (un événement pendant lequel les concurrents ont un temps limité pour créer un jeu ndlr) car il permet de gagner du temps. De plus, en pixel art, les couleurs sont généralement définies en amont. Ce qui permet d’avoir un contrôle, une cohérence et une visibilité de l’ensemble. Le jeu reste toujours lisible malgré la vitesse des personnages.
Thomas Altenburger : Le pixel art permet en effet de faire des créations plus contrastées. Mais nous avons également choisi ce style graphique car nous avons besoin de travailler dans la contrainte. Artistiquement, ne pas avoir de limites est plus bridant qu’il n’y parait. Nous avons besoin de sortir de notre zone de confort pour trouver de nouvelles idées.
Dead Cells et Celeste figurent parmi vos sources d’inspiration pour ce jeu. Y en a-t-il d’autres ?
Thomas Altenburger : Oui. Nous nous sommes également inspirés de Devil May Cry. Tous ces jeux ont la qualité et la fluidité dans le gameplay que nous souhaitons atteindre. Notre objectif n’était pas de faire un mix de ces titres, mais de prendre ce qui nous semblait pertinent dans chacun pour en tirer une nouvelle proposition.
Comment s’organise le travail entre vous deux ?
Thomas Altenburger : L’organisation est devenue assez fluide au fil des années. Florian est plus axé sur l’artistique et moi sur la technique mais nous avons une vraie symbiose dès qu’il s’agit du game design. Nous savons ce que nous voulons faire et avançons de la même manière sans même se synchroniser. Tout se fait naturellement, sans avoir besoin de trop communiquer. Nous cherchons un fil rouge et dès que nous le trouvons, chacun avance de son côté : nous nous faisons confiance. Nous sommes tous les deux en freelance : nous travaillons parfois séparément sur d’autres jeux vidéo et réalisons ensemble des projets personnels. En réalité, nous n’avons pas vraiment de structure : le projet Scourgebringer est par exemple porté auprès du CNC par une autre société, Plug-in-Digital. Nous avons réalisé le jeu et nous positionnons en tant que réalisateur et directeur artistique.
Tout au long du développement du jeu, vous avez montré les différentes étapes de création dans des vidéos sur la plateforme de stream Twitch. Etait-ce pour susciter des vocations ou par stratégie marketing ?
Thomas Altenburger : C’est avant tout une question de communauté : nous voulons être proches des joueurs, les sensibiliser au processus de création d’un jeu et leur montrer l’envers du décor, en accord avec le plan marketing des personnes qui portent ce projet. Les joueurs que nous allons chercher par ce biais sont les plus susceptibles de nous suivre de manière assidue. Et ça nous permet d’avoir des retours réguliers sur notre travail.
Scourgebringer s’est construit en développement ouvert : des joueurs ont pu le tester au fur et à mesure et vous avez récolté leurs retours tout au long du processus de création. Etait-ce indispensable de procéder ainsi pour s’assurer, dans cette industrie très concurrentielle, de sortir le jeu correspondant le plus aux attentes des gamers ?
Thomas Altenburger : Il était essentiel pour nous de publier des choses au fur et à mesure afin de voir si nous allions dans la bonne direction. Cette stratégie de développement permet également de régler en cours de route les problèmes majeurs. C’est une façon de se démarquer : nous avons essayé de suivre un chemin différent des voies traditionnelles pour nous donner un maximum de clés afin de transformer ce projet en quelque chose de positif. Avoir eu le soutien du CNC a également été une énorme opportunité : cette aide nous a donné les moyens d’essayer d’atteindre les qualités des jeux qui nous ont inspirés.
Scourgebringer a été soutenu par le CNC.