Les inédits de l’ACM : des pépites à découvrir au Festival de Montreuil

Les inédits de l’ACM : des pépites à découvrir au Festival de Montreuil

25 septembre 2024
Cinéma
ACM Festival de Montreuil 2024
Au programme : sept films inédits, pépites du cinéma étranger issues de l’Aide aux cinémas du monde (ACM)

Pour la deuxième année consécutive, le Festival du film de Montreuil, dont la 12e édition se tient du 25 septembre au 1er octobre au cinéma Le Méliès, propose un focus sur sept films soutenus par l’Aide aux cinémas du monde (ACM), dispositif piloté par le CNC et l’Institut français. Tous les détails avec le directeur artistique du festival, Stéphane Goudet, qui copréside également la 3e commission de l’ACM.


C’est la deuxième année que le Festival du film de Montreuil dédie une section aux films aidés par l’Aide aux cinémas du monde, inédits en salles, car sans distributeurs. Qu’est-ce qui a motivé cette opération ?

Stéphane Goudet : Elle est d’abord partie d’une réflexion : à quels films accède-t-on en tant que spectateur ? Et de quelles œuvres est-on privé ? J’ai été invité dans des festivals à l’étranger, pas forcément les plus connus, où j’ai découvert des pépites absolues. Ces œuvres, souvent de très grands films à mes yeux, n’étaient pas distribuées en salle. Ne pas pouvoir en débattre ou leur donner un accueil critique me paraît être une anomalie ! Mon rôle de vice-président puis de coprésident du 3e collège de l’Aide aux cinémas du monde m’offre par ailleurs un poste d’observation privilégié pour donner une nouvelle chance à ces films fragiles en termes de distribution. Tous ont été aidés par l’ACM, dont certains après réalisation [aide attribuée par la 3e commission – ndlr]. Ce cycle a pour objectif d’une part de les faire connaître des spectateurs, d’autre part d’encourager les distributeurs à prendre des risques. Pour l’anecdote, Jour de fête de Jacques Tati, classique du cinéma français, est resté deux ans sans distributeur ! À tel point qu’à l’époque ses producteurs l’ont offert comme deuxième film dans une salle de Neuilly-sur-Seine. Des distributeurs faisaient partie du public. Quand ils ont vu la salle hilare, ils ont décidé de le distribuer illico ! C’est formidable si un festival peut donner un coup de pouce aux équipes grâce à un travail de mise en lumière et d’accompagnement de films rares qui méritent d’être vus et débattus.

Il s'agit de films rares qui méritent d’être vus et débattus.

Sept œuvres composent ce cycle ACM. Comment les avez-vous choisies ?

Nous sommes partis d’une première sélection de films d'une qualité cinématographique indéniable, établie par l’Institut français en collaboration avec le CNC. L’objectif est de montrer l’éclectisme des œuvres accompagnées par l’ACM en termes de genres – documentaire, fiction, animation, cinéma expérimental… –, de générations – cinéastes émergents ou plus aguerris – et de géographies – avec des territoires peu identifiés jusque-là dans la cinématographie mondiale. Grande nouveauté cette année : la création d’un jury étudiant qui va remettre le prix du Meilleur film ACM. C’est le fruit d’un projet pédagogique que je mène avec mes étudiants du master Digital, Médias et Cinéma de l’université Paris I. Ceux-ci ont pour rôle de démarcher les distributeurs avec l’appui des producteurs des films. Ils vont devoir produire des critiques et délibérer en public. Encore une fois, un film existe quand il est vu et débattu, quand il produit une pensée, un regard… C’est essentiel.

Quelques mots sur les films en compétition ?

Nous avons au programme un film d’animation indien, Schirkoa : in lies we trust d’Ishan Shukla, qui interroge l’égalité et l’identité dans une société uniforme, et dont le casting des voix-off est exceptionnel (Golshifteh Farahani, Asia Argento, Gaspard Noé, Lav Diaz…) ; une fable thaïlandaise sur l’école, l’obéissance et la désobéissance, Arnold est un élève modèle de Sorayos Prapapan ; un documentaire américain, Mario de Billy Woodberry, sur la figure du révolutionnaire africain Mario de Andrade ; une œuvre italo-belge, Une jeunesse italienne de Mathieu Volpe, sur les enjeux migratoires entre l’Afrique et l’Europe ; un objet non identifié venu de République Dominicaine, Pepe de Nelson Carlo de los Santos Arias (Ours d’argent du meilleur réalisateur à la dernière Berlinale), à mi-chemin entre le documentaire animalier et la fable politique ; un film brésilien, Cidade Campo de Juliana Rojas (primé à la Berlinale - section Encounters), deux récits de migration entre ville et campagne dans le Brésil d’aujourd’hui ; et enfin un polar chilien, Perros de Vinko Tomicic, dont l’intrigue se déroule à la Paz en Bolivie. Ces films sont passés auparavant par des festivals importants tels que Locarno, Tribeca, Berlin, Rotterdam… Les séances vont être présentées par les producteurs et/ou les réalisateurs.

L'objectif est de montrer l’éclectisme des œuvres accompagnées par l’ACM en termes de genres, de générations et de territoires.

Vous coprésidez le 3e collège de l’ACM dédiée à l’aide après réalisation avec la productrice Yaël Fogiel. Quel est votre regard sur ce dispositif ?

Avant d’en prendre la coprésidence, j’en étais le vice-président sous la présidence de Prune Engler qui a quitté ses fonctions au début de l’année. Le travail dans cette commission est passionnant ! Il existe très peu de lieux où l’on peut discuter autant en profondeur des œuvres. Tous ses membres sont animés d’une mission, celle de valoriser la diversité et la pluralité cinématographique. L’Aide aux cinémas du monde est un dispositif qui encourage le langage cinématographique, la recherche, l’éclectisme, la curiosité d’esprit… Elle s'adresse autant aux premiers films qu'aux projets de talents confirmés, ce qui en fait un poste idéal pour observer les nouvelles générations de cinéastes. C’est une fierté de voir que des cinéastes émergents sélectionnés dans de grands festivals ont à un moment donné été accompagnés par l’ACM. Ce dispositif permet également de réaffirmer la place de la France en tant que pays coproducteur. Nous avons besoin de producteurs investis. C’est pourquoi nous tenons tant à leur présence au sein du festival afin de montrer comment ils accompagnent les films et les incarnent quand les cinéastes sont absents. Dès que j’ai rejoint cette commission, j’ai réalisé à quel point l’ACM était un dispositif nécessaire. Il est pour moi aussi important que l’Avance sur recettes. Ce type de soutien public est fondamental pour promouvoir la diversité des formes cinématographiques et combattre l’uniformisation des contenus.

l'aide aux cinÉmas du monde

Ce dispositif piloté par le CNC et l’Institut français vise à promouvoir la diversité cinématographique mondiale et l’émergence de talents internationaux. Depuis sa création en 2012, il a permis à plus de 643 films provenant de 111 nationalités différentes de voir le jour. L’Aide aux cinémas du monde offre un soutien à des œuvres qui reflètent la diversité culturelle. Il favorise également la coproduction mondiale entre sociétés de production françaises et étrangères.