« Nismet » : comment a été écrite cette série inspirée d’une histoire vraie

« Nismet » : comment a été écrite cette série inspirée d’une histoire vraie

17 mars 2025
Séries et TV
« Nismet »
« Nismet » réalisée par Philippe Faucon Philippe Le Roux - Arte

Diffusée sur ARTE et produite en délégué par Alef One, Nismet retrace le véritable parcours de Nismet Hrehorchuk, marqué par l’isolement social et la violence. Coscénariste, la jeune femme raconte ici sa propre histoire, au fil d’une œuvre intime et puissante, sacrée Meilleure série de 52 minutes au Festival de la fiction de La Rochelle en 2024. Le réalisateur Philippe Faucon nous explique comment ce projet est né.


Nismet Hrehorchuk vous a contacté pour que vous racontiez sa vie. Est-ce ainsi que tout a commencé ?

Philippe Faucon : Oui. J’ai rencontré Nismet sur le tournage de mon film Amin (2018), sur lequel elle jouait un petit rôle. Elle m’a proposé de me raconter son histoire, avec le projet d’en tirer le scénario d’un film ou d’une série. Nous n’avons pas eu, sur le moment, le temps d’en parler plus en détail, et nous nous sommes revus à l’issue du tournage.

La série est donc inspirée d’une histoire vraie. Qu’est-ce qui vous a particulièrement touché dans son parcours ?

C’est l’histoire d’une mère et d’une fille en situation d’isolement social très marqué et, de ce fait, exposées à la violence et aux abus d’un homme particulièrement retors. Pendant une première journée, j’ai écouté Nismet, qui me livrait une histoire terrible, mais encore à ce moment-là très disparate. Je me rappelle m’être dit qu’il y avait certainement une nécessité à ce récit, mais qu’une approche par la fiction serait sans doute pleine d’écueils. Puis, à un moment, elle m’a parlé de cette confusion qui s’était installée en elle, au point de se persuader qu’elle était responsable du crime commis par sa mère. À partir de ce moment, j’ai pris la mesure du lien qui s’était créé entre la mère et la fille à travers l’épreuve commune de la violence. Et j’ai voulu passionnément aller au bout de ce projet.

Nismet Hrehorchuk m’a fait confiance sur les différents choix et décisions qu’il y avait à prendre.

Quel regard a eu Nismet Hrehorchuk sur la série ? Comment a-t-elle été impliquée dans la production ?

Nismet n’avait pas d’expérience dans l’écriture de scénarios. La série ne s’est donc pas écrite « à quatre mains », mais elle s’est réellement élaborée à deux regards. Nismet a bien sûr apporté la matière originelle, son vécu, et la connaissance très intime qu’elle avait de l’histoire de sa mère et de la sienne. J’ai apporté les moyens qui sont les miens pour en donner une transposition à l’écran. Elle m’a fait confiance sur les différents choix et décisions qu’il y avait à prendre.

Comment avez-vous construit le scénario ? Aviez-vous une approche très fidèle à la réalité ou vous êtes-vous autorisé à prendre des libertés ?

Il y a inévitablement une transformation de l’histoire par nécessité de construire – ou de reconstruire – un récit pour l’écran. Nismet m’avait livré un récit oral avec un regard personnel très riche et très précis, mais il a parfois fallu combler des manques : recréer, voire inventer, des dialogues, reconstituer, voire imaginer, des moments où elle n’était pas présente, cerner davantage certains personnages, etc. Je me suis donc autorisé des libertés, avec le souci constant de ne pas dénaturer son histoire. Dans les grandes lignes, celle racontée par la série reste bien l’histoire de Nismet Hrehorchuk.

La réalisation est épurée, presque naturaliste. Était-ce une volonté de mise en scène pour rester au plus près de la réalité ?

Il y a une recherche d’épure, la tentative de tracer le trait d’un essentiel. Mais même si je reste prioritairement intéressé par des formes liées au réalisme, je ne crois pas qu’on puisse parler d’une approche « naturaliste », car il y a justement une préoccupation de forme et d’écriture, et non seulement une reproduction sèche ou systématique de la réalité.

 

Comment avez-vous découvert et choisi l’actrice principale, Emma Boulanouar ?

En cherchant. Je consacre le plus de temps possible à cette phase de recherche, autant que je peux en disposer, car beaucoup de la réussite à venir repose sur ces choix. Lors de la préparation d’une série, le temps consacré au casting est budgétairement très compté. J’ai donc mené cette recherche moi-même concernant les trois rôles principaux. Pour travailler sur les autres rôles (il y avait 78 personnages à distribuer), j’ai eu la chance d’avoir avec moi un garçon formidable, Clément Quentin. Pour en revenir à Emma, il était très visible, dès les premiers essais, qu’il y avait chez elle quelque chose de très prometteur, ce qui s’est confirmé et révélé davantage encore au fur et à mesure du tournage.

Emma Boulanouar a demandé la présence d’une coach d’intimité, qui l’a beaucoup rassurée.

Comment avez-vous abordé les séquences de violence entre le personnage de Nismet et le compagnon de sa mère ? Ainsi que le tournage des séquences dénudées ?

En en parlant. Emma est quelqu’un d’une grande intelligence et d’une grande intuition, capable aussi de détermination et de courage. Elle peut appréhender certaines situations de jeu, voire avoir de réelles difficultés à les aborder, mais à partir du moment où ce que l’on cherche à atteindre a du sens pour elle, elle s’efforce toujours de trouver les moyens d’y parvenir. Concernant les séquences dénudées, on en a évidemment aussi beaucoup discuté ensemble au préalable, et Emma a demandé la présence d’une coach d’intimité, qui l’a beaucoup rassurée par sa gestion de ces moments sur le tournage.

Vous avez reçu le Grand Prix au Festival de la fiction de La Rochelle. Qu’est-ce que ce type de récompense apporte pour une série comme Nismet ?

Le début de la visibilité. Et pour la chaîne qui a permis à cette série de voir le jour, une juste reconnaissance du risque pris : celui de croire à la possibilité d’une fiction audiovisuelle créative et non formatée. Je crois en la capacité des spectateurs à ressentir que cette histoire les accompagnera intimement et longuement.
 

Nismet, série en 4 épisodes, à voir sur Arte.tv

Affiche de « Nismet »
Nismet Arte

Réalisée par Philippe Faucon
Écrite par Philippe Faucon et Nismet Hrehorchuk
Avec Emma Boulanouar, Loubna Abidar, Théo Costa-Marini, Arthur Legrand
Musique de Amin Bouhafa
Production déléguée : Alef One
Coproduction : Istiqlal Films, Arte France, Pictanovo Région Hauts-de-France

Soutien sélectif du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (Aide à la production – sélectif)