Pariscience 2020 : Femmes et Sciences à l’honneur

Pariscience 2020 : Femmes et Sciences à l’honneur

22 octobre 2020
Séries et TV
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Picture a scientist de Ian Cheney et Sharon Shattuck
Picture a scientist de Ian Cheney et Sharon Shattuck Uprising LLC avec la participation de The Wonder Collaborative
Pour le volet grand public de sa 16e édition, à suivre en ligne du 23 au 28 octobre, le Festival international du film scientifique propose une thématique « Femmes et Sciences ». La programmatrice Laura Fonteniaud nous éclaire sur ce fil rouge, organisé autour de douze films qui donnent à voir des femmes « inspirées et inspirantes ».

Pourquoi avoir choisi cette thématique « Femmes et Sciences » ?

Nous proposons à chaque édition une thématique transversale qui, généralement, résulte de l’appel à films lancé en février. Cette année, nous avions différentes pistes : il y avait plusieurs films sur l’espace, d’autres autour du confinement scientifique… Puis, au fur et à mesure, nous avons remarqué que beaucoup de films avaient des femmes pour personnages principaux. Pour certains, c’était le sujet, et pour d’autres, justement, ça ne l’était pas. Ça nous a donné le sentiment que quelque chose avait évolué.

on peut aujourd’hui présenter une femme scientifique ayant une place importante dans un champ particulier, sans que le fait qu’elle soit une femme soit montré comme quelque chose d’exceptionnel.

À quoi tient cette évolution ? À des changements dans le monde scientifique en général ou dans celui des films scientifiques en particulier ?

Les femmes commencent à venir à bout du plafond de verre. Certaines ont accès à de hauts postes, on montre notamment un film sur Maryam Mirzakhani (Secrets of the Surface : The Mathematical Vision of Maryam Mirzakhani), qui est la seule femme à avoir reçu la médaille Fields (la plus prestigieuse distinction en mathématiques). Il y a aussi un film sur Vandi Verma, la conductrice du robot sur Mars (The Other Side of Mars). Elle a une approche de sa discipline assez nouvelle, dans deux domaines, l’espace et la robotique, qui étaient traditionnellement très masculins.

Sur le papier, la sélection donne l’impression de parcourir toute la planète…

Oui, on peut en effet souligner que plusieurs films de la sélection ne sont pas « occidentalo-centrés » : un film se déroule en Inde, un autre en Iran, il y a un film sur les grandes femmes scientifiques africaines… Ça permet de voir ce qui se fait dans d’autres pays et de lutter contre les clichés. C’est intéressant d’apprendre, par exemple, qu’il y a beaucoup de femmes mathématiciennes en Iran.

Quels sont, à vos yeux, les films les plus emblématiques de la sélection ?

On peut citer Picture a Scientist, qui est le « Balance ton porc » de la science, un film sur des femmes scientifiques qui sont victimes de harcèlement sexuel et moral dans le cadre de leur travail. Il dresse un tableau affligeant et permet une prise de conscience importante. Un autre volet de notre thématique pose la question de la façon dont les femmes sont vues par la science elle-même. Le guerrier était une femme en est une bonne illustration. C’est un film qui part de la découverte de Birka, ce squelette viking qui, parce qu’il était dans une tombe très bien décorée, avec des armes et un jeu d’échecs à ses côtés, avait été identifié comme un homme par les archéologues. Mais les analyses ADN ont montré qu’il s’agissait d’une femme. Le guerrier était une femme prend d’autres exemples pour montrer le biais des chercheurs. Le fait qu’on subisse aujourd’hui une domination masculine entraîne le présupposé qu’à la préhistoire, la même domination masculine existait. Or, on commence à découvrir que ce n’est pas vrai, qu’avant le néolithique, les femmes et les hommes étaient peut-être sur un plus grand pied d’égalité. Ce film change profondément la vision qu’on peut avoir de la préhistoire. Enfin, sur la partie de la programmation qui concerne plus spécifiquement les femmes de science, le film emblématique est sans doute Our Gorongosa : on y voit une jeune femme qui restaure le parc national du Gorongosa, au Mozambique, dans un état lamentable à cause de la guerre. Elle apporte une réflexion nouvelle et très inspirante, qui intègre les questions de biodiversité à tous les pans de la société, et propose une politique sociale globale qui ne s’arrête pas à la préservation des espèces.

Un mot sur le film d’ouverture, Coded Bias ?

C’est à propos d’une chercheuse afro-américaine qui s’aperçoit qu’il y a un biais raciste dans l’utilisation des algorithmes, que les visages noirs sont moins bien reconnus que les blancs par les systèmes de reconnaissance faciale. Son enquête l’a conduite jusqu’à la Cour suprême des États-Unis et lui a permis de mettre un coup d’arrêt aux systèmes de reconnaissance faciale à San Francisco. Là encore, le fait que ce soit une femme n’est pas forcément le sujet du film. Elle en est l’héroïne, on la suit dans son combat et elle aussi est très inspirante.

Quels sont les enjeux pour l’avenir autour des liens entre les films scientifiques, les femmes et la science ?

On dit souvent que ce qui peut contribuer à faire évoluer les mentalités, c’est d’avoir des « role models ». C’est vrai, mais l’idée du role model implique la notion d’exception. Plusieurs films de la sélection montrent des femmes qui travaillent dans le milieu de la science, à de hautes fonctions, et traitent ça comme quelque chose de tout à fait normal. Je pense que ça peut vraiment contribuer à changer les mentalités, à planter une graine dans la tête des jeunes filles ou des jeunes garçons.