Quelle est l’histoire du Mois du film documentaire ?
La manifestation a été créée il y a vingt-quatre ans par Images en bibliothèques en lien avec le CNC. À l’origine, il s’agissait d’un événement dérivé d’un dispositif visant à assurer le développement des collections de films documentaires dans les médiathèques publiques. Images en bibliothèques a donc lancé le Mois du film documentaire pour valoriser ces fonds.
Quel en est l’objectif ?
Valoriser le cinéma documentaire comme espace de prise de parole, de débat public, de réflexion sur le monde. Mais aussi, et je dirais même surtout : mettre en valeur le cinéma documentaire.
Concrètement, comment se déroulent ces événements ?
Au départ, il s’agissait de manifestations organisées dans les bibliothèques. La première année, près de 200 bibliothèques ont ainsi participé à l’événement. Mais aujourd’hui, on a élargi le cadre, et ce sont 1700 structures qui, sur l’ensemble du territoire, participent à l’édition 2023, dont environ 400 cinémas, 900 médiathèques, des centres sociaux, des EHPAD, des hôpitaux, des prisons, des fermes, des granges, des associations… L’immense majorité des séances – plus de 75 % – sont accompagnées de débats, de rencontres (avec un cinéaste ou un spécialiste du sujet), mais aussi d’expositions, de repas ou d’ateliers de toutes sortes. Pour vous donner une idée, il y a environ 500 cinéastes qui accompagnent leur film. 1200 films différents sont projetés cette année sur l’ensemble du territoire pour une totalité de 2300 séances. J’aime rappeler qu’il s’agit de loin la manifestation consacrée au cinéma documentaire la plus importante en France. Elle se tient dans 1100 villes et communes du territoire, dans presque toutes les régions.
Combien de spectateurs y participent ?
On attend entre 90 000 et 100 000 spectateurs.
Au sein du Mois du film documentaire, quel est le rôle d’Images en bibliothèques ?
La mission de l’association est de soutenir le travail de l’ensemble des programmateurs. Ils connaissent leur public, la programmation est donc libre. Néanmoins nous restons garants d’une ligne directrice. Même si les participants choisissent leurs films comme ils l’entendent, on valide quasiment toutes les séances. On a mis en place un réseau local, notamment des coordinateurs dans chaque région, qui prend le relai et soutient les programmateurs. On les aide également au cours de l’année, à travers des sessions de formation, des accompagnements…On propose aussi des films que nous soutenons, dont on fait même parfois l’acquisition des droits, ce qui permet de les programmer dans des conditions plus intéressantes. C’est un travail au long cours. Par exemple, une commission de sélection composée d’une cinquantaine de bibliothécaires voit 350 films par an pour en valider et en labelliser environ 80. De la même manière, les sessions de formation dont je parlais se déroulent toute l’année… La manifestation n’est que la partie visible d’un iceberg qui comprend de nombreux dispositifs.
Cette année, le thème du Mois du film documentaire est intitulé « Prendre la parole ». Quelle en est l’ambition ?
L’idée générale à travers ce choix était d’abord de rappeler que le cinéma documentaire, et le cinéma en général, est un déclencheur de parole, particulièrement celle du public. Par ailleurs, le cinéma documentaire, c’est aussi une façon pour les cinéastes de prendre la parole. « Prendre la parole », mais aussi porter la parole des personnes ou des communautés qu’ils filment. Donner la parole, la transmettre, la susciter. Le documentaire est, je crois, une histoire de passage…
Quelle est la force du cinéma documentaire selon vous ?
Ce qui me paraît significatif dans l’écriture documentaire aujourd’hui, c’est son incroyable diversité. C’est ce qui la différencie sans doute d’autres genres, en particulier de la fiction. Le cinéma documentaire invente en permanence ses formes en fonction de ce qu’il a à raconter. On voit émerger, depuis peut-être une quinzaine d’années, des films à la première personne, des films de l’intimité ou des autobiographies plus ou moins personnelles. Je pense au film qui faisait l’ouverture du Mois au Centre Pompidou, Orlando, ma biographie politique, de Paul B. Preciado. On note également une nouvelle utilisation des archives avec un regard rétrospectif qui peut être très critique comme dans les films de Jean-Gabriel Périot. On pourrait également parler du travail de longue haleine de Claire Simon. La diversité de la forme documentaire est très frappante. On voit même se développer depuis une dizaine d’années le documentaire animé, qui aurait pu paraître un pur oxymore il y a encore quinze ans, regardez L'Image Manquante de Rithy Panh par exemple.
Comment continuer à faire vivre cette effervescence ?
De gros efforts ont été faits pour soutenir la création documentaire. Je pense au lancement de la Cinémathèque du documentaire, ou le fait que 2023 ait été instituée Année du documentaire. D’ailleurs, que le Mois du film documentaire 2023 se tienne au sein de l’Année du documentaire n’est pas tout à fait anodin. Cela traduit bien notre volonté de comprendre et de réagir à la difficulté structurelle de la projection et de la production du cinéma documentaire. Pour moi, elles sont liées au fait que le genre, s’il est bien défendu par les institutions, reste peu ou mal diffusé à la télévision. C’est un genre qui, quand il rencontre le public est très apprécié ! Au fond, je crois que l’exigence qu’impose le cinéma documentaire (notamment dans son rapport au temps) fait encore peur à certains diffuseurs. Et c’est ce genre de préjugés que le Mois du film documentaire doit essayer de changer.
Le Mois du film documentaire est une manifestation organisée par Images en bibliothèques grâce au soutien du ministère de la Culture, du Centre national du cinéma et de l’image animée ainsi que de la Scam, la Procirep, l’Institut français et la Cinémathèque du documentaire.
LE SOUTIEN DU CNC AU DOCUMENTAIRE