Le Jura, terre de tournages

Le Jura, terre de tournages

23 janvier 2025
Cinéma
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Vingt Dieux
"Vingt Dieux" de Louise Courvoisier Agatfilms-ex nihilo

Vingt Dieux de Louise Courvoisier, Un ours dans le Jura de Franck Dubosc, Le Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu … Depuis quelques mois le département du Jura se déploie sur grand écran. Sophie Ollier-Daumas, la directrice générale de Bourgogne-Franche-Comté Tourisme, qui a récemment pris en charge le bureau d’accueil des tournages de la région, revient sur les dispositifs d’accueil des productions cinéma et l’attractivité croissante du territoire.


Bourgogne-Franche-Comté Tourisme a repris la gestion de l’accueil des tournages. Comment s’organise cette nouvelle mission ?

Sophie Ollier-Daumas : Depuis le 1er janvier 2024, Bourgogne-Franche-Comté Tourisme a effectivement pris en charge l’accueil et l’accompagnement des projets de tournage en région. Cette mission s’inscrit dans le cadre du bureau d’accueil des tournages, financé par le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Notre rôle comporte deux volets essentiels : l’expertise des besoins en amont du tournage et la proposition d’une aide personnalisée adaptée à chaque projet. Pour accompagner au mieux les productions, nous avons mis en place plusieurs outils numériques. Via Film France Talents [base de données qui recense les professionnels français du cinéma et de l’audiovisuel, NDLR], nous avons référencé un nombre important de techniciens et d’artistes-interprètes de la région au niveau national. Notre base des lieux de tournage compte plus de 800 décors. Et nous disposons aussi d’un annuaire régional avec des prestataires techniques et les services du cinéma (dont 60 validés), ainsi qu’un fichier de plus de 1000 figurants bourguignons-francs-comtois. Notre site internet centralise tous ces outils et permet de visualiser nos ressources et notre organisation.
Notre approche s’articule autour de trois destinations distinctes. En Bourgogne-Franche-Comté, les productions choisissent spécifiquement soit la Bourgogne, soit les montagnes du Jura, soit les Vosges du Sud. Chaque territoire possède son identité propre : la Bourgogne diffère des montagnes du Jura, qui elles-mêmes se distinguent des Vosges.

Notre région a une véritable tradition de l’image qui remonte aux débuts de la photographie et du cinéma.

Concrètement, comment accompagnez-vous les productions ?

Notre rôle est d’être un facilitateur à chaque étape du projet. Nous intervenons sur tous les aspects techniques et logistiques : mise en relation avec les prestataires locaux, gestion des autorisations de tournage, organisation des castings, recherche de solutions d’hébergement et de restauration. L’objectif est de faire gagner du temps aux productions, ce qui représente aussi une économie budgétaire significative pour elles.
Le cas de Vingt dieux est particulièrement intéressant. Louise Courvoisier connaissait parfaitement la région puisqu’elle en est originaire. Nous avons donc été un médiateur : nous avons mis notre expertise technique et notre réseau local au service de sa vision artistique. Nous avons coordonné les aspects logistiques, puis mis en relation la production avec les prestataires techniques, et nous les avons aidés à naviguer dans les spécificités administratives du territoire.

Lac de Chalain
Lac de Chalains Catherine Demoly BFC Tourisme 

Quels sont les dispositifs de soutien financier disponibles ?

Le Conseil régional gère directement les fonds d’aide à la création à travers plusieurs commissions spécialisées. Pour les fictions cinéma et audiovisuel, un comité de lecture évalue les projets selon des critères artistiques et techniques. Il en va de même pour les documentaires, les courts métrages et les films associatifs, chaque format ayant sa propre commission et ses propres critères d’attribution.
Notre rôle intervient après l’attribution des aides : nous veillons à ce que les conditions fixées par la commission soient respectées, notamment en termes de retombées locales. Ces conditions incluent généralement l’emploi de techniciens de la région, ainsi que le recours à des prestataires locaux. Prenons l’exemple de Vingt dieux : l’aide régionale a été déterminante pour boucler le financement du film, et en contrepartie, la production a largement fait appel aux ressources locales, créant ainsi une véritable dynamique économique sur le territoire.

La région connaît une forte attractivité ces derniers temps, avec une série de tournages importants. Comment l’expliquez-vous ?

Les Jeux olympiques de Paris 2024 ont joué un rôle déterminant dans cette dynamique. Face aux restrictions de tournage dans la capitale durant cette période, de nombreuses productions se sont tournées vers notre région. Cette « contrainte » s’est révélée être une opportunité : les équipes ont découvert un territoire accessible, à seulement 1 h 30 de Paris et de Lyon en TGV, pour les accès Nord et Sud de notre région, offrant des facilités logistiques incomparables. Cette proximité avec Paris est devenue un atout majeur : les acteurs et les équipes techniques peuvent facilement faire l’aller-retour, ce qui optimise les plannings de tournage et réduit les coûts de production.
Par ailleurs, la réussite de Ce qui nous lie de Cédric Klapisch (2017) a également contribué à notre visibilité. Ce film a notamment connu un beau succès à l’étranger, mettant en valeur nos paysages viticoles. Plus récemment, Le Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu a démontré la capacité de notre territoire à accueillir des productions ambitieuses tout en restant fidèle à l’authenticité des lieux.

