BeTipul, qui suit la thérapie de plusieurs patients avec leur médecin, a déjà fait l’objet de nombreuses déclinaisons dans le monde. Pourquoi une nouvelle adaptation ?
Ce n’est pas une adaptation de plus, car ce concept génial implique qu’il faut l’ajuster à la culture du pays. Ce n’est donc pas un copier-coller. Tout ce que vous verrez en France n’est pas la série originale, qui, elle, raconte une autre société avec d’autres codes.
Pour tourner un huis clos, le studio était idéal. Pourquoi ne pas avoir choisi cette solution ?
On a envisagé un temps de tourner en studio. Mais on a trouvé un immeuble vide que l’on pouvait louer durant six mois, du coup la question ne se posait plus. On a pris les cinq étages et on y a réparti les loges, la cantine, nos bureaux et les deux décors. C’était l’idéal, car dans la série, la ville, la rue sont très présentes. On avait besoin d’un côté haussmannien pour situer l’action à Paris. L’immeuble que nous avons trouvé correspondait exactement à nos besoins.
Comment éviter le sempiternel champ/contrechamp que le concept de la série impose ?
On a pris de la distance par rapport à la série originale en faisant sortir un certain nombre de personnages du cabinet du thérapeute. Il ne faut pas oublier que le concept de base reste un « combat ». Reda Kateb, quand il entre chez le psy au cours de son premier épisode, le dit très bien : « Je ne suis pas venu faire une thérapie […] Je ne suis pas là pour vous parler de mon père, ma mère… Je suis là pour trouver une solution, pour que vous me remettiez sur pied, maintenant. » Il est en totale résistance. Il y a donc un affrontement de points de vue. Son personnage vient décharger tout ce qui ne va pas. Je pense qu’il y a quelque chose de très impudique à filmer à l’intérieur d’un cabinet de psy. Je pense même que pour les acteurs, c’est plus dur que des scènes de nu.
C’est, du coup, une série très centrée sur les acteurs…
Il y a eu une vraie recherche de direction artistique avec Mathieu Vadepied qui travaille avec nous depuis nos débuts, d’abord comme opérateur puis comme directeur artistique, et qui a réalisé certains épisodes. On tenait à ce que, grâce au travail des acteurs, on ait autant d’intrigues et de suspense que dans une série classique. Par exemple, quand le personnage de Reda Keteb raconte son entrée dans le Bataclan. Normalement, on l’aurait vu commencé à parler et puis… cut et l’action en flash-back. Là, on reste sur lui, sur ce qu’il raconte pour revivre son souvenir. On appelait ça le cinéma intérieur. Cela offre au spectateur une autre forme d’émotion. Forcément, le travail des acteurs est plus complexe et intense. Ils nous disaient souvent qu’ils avaient l’impression de sauter d’un pont ! Alors qu’au cinéma on tourne généralement deux-trois minutes de film utiles par jour, là on en faisait vingt-cinq !
Techniquement, vous avez procédé comment ?
On a adopté un système à deux caméras. Soit un plan large et un plan serré dans le même axe, soit un champ/contrechamp, pour capter la réalité de la situation. Parfois, sur une prise de vingt-cinq minutes, il y a des accidents et la réaction de celui qui reçoit est impossible à refaire. Cette série est vraiment portée par ses acteurs. La relation réalisateur/acteur en est complètement bouleversée.
Cela implique un rapport aux acteurs différent ?
On a parfois utilisé des prompteurs, mais généralement les acteurs étaient sans filet. Ce qui est très dur dans cet exercice, c’est qu’il s’agit d’une discussion entre deux individus. Il faut que les mots viennent naturellement, qu’on oublie le texte. C’est pour cela que dès l’écriture, on s’est appliqué à utiliser un langage simple, en évitant les phrases complexes, trop ampoulées. La série impliquant des prises de vingt, vingt-cinq minutes, ce n’était pas évident pour les acteurs de jouer des personnages trop éloignés d’eux-mêmes. Le casting a donc été soigneusement pensé. Et durant le tournage, pour ne pas s’ankyloser, on a décidé de tourner trois jours avec un « patient » puis trois jours avec un autre. Ensuite, chaque séance était divisée en acte. Il y avait trois actes d’une vingtaine de minutes chacun, même si parfois quand on le sentait bien, on laissait tourner…
En thérapie
Scénario : David Elkaïm et Vincent Poymiro avec Pauline Guéna, Alexandre Manneville, Nacim Mehtar, Eric Toledano et Olivier Nakache
Adaptée de la série Betipul créée par Hagai Levi
Réalisation : Eric Toledano et Olivier Nakache, Mathieu Vadepied, Pierre Salvadori et Nicolas Pariser
Musique originale : Yuksek
Coproduction : ARTE France, Les Films du Poisson, Federation Entertainment et Ten Cinéma
Diffuseur : ARTE France et ARTE.tv