Disparition de Douglas Trumbull, le magicien des effets spéciaux de « Blade Runner » et « 2001, l'Odyssée de l'espace »

Disparition de Douglas Trumbull, le magicien des effets spéciaux de « Blade Runner » et « 2001, l'Odyssée de l'espace »

Douglas Trumbull a également réalisé deux longs métrages de science-fiction, « Silent Running » et « Brainstorm ».
Douglas Trumbull a également réalisé deux longs métrages de science-fiction, « Silent Running » et « Brainstorm ». Julian Herzog
Le directeur des effets spéciaux avant-gardistes pour l'odyssée spatiale de Stanley Kubrick, également réalisateur à ses heures perdues, s'est éteint mardi 8 février à l'âge de 79 ans.


Un vaisseau spatial flotte dans l'immensité étoilée, poursuivant sa lente révolution au rythme du « Beau Danube bleu » de Johann Strauss. Ces images de 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), gravées dans l'inconscient collectif, sont autant dues au génie visionnaire de Stanley Kubrick qu'à celui de son directeur des effets spéciaux, Douglas Trumbull. Cet expérimentateur invétéré, dont le travail a révolutionné l’esthétique du cinéma de science-fiction, a disparu mardi 8 février à 79 ans. Il laisse derrière lui un héritage inestimable, composé de trouvailles visuelles aussi réalistes que poétiques, de sa collaboration avec Steven Spielberg sur Rencontres du troisième type (1977) à son travail visionnaire sur Blade Runner (1982) de Ridley Scott. 

Douglas Trumbull tombe dans la marmite dès son plus jeune âge, inspiré par les travaux de son père Donald Trumbull, qui contribue aux effets visuels du Magicien d'Oz (1939) de Victor Fleming. Passionné de mécanique et de films d'invasions extraterrestres depuis l’enfance, Douglas Trumbull est d'abord embauché par le studio Graphic Films en tant qu'illustrateur. Son travail sur le film To the Moon and Beyond (1964), projeté à la Foire internationale de New York, est remarqué par Stanley Kubrick, alors à la recherche d'une équipe pour un projet qui deviendra 2001, l'Odyssée de l'espace. Douglas Trumbull s'expatrie à Londres et dispose d'une carte blanche pour concevoir les effets spéciaux de ce voyage cinématographique et intergalactique. Tout d'abord assigné à la création des animations sur les écrans des différents vaisseaux spatiaux, Douglas Trumbull est ensuite assigné à des projets plus ambitieux. Il travaille notamment sur la séquence psychédélique de la « Stargate » (Porte des étoiles), durant laquelle l'astronaute David Bowman est happé par un vortex lumineux. Trumbull utilise la technique de photographie Slit Scan - procédé mécanique utilisé pour obtenir des flous et des déformations - afin de donner vie aux étranges phénomènes cosmologiques et autres effusions de couleur visibles dans ce voyage hallucinatoire.


Une patte intemporelle

Sa collaboration avec Kubrick fait définitivement décoller sa carrière et lui permet de lancer sa propre société d'effets spéciaux. Il travaille ensuite avec Robert Wise pour Le Mystère Andromède (1971), avant de passer derrière la caméra un an plus tard avec Silent Running. Il dirige Bruce Dern dans ce film catastrophe - dont le scénario est coécrit par un certain Michael Cimino - où la végétation terrestre a presque entièrement disparu. Après l'échec du film au box-office et plusieurs projets avortés, Doug Trumbull retourne à la production d'effets spéciaux pour La Tour infernale (1974) de John Guillermin. Contraint de faire l'impasse sur le Star Wars de George Lucas en raison d'un conflit d'emploi du temps, il participe ensuite aux Rencontres du troisième type de Steven Spielberg - où il travaille avec son père Donald Trumbull - et au Star Trek (1979) de Robert Wise. 

Lassé par les films d'exploration spatiale, il saute sur l'occasion de pouvoir collaborer avec Ridley Scott et contribue à donner vie à la Los Angeles dystopique, aux allures d'immense plateforme pétrolière, arpentée par Rick Deckard (Harrison Ford) dans Blade Runner. En 1983, Doug Trumbull réalise son deuxième et dernier long métrage, Brainstorm, dont le tournage est marqué par la mort mystérieuse de l'actrice Natalie Wood. La cruauté du système hollywoodien le pousse à se retirer du monde du cinéma pendant presque 30 ans, avant d'être rappelé par Terrence Malick pour The Tree of Life. Il y conçoit notamment les séquences qui dépeignent la création de l'univers, grâce aux procédés manuels et organiques utilisés pour 2001, l'Odyssée de l'espace. La preuve irréfutable que les mondes créés par ce funambule des effets spéciaux ne perdront jamais de leur superbe.

Jusqu’au 8 avril 2022, il est possible de découvrir certains des effets visuels novateurs de Douglas Trumbull dans le cadre de l’exposition Interstellaire. Cinéma et effets spéciaux au Centre des Arts d'Enghien-les-Bains.