Christophe Honoré, les trépidations de la jeunesse

Christophe Honoré, les trépidations de la jeunesse

05 décembre 2022
Cinéma
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Paul Kircher dans « Le Lycéen ».
Paul Kircher dans « Le Lycéen ». Memento/Les Films Pelléas

Avec Le Lycéen, Christophe Honoré signe un film autobiographique et se replonge dans les souvenirs douloureux et exaltants de son adolescence. L’occasion de retracer le fil qu’il entretient avec la jeunesse.


Dans Paris (2006)

Christophe Honoré vient d’un petit village breton, « en plein milieu de la campagne, même pas près de la mer », aime à préciser le cinéaste. Il y a passé toute son enfance et son adolescence. « C’était vingt-cinq ans de frustration… », expliquait-il à Antoine de Baecque lors d’une rencontre au Centre Pompidou en 2012. La « montée » à Paris est donc vécue comme un vertige. La capitale, destination idéalisée vers tous les possibles avec, en ligne de mire, le cinéma. En cela, Dans Paris (2006), son troisième long métrage, apparaît comme une ode à cette libération. Dans le fond et la forme. Film néo Nouvelle Vague assumé de la part de celui qui voulait devenir « François Truffaut ». Ici, Louis Garrel parle face caméra, Romain Duris chante et pleure au téléphone. Il est question d’un amour déçu, de ponts de Paris et de leur promesse du vide, de rues que l’on parcourt à toute vitesse… Le grand frère a le cœur qui souffre, le plus jeune tente de le consoler : « Il est clair qu’il n’est pas question que tu meures aujourd’hui. » Louis Garrel, acteur et muse, distille une énergie palpable : « Après Ma mère (2004), commente le cinéaste à la sortie du film, je voulais lui proposer un personnage de garçon pas tourmenté du tout, très désinvolte. Son rôle s’est d’abord construit là-dessus. Il est devenu le conteur d’un film dont toutes les personnes, par ailleurs, ne cessent de se raconter des histoires. Toutes ces histoires sortant finalement d’un pot commun : ma propre mémoire familiale. »

La Belle Personne (2008)

Après Les Chansons d’amour (2007), magnifique ode à la fin de l’innocence, Christophe Honoré adapte La Princesse de Clèves, qu’il transpose dans un lycée parisien contemporain. « Jamais cour n’avait eu tant de belles personnes… », écrit Madame de La Fayette au XVIIe siècle. Hier, aujourd’hui, et entre les deux, des souvenirs pas si lointains. « Cette jeunesse grave et gracieuse, qui m’apparaît si éloignée de ma jeunesse des années 80, dont je garde le souvenir net d’une absence résolue d’élégance, écrit Christophe Honoré dans une note d’intention accompagnant ce cinquième long métrage. Souvent, les films de lycée sont l’occasion de faire le lien avec sa propre adolescence. Ici, ma volonté était inverse. Je voulais les filmer eux, ceux d’aujourd’hui, avec cette part inévitable de distance que leur mystère m’impose. » Louis Garrel, panoplie du dandy, est la réincarnation du duc de Nemours du texte original. Il joue un jeune professeur d’italien séduit par Junie, sa princesse de Clèves, interprétée par Léa Seydoux, alors étoile tout juste montante du cinéma. Celle-ci refuse de succomber à ses charmes, pour ne pas trahir son amant Otto (Grégoire Leprince-Ringuet) et ne pas gâcher la pureté de cet amour. Avec cette adaptation résolument moderne du texte de Madame de La Fayette, Christophe Honoré célèbre les pulsations de la jeunesse et réfléchit à la manière dont le contemporain recompose un sentiment éternel : le désir de l’autre.


Métamorphoses (2014)

Mise à nu. Au propre comme figuré. Christophe Honoré se plonge dans Les Métamorphoses d’Ovide, long poème épique inspiré de la mythologie grecque et romaine. Le cinéaste, fidèle à sa manière de relire les classiques en les transposant dans le contemporain, signe un film hédoniste autour d’une jeunesse faisant l’expérience du pur et de l’impur. Les dieux tombent amoureux de jeunes mortels, soumis à des transformations. Ici, la nature souveraine s’abîme dans des décors périurbains traçant une frontière tangible entre des temps envisagés comme immémoriaux et la brutalité du présent. Pour incarner les héros de ce film, Christophe Honoré a fait appel à des comédiens non professionnels pour capturer l’innocence des premières fois.


Le Lycéen (2022)

Le cinéaste a 15 ans lorsque son père se tue accidentellement en voiture. Cette tragédie a, de son propre aveu, provoqué « un basculement », et avec lui, le sentiment qu’il ne fallait plus s’interdire de vivre sa vie : « Avec cette tristesse, je me suis affranchi, je n’ai plus douté. J’ai enfin assumé le fait de dire “Je serai cinéaste” », déclarait-il lors de la rencontre de 2012, au Centre Pompidou. Ce Lycéen a une part autobiographique évidente. Il raconte le parcours de Lucas, 17 ans, qui à la mort de son père (incarné par Christophe Honoré lui-même), s’installe à Paris où habite son grand frère (Vincent Lacoste). Sur place, l’adolescent va vivre intensément. Cette part intime très forte avec ses propres souvenirs a toutefois obligé le cinéaste à entretenir une distance avec eux. « Parler à la première personne, je le faisais déjà dans Les Chansons d’amour ou dans Dans Paris, mais à partir de Plaire, aimer et courir vite (2017), c’est devenu plus structuré, du point de vue de la théorie et de l’élaboration de mes films. Ça n’empêche pas l’embarras au moment de commenter ces films, parce que tout est vrai, mais en même temps, je ne reconnais rien. L’incarnation des comédiens, la mise en scène et, dans le cas du Lycéen, la transposition à notre époque, éloignent le film de moi, et tant mieux », confiait récemment Christophe Honoré dans les colonnes des Inrockuptibles. 

 

Le Lycéen

Scénario et réalisation : Christophe Honoré
Avec : Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste…
Photographie : Rémy Chevrin
Musique : Yoshihiro Kanno
Production : Les Films Pelléas, Pyramide International, France 2 Cinéma, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma
Distribution : Memento distribution
Ventes internationales : Pyramide international

Soutiens du CNC : Aide au programme 2022 (aide à la distribution)