Que représente le Marché international du film d’animation (Mifa) ?
Véronique Encrenaz : Le Mifa est né en 1985, vingt-cinq ans après la création du Festival d’Annecy en 1960. Depuis cette date, le Marché, qui va donc fêter ses 40 ans l’édition prochaine, se tient tous les ans en parallèle du festival, pendant quatre jours. Cette année, sur un total de plus de 16 000 accréditations délivrées par le festival, 6 500 sont des badges Mifa. Le Mifa propose quatre types d’offre aux professionnels : un espace d’exposition avec 180 stands ; une programmation « industrie » qui prend la forme de conférences, de panels, de sessions de démonstration, de rencontres de coproductions, de rendez-vous ciblés, de séances de pitchs – 130 projets sont présentés cette année lors des 23 sessions de pitchs organisées – ; une programmation « talent » autour de la formation et du recrutement, dédiée aux étudiants et aux jeunes professionnels, qui se déroule pour la deuxième édition consécutive au Campus Mifa. Enfin, le Mifa ouvre cette année l’espace XR & Games, consacré aux expériences immersives et au jeu vidéo, à la Chambre des Métiers et de l’Industrie d’Annecy.
Quelle est l’ambition de cette nouvelle offre dédiée à la XR et au jeu vidéo ?
V.E : Concernant la XR, il ne s’agit pas totalement d’une nouvelle offre, puisque les contenus immersifs sont présents dans la partie festival depuis 2016 et dans la partie Marché depuis 2018. En revanche, la création d’un espace identifié a pour objectif de donner davantage de visibilité aux projets XR et aux professionnels du milieu. Y intégrer le jeu vidéo était nécessaire et logique puisque le secteur du gaming possède des passerelles étroites avec l’animation et la XR. Notre but n’est cependant pas de développer un nouveau marché du jeu vidéo mais bien d’accompagner les mutations de l’industrie et de répondre aux besoins de ses professionnels.
Benoît Blanchard : Ce nouveau lieu offre sur quatre étages des espaces Showroom, un espace Détente et Networking et plus de 1 000 m² pour accueillir professionnels et étudiants. L’an dernier, nous avons reçu des demandes de studios de jeux vidéo français et étrangers qui souhaitaient pouvoir présenter leurs œuvres, mais aussi des prototypes pour démarcher des producteurs, des diffuseurs, des acheteurs… Or, nous n’avions pas de lieu adéquat pour les mettre en valeur. Désormais, grâce à la mise à disposition de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, nous pouvons offrir un espace identifié « XR et jeu vidéo » et proposer dans un même lieu la reprise de l'intégralité de la sélection officielle VR en free roaming, quand les oeuvres s'y prêtent – c'est-à-dire en itinérance, le spectateur est libre de ses mouvements dans la salle, NDLR –, des présentations d’œuvres et de projets en cours de fabrication, avec en parallèle la tenue des événements professionnels Mifa comme les Pitchs expériences numériques, les panels, les démo sessions sans oublier les Work In Progress XR... Les conférences gaming sont désormais identifiées comme une « famille » de conférences à part entière.
Quels sont les temps forts proposés ?
B.B : Nous organisons un concours d’œuvres cinématiques et de bandes annonces de jeux vidéo en collaboration avec le Weird Market de Valence, un festival et un marché tourné autour de l’hybridation des formats. Leur connaissance du jeu vidéo indépendant nous a été précieuse pour comprendre comment, à notre échelle, renforcer les liens et les collaborations entre animation et jeu vidéo sans avoir la prétention d’ouvrir un nouveau marché du gaming, comme l’a rappelé Véronique Encrenaz. Nous avons reçu 70 projets et en avons retenu la moitié. De grands noms du secteur ont candidaté tels que les Français d’Ubisoft, les Américains de Riot Games, les Finlandais de Supercell… Les prix vont être remis par un jury de professionnels composé de Jeanne Marchalot, responsable du StoryLab de France Télévisions, du journaliste Olivier Fallaix (Crunchyroll), de la productrice uruguayenne Valeria Castro Casella (Platonic Games) et du producteur américain Ben Kalina (Titmouse).
V.E : Une quinzaine de studios internationaux de jeu vidéo sont attendus dans ce nouvel espace dont les Français de Cross the Ages et de Bobbypills, mais aussi les Hongrois de Digic. Big Festival, le plus important festival de jeu vidéo d’Amérique du Sud, implanté au Brésil, va présenter en avant-première ses coups de cœur de l’année 2024. Des jeux africains vont également être mis en avant par le Pavillon africain dont le travail est de développer les industries culturelles et créatives du continent. Notons par ailleurs la masterclass du studio Ankama, qui travaille dans cette transversalité jeu vidéo et animation, ou le panel du studio TeamTo. Les adaptations de jeux vidéo en séries ou films d'animation, de plus en plus fréquentes, parlent au public adolescent et jeune adulte. Le jeu vidéo est aussi, je crois, une façon d’amener ces publics à découvrir l’animation « adulte » et les inciter à prendre ou reprendre le chemin des salles de cinéma pour découvrir ces oeuvres sur grand écran.
Ce nouveau lieu a-t-il vocation à s’inscrire dans la durée ?
B.B : Cette offre a effectivement vocation à perdurer l’an prochain. Le but est autant d’accélérer les collaborations que de créer de nouvelles synergies entre professionnels de l’animation, du jeu vidéo et de l’immersif. C’est d’ailleurs l’occasion de remercier nos partenaires qui nous ont permis de développer cette programmation, notamment le StoryLab de France Télévisions sur les volets XR et jeu vidéo, ainsi que Festivals Connexion et le GIFF (Geneva International Film Festival) sur la partie XR.
V.E : Tout à fait. L’ouverture de cet espace XR et jeu vidéo constitue une nouvelle étape dans l’évolution du Mifa. Nous accompagnons les mutations du secteur et en rendons compte. Le Mifa grandit et mute avec, années après années. À bientôt 40 ans, il a encore bien des choses à apprendre et à inventer.