Topaze de Marcel Pagnol (1936 et 1951)
Maître d’école au sens civique irréprochable, Topaze est licencié de son établissement pour s’être montré incapable de tricher sur les notes de riches cancres. Réduit au chômage, il donne des leçons particulières au neveu d’une demi-mondaine, maîtresse d’un politicien véreux. Prenant conscience de la vanité de sa mission éducative, il va devenir une fripouille cynique...
C’est en 1923 que naît chez Marcel Pagnol l’idée d’une pièce centrée sur un enseignant naïf. D’abord intitulée La Belle et la Bête, elle prend au fil de l’écriture le nom de son personnage principal, Topaze. Si Pagnol a déjà écrit quelques pièces, celle-ci est la première qu’il signe alors qu’il vient de quitter l’Éducation nationale pour se consacrer à l’écriture. Jouée au Théâtre des Variétés à Paris avec André Lefaur dans le rôle-titre, Topaze va rencontrer un énorme succès public en 1928 et rester plus de trois ans à l’affiche. Logique que cette satire de l’arrivisme se retrouve adaptée sur grand écran. La Paramount France est la première à acheter les droits et, sans consulter Pagnol, engage en 1933 Louis Gasnier pour mettre en scène le film et Louis Jouvet (un temps pressenti pour la pièce) dans le rôle-titre. Mais cette version – et particulièrement le choix de Jouvet – déplaît fortement à Pagnol qui entreprend de signer sa propre adaptation trois ans plus tard avec Alexandre Arnaudy (le héros de son Cigalon, l’année précédente) en Topaze… Sauf qu’à l’arrivée, Pagnol n’est pas plus convaincu, Arnaudy se montrant incapable de lui faire oublier la composition de Lefaur. Mais s’il décide alors de retirer très vite le film de l’affiche, il n’en a pas pour autant fini avec Topaze. En 1951, alors que le succès le fuit sur grand écran, le cinéaste décide de revenir à cette œuvre de jeunesse. Cette fois, il fait appel à l’un de ses comédiens fétiches, son héros du Schpountz (1938), Fernandel. Cette cinquième collaboration sera la dernière, la tension entre les deux hommes devenant de plus en plus palpable au fur et à mesure du tournage. Pagnol aura aussi fort à faire avec la censure pour cette nouvelle adaptation où, sous pression du ministère de l’Intérieur, on lui demande de remplacer l’allusion à l’affaire Stavisky, trop récente, par le scandale de Panama, bien plus ancien et donc en partie oublié, puisqu’il a éclaboussé la Troisième République. Pagnol résistera (il s’amusera juste à couper volontairement le son au moment où le mot Stavisky est prononcé !) et triomphera en salles en totalisant plus de 3,1 millions d’entrées. Soit le dixième plus gros succès de l’année 1951 en France.
Mon père avait raison de Sacha Guitry (1936)
Après une longue discussion avec son père, Charles Bellanger apprend que son épouse Germaine quitte le domicile conjugal pour aller vivre avec un autre homme. Il se retrouve alors seul avec son fils de 11 ans, Maurice, et décide d’assumer son éducation plutôt que de l’envoyer en pension comme prévu…
Sacha Guitry a eu une histoire compliquée avec son père Lucien, comédien vedette de son époque, dont la notoriété et l’autorité l’ont longtemps étouffé avant qu’il se rebelle en 1905 dans une brouille violente puis que son paternel ne revienne une dizaine d’années plus tard vers lui pour lui demander de lui écrire des pièces. Mon père avait raison, créée sur la scène du Théâtre de la porte Saint-Martin en 1919, fait partie de celles-ci. Les Guitry y incarnaient le père et le fils. En 1936, onze ans après la mort de son père, Sacha Guitry reprend la pièce – considérée par nombre de critiques comme son chef-d’œuvre – au Théâtre de la Madeleine avant de l’adapter dans la foulée sur le grand écran, en en tenant le rôle principal.
Les Parents terribles de Jean Cocteau (1948)
Michel aime Madeleine et veut l’épouser, mais ses parents s’y opposent car Madeleine est la maîtresse du père de Michel et parce que la mère de Michel, qui aime son fils plus que tout, ne souhaite qu’une chose : le garder à ses côtés. Léonie, la tante de Michel va alors tenter d’arranger cette drôle de situation...
