Quatre ans se sont écoulés depuis la sortie de Dilili à Paris, le précédent long métrage de Michel Ocelot, récompensé du César du meilleur film d’animation en 2019. Le cinéaste de 78 ans sort son neuvième film d’animation, Le Pharaon, le sauvage et la princesse, qui encapsule tout son art : multiplicité des styles, des époques et des sources d’inspiration pour un résultat aussi riche que visuellement splendide.
Un art aux quatre coins de la Terre
La première histoire du film, Pharaon !, se déroule dans l’Égypte antique et suit un voyage le long du Nil. Elle a été imaginée à la demande du président du Louvre à l’occasion d’une exposition sur la terre des Pyramides. Saut dans le temps et dans l’espace avec l’histoire suivante, Le Beau Sauvage qui se situe dans l’Auvergne du Moyen Âge, inspirée par un conte d’Henri Pourrat, avant de basculer dans un palais de l’Empire ottoman du XVIIe siècle où l’on suit les aventures du Prince des roses et de la princesse des beignets, d’après un conte des Mille et Une Nuits. Affronter les clichés des contes européens occidentaux et de leur univers « médiéval français » est une constante chez Michel Ocelot. Son premier long métrage Kirikou et la sorcière (1998) nous emmenait dans une légende d’Afrique de l’Ouest, Azur et Asmar (2006) unissait un imaginaire venu des deux côtés de la Méditerranée, et ses « films anthologie » comme Princes et Princesses (2000) ou Ivan Tsarevitch et la princesse changeante (2016) compilaient des histoires venues de tous lieux et toutes époques (Tibet, Russie, bateau pirate, univers de fantasy...). L’art d’Ocelot est avant tout celui d’un conteur ne connaissant pas de frontières à son imaginaire. Le Beau Sauvage et Le Prince des roses et de la princesse des beignets ont été conçus dans le studio EJT-Labo à Saint Quirin (Lorraine), déjà responsables de Croc-Blanc (2018) et de Josep (2020) d’Aurel, César 2021 du meilleur long métrage d’animation.
Un art en plusieurs styles
Chaque conte du Pharaon, le sauvage et la princesse possède ainsi son propre style d’animation et sa propre équipe technique. Pour Pharaon !, produit au sein de McGuff Belgique (comme Dilili à Paris), l’inspiration vient des fresques murales égyptiennes. « Nous avons repris la posture particulière des bas-reliefs et des peintures égyptiennes, qui est impossible à reproduire physiquement, la tête et les jambes placées de profil et le torse vu de face. Mais cela fonctionne bien dans les peintures, et nous avons réussi à le transposer en animation », se félicite le cinéaste, qui s’est autorisé à « briser » les profils égyptiens en faisant des plans de face et de trois quarts. « Nous avons réellement utilisé des éléments plats, des pantins articulés, tout en utilisant une technologie numérique, bien sûr. » L’équipe du film a pu compter sur l’aide de Vincent Rondot, conservateur des antiquités égyptiennes du Louvre.
Le conte médiéval Le Beau Sauvage utilise un des « trucs » favoris du réalisateur : des silhouettes noires découpées sur des fonds colorés. Une « stylisation élégante » qui s’accorde selon lui avec « le côté terrible de la situation et avec le ton du Moyen Âge ». Mais cette stylisation se fonde sur le réel, puisque le cinéaste a accompli deux voyages (au printemps et en automne) en Auvergne pour filmer terres, châteaux et maisons (mais aussi des vaches) et s’en nourrir pour créer sa version de cinéma. « Toutes les merveilles que j’ai relevées n’ont pas pu être incluses dans le film, qui se passe principalement à l’intérieur d’une grande salle... C’est frustrant. J’ai de quoi faire plusieurs films auvergnats. » Enfin, le conte turc est un grand spectacle bariolé, onirique, volontairement irréaliste... « Je souhaitais créer un beau spectacle, divertissant, coloré, amusant, sans prétention ethnographique. Je me suis inspiré de la Turquie pour les costumes et les décors, et plus largement de l’Anatolie, comme on peut le voir dans la séquence du marché qui évoque toutes les ethnies qui sont passées par cette région extraordinaire. Je me suis beaucoup renseigné, c’est l’un de mes grands plaisirs pendant la préparation d’un film. Le livre Les Costumes de la Turquie d’Octavien Dalvimart, a été une source d’information précieuse. On retrouve ces étonnants costumes un peu partout dans le film. »
Tout l’art des contes en un seul film
Dans ce nouveau long métrage, Ocelot emploie une structure similaire à celle de ses précédents films, Princes et Princesses (2000) et Les Contes de la nuit (2011), qui comprenaient chacun six petits récits animés, ou encore Ivan Tsarevitch et la princesse changeante (2016) et ses quatre contes. Les trois histoires sont reliées par la voix d’une conteuse en bleu de travail, récitant les épopées au fur et à mesure des demandes de son public, sur fond d’un échafaudage (le « chantier de la reconstruction » d’après la pandémie). Mais Ocelot ne considère pas cette structure tripartite comme un carcan, bien au contraire : il s’agit pour lui de raconter des histoires dans le format adapté au message, et à sa force. Le cinéaste se justifie ainsi dans un entretien à 20 minutes : « Il s’agit de trois récits autonomes et courts parce que je ne voulais pas me soumettre aux 90 minutes obligatoires. Une histoire n’a pas besoin d’être longue pour marquer les esprits. »
Le Pharaon, le sauvage et la princesse
Réalisation : Michel Ocelot
Scénario : Michel Ocelot
Avec Oscar Lesage (voix), Claire de la Rüe du Can (voix), Aïssa Maïga (voix)
Coproduction : Nord-Ouest Films, Studio O, Les productions du ch’timi, Musée du Louvre, Artémis Productions
Distribution : Diaphana Distribution
Ventes internationales : Playtime
En salles : le 19 octobre
Soutiens du CNC : Aide sélective à la distribution (aide au programme), Aide à l'édition vidéo (aide au programme éditorial)