Devenir un jour présidente d’un festival faisait partie des choses auxquelles vous pensiez depuis longtemps ?
Non, c’est vraiment la proposition qui a fait la « larrone » ! (Rires.) Dans ma vie, je n’ai jamais envisagé d’être présidente de quoi que ce soit, et je préfère toujours que les choses m’arrivent avant d’avoir à les quémander. Mais il se trouve que j’aime tout particulièrement le festival de La Rochelle – où je viens régulièrement pour présenter les films que je produis ou comme simple spectatrice – et les gens qui s’en occupent. Donc quand ils m’ont proposé cette présidence, je n’ai pas demandé une semaine de réflexion ! J’ai dit oui tout de suite.
Qu’est-ce qui vous plaît précisément dans cette manifestation ?
C’est le repos du guerrier après Cannes, que l’on vit dans un état de tension maximale si on y présente des films en compétition. Quand, début juillet, on se rend à La Rochelle avec les mêmes films, l’ambiance est détendue, les salles sont pleines à craquer et nos films y rencontrent pour la première fois un public non majoritairement composé de professionnels. En parallèle, on a l’occasion de découvrir ou de redécouvrir une incroyable variété d’œuvres patrimoniales dans des conditions de projection optimales. Pour moi, La Rochelle est un festival joyeux qui mélange parfaitement cinéma d’hier et d’aujourd’hui.
Comment voyez-vous votre rôle de présidente ?
Je ne l’envisage pas de manière verticale. Je dirais que je suis là pour épauler et étoffer une équipe. Me battre à ses côtés pour conserver notre budget et trouver en permanence d’autres sources de financement. À ce titre, je peux vraiment remercier le CNC d’avoir participé de façon très significative à cette cinquantième édition. Le festival de La Rochelle fonctionne avec une équipe resserrée. Je me sens donc comme un soldat de plus dans cette petite troupe et pas comme un chef de guerre. C’est encore plus vrai sur l’édition de 2022. Comme tout se prépare très en amont et que je suis arrivée tard dans l’organigramme, je vais surtout accompagner cette programmation et les différents événements. Je vais aussi présenter deux longs métrages que j’ai produits et qui ont été sélectionnés à Cannes : Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux à la Semaine de la Critique et El Agua d’Elena López Riera à la Quinzaine des Réalisateurs. Mais vous imaginez bien que je n’ai rien imposé ! Je ne suis pas intervenue dans leur sélection et d’ailleurs ce ne sera pas mon rôle dans ce festival. Je glisserai aux personnes qui s’en occupent les coups de cœur que je pourrais avoir, mais ce sont elles qui sont et resteront décisionnaires.
Qu’est-ce qui vous emballe tout particulièrement dans la programmation de cette cinquantième édition ?
La rétrospective Alain Delon pour commencer, avec la projection de vingt-et-un de ses longs métrages et une exposition photo ! On est vraiment fiers qu’il ait accepté notre proposition. L’hommage à Pasolini, dont je revois toujours les films avec la même passion. Mais j’aime aussi l’idée qu’en parallèle de ces légendes, on puisse se balader dans la filmographie de Jonás Trueba (Eva en août) ou de Joanna Hogg, dont le diptyque The Souvenir est sorti en salles en février dernier. Ces deux exemples racontent ce qu’est profondément La Rochelle : un festival cinévore et cinéphage ! La surprise est présente à chaque coin de salle, que l’on ait déjà vu ou non le film qui y est projeté. Je me souviens de la projection de L’Homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford, que je n’avais jamais vu sur grand écran dans une copie aussi belle. Ce jour-là, j’ai eu l’impression de redécouvrir un film que je croyais connaître par cœur. Mais La Rochelle, ce n’est pas que des films ! On pourra aussi assister à une leçon de musique autour des œuvres d’Ennio Morricone, à une leçon de montage avec Yann Dedet (Sous le soleil de Satan, Breaking the Waves…). En fait, avec ce festival, on a envie de montrer que le cinéma est accessible à tout le monde. Ce qui me paraît encore plus important aujourd’hui avec la chute des entrées en salle, un phénomène que l’on n’observe pas du tout en festival. Aller un soir au cinéma semble devenu compliqué alors que prendre cinq jours de vacances pour aller se bouffer une vingtaine de films reste toujours aussi prisé. Cela m’incite à penser qu’il va falloir développer un nouveau type de bouche-à-oreille pour parler des films, sur l’idée que rien ne remplace l’expérience en salle. Et cela peut partir des festivals.
Dans quel état serez-vous le jour de l’ouverture du festival ? Comme le premier jour du tournage d’un film que vous produisez ?
Je ne crois pas. Je ne ressens aucun stress. Depuis plusieurs jours, je suis plutôt dans l’impatience que ça commence. La Rochelle est une ville magnifique et joyeuse qui se prête parfaitement à une manifestation cinématographique dans une ambiance totalement bon enfant. Je ne sais toujours pas ce qui leur a pris de vouloir une présidente, mais je vous assure que je ne boude pas mon plaisir !