L’Œil d’or 2023 : deux ex-aequo pour le Prix du documentaire à Cannes

L’Œil d’or récompense chaque année un film présenté dans les sélections du Festival de Cannes : Sélection officielle (Compétition, Un Certain Regard, Hors compétition et Séances de Minuit, Séances Spéciales), Quinzaine des Cinéastes et Semaine de la Critique. Créé en 2015 à l’initiative de la Scam (Société civile des auteurs multimédia) avec la complicité du Festival de Cannes, son objectif est de mettre en lumière le genre documentaire et d’accroître sa visibilité auprès du grand public. 5000 € sont attribués au film lauréat du Prix du documentaire, qui peut alors concourir à l’Oscar du long métrage documentaire. Cette année, le trophée est revenu à deux réalisatrices, que le jury n’a pu départager.

Le documentaire est un genre majeur du cinéma

Kirsten Johnson – Présidente du Jury

La première lauréate de L’Œil d’or est la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, récompensée pour son film Les Filles d’Olfa, en compétition dans la Sélection Officielle de Cannes. Coproduction entre la France (Tanit Films), la Tunisie, l’Allemagne et l’Arabie Saoudite, le film a bénéficié du soutien du CNC. L’histoire est celle d’Olfa, mère de quatre filles dont les deux aînées disparaissent subitement. Ce documentaire s’est distingué par l’originalité de son dispositif puisque la réalisatrice a fait appel à deux actrices professionnelles pour jouer le rôle des filles disparues.

Le deuxième film lauréat ex-aequo de l’Œil d’Or traite lui-aussi de questions familiales. Il s’agit de Kadib Abyad (La Me?re de tous les mensonges) d’Asmae El Moudir, une coproduction entre le Maroc, le Qatar, l’Arabie Saoudite et l’Égypte. Présenté dans le cadre de la sélection Un Certain Regard, le documentaire oscille entre histoire nationale et histoire personnelle pour raconter les émeutes du pain en 1981 et leurs conséquences sur la société marocaine contemporaine.

Kirsten Johnson, présidente du jury de L’Œil d’or 2023, défend le cinéma documentaire comme étant « un outil de résistance et un laboratoire des formes les plus libres du cinéma ». Accompagnée d’un jury composé d’Ovidie, Sophie Faucher, Pedro Pimenta et Jean-Claude Raspiengeas, elle salue l’audace d’écriture des deux documentaristes et leur manière d’explorer le réel. Deux films qui « confirment avec force et détermination que le documentaire est un genre majeur du cinéma ». Ils s’insèrent dans la lignée des films lauréats du prix depuis 2015 dans lesquels l’intime est souvent la porte d’entrée pour parler d’une époque.

Historique du palmarès

Parmi les films primés de l’Œil d’or, Allende, Mi abuelo Allende de Marcia Tambutti Allende, est le premier documentaire à recevoir cette nouvelle récompense en 2015 par le jury alors présidé par le cinéaste cambodgien Rithy Panh. Ce film, mêlant la grande Histoire à l’intime, revient sur le silence entretenu autour du passé tragique de la famille de la cinéaste chilienne. 35 ans après le coup d'État qui a renversé son grand-père, Salvador Allende, premier président socialiste élu démocratiquement, sa petite-fille tente de reconstituer un passé qui lui a été arraché, enfoui sous la douleur familiale. En 2017, c’était au tour d’Agnès Varda et JR de remporter le prix pour Visages Villages, un tour de France au cours duquel les deux artistes partent à la rencontre d’habitants de villages délaissés à bord d’un camion photographique. Le film a ensuite remporté le César du meilleur film documentaire et concouru pour l’Oscar dans la même catégorie. Deux ans plus tard, le jury de l’Œil d’or présidé par Yolande Zauberman n’avait – lui non plus - pas su s’accorder sur une seule œuvre, honorant à la fois Waad Al Kateab et Edward Watts pour le film For Sama ainsi que Patricio Guzmán pour La Cordillera de los sueños sur les mystères de la Cordillère des Andes.