La Station des Rousses
Station des Rousses Maud Humbert BFC Tourisme

Quelles sont les retombées pour le territoire ?

Nous comptabilisons plus de 500 jours de tournage par an, ce qui génère des retombées économiques directes importantes pour l’hébergement, la restauration et les prestataires techniques locaux. Mais l’impact va bien au-delà de l’aspect purement économique. Ces productions contribuent à une double valorisation du territoire. D’une part, elles mettent en lumière nos paysages et notre patrimoine architectural, créant une véritable promotion touristique de la région. D’autre part, et c’est particulièrement visible avec un film comme Vingt dieux, elles permettent de montrer notre patrimoine culturel immatériel : les traditions, les savoir-faire, la vie quotidienne. Le film de Louise Courvoisier révèle une authenticité et une profondeur remarquables dans sa représentation du territoire et de ses habitants, dépassant largement le simple aspect pittoresque pour toucher à l’âme de la région.
Nous observons aussi une évolution passionnante dans le rapport des habitants au cinéma. À chaque avant-première, nous constatons un véritable engouement local. La filière Comté s’est même associée à certaines projections de Vingt dieux en proposant des dégustations, créant une synergie entre cinéma et produits du terroir. Cette dynamique renforce l’identité culturelle de la région et crée un cercle vertueux : les habitants deviennent ambassadeurs de leur territoire et le cinéma devient un vecteur de fierté locale.

Nous comptabilisons plus de 500 jours de tournage par an, ce qui génère des retombées économiques directes importantes pour l’hébergement, la restauration et les prestataires techniques locaux.

Et pour amplifier ces retombées auprès des habitants de la région, nous avons développé le concept « Sortez chez vous » qui permet à chacun de suivre l’actualité cinématographique produite en région, de découvrir les lieux de tournages, de participer aux castings et aux avant-premières. Nous mettons en lumière les lieux de tournages auprès des habitants, en leur suggérant de voir également des films tournés en région afin de les rendre encore plus fiers de leur territoire. Ce travail permet de créer des passerelles entre cinéma et tourisme local. Il contribue aussi à développer le sentiment d’appartenance des habitants de notre grande région, leur permettant ainsi de découvrir ou redécouvrir toutes nos pépites touristiques. D’ailleurs, c’est aussi le cas, auprès du grand public en dehors de la région. C’est fascinant de voir comment un film peut changer la perception d’un territoire : lors de mon récent passage sur le 13/14 de France Inter pour parler de Vingt dieux, plusieurs auditeurs ont témoigné être venus visiter la région après avoir découvert le film, transformant ainsi une expérience cinématographique en visite touristique.

Quels sont vos projets de développement ?

Pour 2025, nous travaillons sur plusieurs axes. J’aimerais relancer un projet qui me tient à cœur, le partenariat avec les studios de Bry-sur-Marne. Bry est quasiment à la frontière de la Bourgogne et l’idée serait de créer une synergie entre leurs infrastructures techniques et nos décors naturels, offrant ainsi aux productions une solution complète combinant studio et extérieurs. Par ailleurs, je rappelle souvent que notre région a une véritable tradition de l’image qui remonte aux débuts de la photographie et du cinéma. Nicéphore Niépce, l’inventeur de la photographie, possède même son musée à Chalon-sur-Saône, ville qui a également vu naître les premières pellicules Kodak. Cette histoire s’est poursuivie avec la présence de figures majeures, comme Claude Lelouch qui a créé son école de cinéma à Beaune. Cet héritage historique, combiné à notre diversité de décors et notre proximité avec Paris, nous positionne idéalement pour développer davantage l’activité cinématographique.

Ces productions contribuent à une double valorisation du territoire. D’une part, elles mettent en lumière nos paysages et notre patrimoine architectural, d’autre part elles permettent de montrer notre patrimoine culturel immatériel : les traditions, les savoir-faire, la vie quotidienne.

Comment voyez-vous l’avenir du cinéma dans la région ?

Notre territoire offre des atouts uniques que nous continuons à valoriser. Dans un périmètre restreint, les productions peuvent trouver une grande variété de décors : des environnements urbains du XIXe siècle, des villages médiévaux, des grands espaces naturels, des paysages viticoles… Cette diversité, associée à notre expertise en matière d’accueil des tournages et aux dispositifs de soutien régionaux, constitue un argument de poids pour les productions.
Le concept de la « Vallée de l’image », développé il y a une vingtaine d’années, prend aujourd’hui tout son sens avec la multiplication des projets. Notre objectif est de continuer à structurer la filière cinématographique régionale tout en préservant ce qui fait notre force : l’authenticité des lieux et des gens, la qualité de l’accueil et l’efficacité de notre accompagnement.

Retrouvez les informations sur le bureau d’accueil des tournages de Bourgogne Franche Comté ainsi que celles de tous les membres du réseau des commission du film sur www.filmfrance.net. Et en un clic la base des lieux de tournage nationaux, et l’outil FilmFrance Talents.