Pourquoi les jeux vidéo français sont-ils si attractifs dans le monde ?

Pourquoi les jeux vidéo français sont-ils si attractifs dans le monde ?

22 mars 2023
Jeu vidéo
Tags :
« Stray »
« Stray » a remporté le Pégase 2023 du jeu de l'année. Annapurna Interactive

Quelles spécificités et quels savoir-faire sont mobilisés par le secteur vidéoludique français en 2023 ?


La Game Developers Conference, qui se tient du 20 au 24 mars à San Francisco, réunit les acteurs majeurs à l’échelle planétaire du secteur du jeu vidéo. La délégation française amène avec elle pas moins de vingt-six exposants, signe de la vitalité du secteur, dans tous les domaines de l’industrie. Technologie de streaming de jeu (Nothing2Install), intelligence artificielle (X&Immersion), réalité virtuelle (ProTubeVR), événementiel spécialisé dans l’Esport (Place2Geek), et évidemment studios développeurs de jeux dans tous les genres. Le jeu de rôle à la japonaise (Studio Camelia), les jeux narratifs interactifs (Arte France), les jeux de course (The Tiny Digital Factory)…

Comment expliquer une telle force ? La vitalité du jeu vidéo en France ne s’explique pas par une soi-disante « french touch » : dans le domaine du jeu vidéo français, il n’y a pas trace d’une quelconque exception culturelle. A l’ère de la mondialisation des individus, des cultures et des technologies par Internet, comment pourrait-il en être autrement ? « Si french touch il y a, elle n'a duré qu'un moment », affirme l’universitaire Alexis Blanchet, auteur avec Guillaume Montagnon de la somme Une histoire du jeu vidéo en France (éditions Pix'n Love, juin 2020). Selon lui, « l'identité française du jeu vidéo existe, mais pendant une période très réduite, de 1983 à 1988. Très vite le jeu vidéo français s'internationalise, les studios comprennent qu'il faut produire pour l'international avec des thématiques pour le public anglais, allemand, japonais... »

La question de la créativité

Les derniers vainqueurs des trophées Pégase, récompensant les meilleurs jeux vidéo français de l’an passé, montrent justement cette très grande créativité et la très grande variété des productions françaises. Sacré jeu de l’année aux Pégases, auréolé d’un très joli succès à sa sortie en juillet 2022 sur PlayStation et PC, Stray a été l’un des événements de l’an passé. Jeu dans lequel on incarne un chat errant (« stray cat ») dans une cité cyberpunk uniquement peuplée de robots et d’autres félins, Stray a été unanimement salué comme une réussite pour son gameplay, son ambiance et ses qualités techniques, notamment le réalisme de son animation. Stray, qui a également été un phénomène sur les réseaux sociaux, a été développé par le studio Bluetwelve, basé à Montpellier. Sifu, un jeu de kung-fu exigeant qui a bénéficié du Fonds d'aide au jeu vidéo (FAJV), a été développé à Paris par Sloclap. Quant au studio Asobo, situé à Bordeaux, il a été distingué pour son aventure médiévale A Plague Tale : Requiem.

 

Les studios français se sont également emparés de grandes franchises : Shiro Games (Bordeaux) a développé Dune : Spice Wars, jeu de stratégie en temps réel d’après l’univers de science-fiction de Frank Herbert. Citons également Steelrising, jeu d’action se déroulant dans le Paris de la Révolution française et mettant en scène des automates bardés d’armes : le jeu, très inspiré par les franchises japonaises Dark Souls et Bloodborne, est issu du studio parisien Spiders. Les Français savent aussi créer des jeux de rôle à la japonaise comme Solasta : Crown of the Magister (par Tactical Adventures, basé à Paris), des livres interactifs sur mobile (Tales Up par Périple Studio, à Clermont-Ferrand), des jeux de gestion atypiques (Flat Eye où l’on gère une station-service futuriste, par Monkey Moon à Lyon)… Et le studio Casus Ludi (Nantes) vient de sortir le 14 février dernrier Blanc, une aventure silencieuse à deux joueurs avec un renardeau et un faon plongés dans un univers enneigé en noir et blanc. Cette variété des tons et des styles montre en tous cas que la France fournit un environnement positif en matière de créativité. Créativité qui peut ainsi rayonner à l’international.

Des structures avantageuses

C’est là la spécificité française, selon Anne Dévouassoux, présidente du Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV), expliquait ainsi début mars que les talents du jeu vidéo issus du tissu formatif national sont très recherchés à l’étranger. « Les raisons d’une telle notoriété : une créativité sans limite, des écoles reconnues (Enjmin - Cnam, Rubika, 3IS, Isart digital, Les Gobelins – ndlr) qui encouragent l’expression des personnalités, des points de vue à défendre », développait-elle. « La France est en effet l’un des pays les plus dynamiques concernant l’industrie du jeu vidéo. Les deux confinements liés à la crise sanitaire ont favorisé les ventes et le marché a connu une pleine croissance, notamment parce que le télétravail a permis de continuer l’activité. Il est donc vrai qu’il y a eu une surconsommation de jeux vidéo pendant les confinements, mais dorénavant, la moyenne est revenue à la normale. Nous sommes désormais dans un moment de rééquilibrage. » Outre les écoles, la France bénéficie d’atouts structurels majeurs : le Crédit d’impôt jeu vidéo, et le Fonds d'aide au jeu vidéo (FAJV) qui propose toute une gamme d’accompagnements pour toutes les étapes de la production d’une œuvre. C’est également de cela qu’il s’agit : le jeu vidéo se voit ainsi considéré non pas comme un simple loisir, mais bien comme une œuvre, au même titre qu’un film, mobilisant tous les corps de métier, toutes les techniques et tous les talents.