En 1938, Jean Cocteau décide de s’aventurer pour la première fois sur le terrain du théâtre de boulevard en confiant le rôle de Michel à Jean Marais qu’il a rencontré un an plus tôt, sans se douter de la tempête qu’il va provoquer. En effet, après le triomphe public des premières représentations (un million de francs de recettes en seulement quarante jours !) et l’adoubement du ministre de la Culture Jean Zay, Cocteau écrit à la mairie de Paris pour proposer des représentations gratuites à destination des élèves de moins de 16 ans. Il reçoit alors une fin de non-recevoir. Pire, des conseillers municipaux considèrent son geste comme une incitation à la débauche, voyant dans la pièce rien moins que l’apologie de l’inceste, rejoignant en cela les critiques de la presse d’extrême droite, un certain Robert Brasillach en tête. La sentence tombe sans tarder : Cocteau doit quitter le Théâtre des Ambassadeurs, propriété de la ville de Paris, sous dix jours. Soutenue entre autres par Joseph Kessel et Louis Aragon, Les Enfants terribles est reprogrammée début 1939 au Théâtre des Bouffes Parisiens, avant que la déclaration d’entrée en guerre ne vienne interrompre son triomphe. Jouée en Italie en 1945 dans une mise en scène de Luchino Visconti avec Gino Cervi, puis, l’année suivante, au Théâtre du Gymnase à Paris avec Serge Reggiani, Les Parents terribles connaît aussi une nouvelle vie au cinéma. Cocteau s’y attelle en 1948 (tout en prêtant sa voix à celle du narrateur) juste après avoir adapté une autre de ses pièces, L’Aigle à deux têtes. Jean Marais hésite à reprendre le rôle de Michel, dix ans après l’avoir créé, par peur de paraître trop vieux à l’écran mais finit par se laisser convaincre. Claude Pinoteau, le futur réalisateur de La Boum (1980), est l’un des assistants de ce film qui assume son côté théâtre filmé (ouvrant même le récit par les fameux trois coups) en ces temps de néo-réalisme roi. Cette œuvre accompagnera Jean Marais tout au long de sa carrière. Il la mettra en scène en 1977 au Théâtre Antoine en tenant le rôle du père qu’il reprendra en 1980 dans le téléfilm d’Yves André-Hubert pour France 3.
Le Dîner de cons de Francis Veber (1998)
Tous les mercredis, Pierre Brochant et ses amis organisent un dîner où chacun doit amener un « con », celui ayant l’invité le plus spectaculairement con étant déclaré vainqueur. Ce soir-là, Brochant pense avoir trouvé la perle rare : François Pignon, comptable au ministère des Finances et passionné de modèles réduits en allumettes. Mais Brochant ignore que Pignon excelle dans l’art de déclencher des catastrophes malgré lui.
L’année 1993 et Le Dîner de cons marquent un grand retour pour Francis Veber. Retour en France sept ans après le carton des Fugitifs et une expérience hollywoodienne guère concluante, et retour au théâtre, vingt-quatre ans après sa dernière pièce, Le Contrat, qui avait donné naissance au cinéma à L’Emmerdeur (Édouard Molinaro). C’est aux États-Unis que Veber a eu l’idée de ce Dîner de cons, inspiré de faits bel et bien réels. Initiés par le surréaliste André Breton dans les années 1920, ces fameux dîners étaient en effet très à la mode dans les années 1980 et 1990 à Paris. Veber en avait notamment entendu parler par Jacques Martin et par Claude Brasseur qui en fut victime, invité en tant que « con » à l’époque où il n’avait que le Paris-Dakar à la bouche, ce qui en faisait une sorte de candidat idéal. Francis Veber tente d’abord de monter la pièce à Broadway sans y parvenir. Mais en France, il est accueilli avec enthousiasme par le patron du Théâtre des Variétés, Jean-Paul Belmondo. La mise en scène de Pierre Mondy – avec Jacques Villeret en François Pignon et Claude Brasseur en Pierre Brochant – va faire salle comble pendant trois saisons. Logique donc que Veber décide dans la foulée d’adapter sa pièce pour le cinéma, où il va compresser le récit de 2 h 30 à 90 minutes. Pierre Richard avait fait acte de candidature très tôt pour jouer Pignon mais Jacques Villeret (un temps pressenti pour composer le duo de La Chèvre avec Lino Ventura) était le premier choix du metteur en scène et le restera. Claude Brasseur (à qui Michel Roux avait succédé sur scène à Paris comme en tournée) cède, lui, sa place à Thierry Lhermitte, Veber le jugeant trop âgé pour le rôle tel qu’il l’a envisagé pour le grand écran. Et le public répondit présent : avec plus de 9,2 millions d’entrées, Le Dîner de cons ne fut devancé au box-office France 1998 que par l’intouchable Titanic, avant de recevoir trois César : meilleur acteur pour Jacques Villeret, meilleur second rôle pour Daniel Prévost (dans le rôle du contrôleur fiscal Lucien Cheval) et meilleur scénario pour Francis Veber. Le Dîner de cons reste à ce jour le plus gros succès dans les salles françaises du réalisateur.
Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne (2013)
Dès son plus jeune âge, Guillaume est persuadé d’être une fille, notamment à cause des paroles de sa mère quand elle s’adresse à lui. Quant à sa famille et aux personnes qu’il rencontre, elles sont convaincues, de leur côté, qu’il est homosexuel…
C’est en le voyant un jour imiter la doyenne de la Comédie-Française, Catherine Samie, à l’occasion de l’hommage qui lui était rendu le jour de son départ à la retraite, que le directeur du Théâtre de l’Ouest Parisien a eu l’envie de confier une carte blanche à Guillaume Gallienne. Nous sommes alors en 2009 et le comédien décide de créer un spectacle autobiographique autour de sa relation avec sa mère, celle qu’il ne cessait d’imiter dans son enfance, un geste qui l’a peu à peu conduit vers le métier de comédien. Ce spectacle sera un seul en scène où Gallienne interprète tous les personnages de sa famille et lui-même, sur une mise en scène de Claude Mathieu. Le bouche-à-oreille est immédiatement enthousiaste et porte Les Garçons et Guillaume, à table ! jusqu’au Molière de la révélation théâtrale masculine en 2010. Guillaume Gallienne choisit alors de poursuivre l’aventure sur grand écran mais cette fois-ci sans jouer tous les rôles. Il se réserve le sien et celui de sa mère et réunit à ses côtés notamment André Marcon et Françoise Fabian pour incarner respectivement son père et sa grand-mère. Présenté à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs, l’accueil enthousiaste donnera naissance à la superbe carrière du film tant en salles (plus de 2,8 millions d’entrées) qu’à la cérémonie des César 2014 dont il est le grand triomphateur avec cinq trophées et non des moindres : meilleur film, premier film, adaptation, montage… et acteur.
La Dégustation d’Ivan Calbérac (2022)
Divorcé bourru, Jacques tient seul une petite cave à vins, au bord de la faillite. Hortense, engagée dans l’associatif et déterminée à ne pas finir vieille fille, entre un jour dans sa boutique et décide de s’inscrire à un atelier dégustation...
Jamais deux sans trois. Après avoir porté à l’écran deux de ses pièces, L’Étudiante et Monsieur Henri en 2015 et Venise n’est pas en Italie en 2019, Ivan Calbérac s’y emploie de nouveau avec cette comédie romantique créée en 2019 au Théâtre de la Renaissance et récompensée dans la foulée du Molière de la comédie. Isabelle Carré et Bernard Campan reprennent à l’écran les rôles qu’ils ont créés sur scène. Il s’agit de leur deuxième long métrage en commun au cinéma, onze ans après Se souvenir des belles choses qui avait valu à la comédienne le César de la meilleure actrice en 2003.
LA DÉGUSTATION
Réalisation : Ivan Calbérac
Scénario : Ivan Calbérac d’après la pièce de théâtre éponyme
Avec : Isabelle Carré, Bernard Campan, Mounir Amamra, Éric Viellard, Olivier Claverie…
Production : Mandarin Production, StudioCanal, Scope Productions
Distribution : Studio Canal
Ventes internationales : Studio Canal
Sortie en salles le 31 août 2022