« Le Monde du silence », « Océans », « La Panthère des neiges »… : quand les animaux crèvent l’écran

« Le Monde du silence », « Océans », « La Panthère des neiges »… : quand les animaux crèvent l’écran

22 juin 2022
Cinéma
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« Océans » de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud
« Océans » de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud Pathé Distribution

À l’occasion de la projection au Sunny Side of the Doc du documentaire Océans en hommage à Jacques Perrin, focus sur cinq films français animaliers qui ont imprimé leur marque au cinéma.


Le Monde du silence de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle (1956)

En 1954, le commandant Cousteau, son équipe, et un jeune débutant… Louis Malle, se lancent dans l’exploration des fonds marins à bord du laboratoire flottant La Calypso. Deuxième film subaquatique en couleur – après Le sixième continent de l’Italien Folco Quilici (1954) –, Le Monde du silence est un objet cinématographique d’envergure pour l’époque. De la Méditerranée au Golfe Persique, de la Mer Rouge à l’Océan Indien, l’équipage tourne des milliers de rushs, à savoir 25 kilomètres de pellicule réduits à 2500 mètres au montage. Munis de caméras perfectionnées, de lampes électriques et de scooters sous-marins, un groupe de plongeurs aguerris part à la conquête de cet univers énigmatique, souvent fantasmé, où se côtoient créatures des mers et flores arborescentes. Palme d’or en 1956 – unique documentaire à avoir reçu cette distinction avec Fahrenheit 9/11 de Michael Moore –, oscarisée un an après, cette œuvre suscite la controverse des années plus tard en raison de ses méthodes brutales (dynamitage d’un récif de corail pour recenser les espèces…) et de scènes cruelles envers les animaux (massacre de requins…). Témoin d’une époque où la mer et ses ressources étaient considérées comme inépuisables, Le Monde du silence ne reste pas moins un documentaire pionnier de vulgarisation scientifique.

 

La Fête sauvage de Frédéric Rossif (1976)

« Les animaux nous rappellent le temps ancien où nous bougions comme eux. J’ai filmé une fête spontanée dans laquelle la réflexion n’a, pour une fois, aucune part », indiquait Frédéric Rossif à propos de son film. Pourfendeur de l’anthropomorphisme véhiculé à l’époque par les studios Walt Disney, le réalisateur choisit de capturer ici la beauté animale de manière instinctive et poétique. La chasse, le jeu, le combat, l’amour, mais aussi le désir, la peur, la mort… : il capte à vif, sans scénariser, les rituels et les tourments des bêtes. Tourné en équipe réduite aux quatre coins du globe, en format 16mm, coproduit par Sergio Leone, ce documentaire révèle la majesté du règne animal notamment grâce à l’emploi du ralenti, une utilisation alors novatrice dans le genre animalier, rendu possible par l’usage d’une Photosonic. Cette caméra américaine conçue pour filmer les tirs de missiles, utilisée durant la guerre au Vietnam, permet d’enregistrer 300 images par seconde. C’est également la première fois qu’un réalisateur recourt à un hélicoptère pour suivre de haut les animaux. Avant-gardiste dans la technique et dans l’essence du projet, La Fête sauvage l’est aussi dans son accompagnement musical. La composition du Grec Vangelis, génie de la musique électronique, souligne la puissance de cet hymne à la nature.

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Océans de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (2010)

Cette fresque documentaire du regretté Jacques Perrin, présentée en son hommage à cette 33e édition du Sunny Side of the Doc, coréalisée avec Jacques Cluzaud, explore les mystères du grand bleu d’un pôle à l’autre de la planète. Plus de cinquante ans après le commandant Cousteau, les deux complices de la caméra témoignent de la vie sous-marine pour raconter à la fois l’histoire des océans et celle de ses locataires. Douze équipes, deux ans de préparation et quatre années de tournage sont indispensables pour sortir de l’eau cette production grandiose, César du meilleur documentaire en 2011. Caméras gyrostabilisées, torpilles hydrodynamiques capables de filmer simultanément au-dessus et en-dessous de la surface de la mer, mini-hélicoptère télécommandé pour approcher les grands cétacés… : l’équipe a usé d’engins innovants afin de capturer au plus près les mouvements de la faune aquatique, mais également ceux de l’infiniment petit comme l’intérieur d’une goutte d’eau, par exemple. En dévoilant la beauté cachée de la mer, ses tempêtes et son peuple, ce long métrage interroge aussi la conscience écologique du spectateur. « L’océan, c’est quoi l’océan ? », se questionne ainsi un jeune enfant dans la séquence d’ouverture du film.

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L’Empereur (2017) de Luc Jacquet

C’est l’histoire d’un « diptyque » à succès, d’abord La Marche de l’empereur, les pérégrinations oscarisées d’une troupe de manchots en terre Adélie, puis sa suite, L’Empereur, douze ans après. Pour ce deuxième opus, le réalisateur Luc Jacquet, passionné par l’Antarctique depuis sa première expédition à l’âge de 23 ans, raconte le destin d’un seul spécimen qu’il filme comme un acteur. Lors du tournage, au printemps 2015, pendant l’expédition Antarctica ! menée avec son ONG Wild-Touch, il réalise une prouesse technique : celle de filmer la banquise immergée. Les plongeurs dirigés par le biologiste et photographe sous-marin Laurent Ballesta mettent leurs corps à l’épreuve pour tourner à 70 mètres de profondeur dans une eau à -1,8°C. Cette première mondiale permet de rapporter des images spectaculaires de la vie sous-marine antarctique. De leur côté, les séquences captées au drone révèlent l’immensité de ce royaume de glace, un écosystème particulier où contrastent le bleu de l’océan et le blanc glacial de la manchotière. Sur une bande son de Cyrille Aufort (primé aux Emmy Awards pour son travail sur le film), l’acteur Lambert Wilson prête sa voix à cette nouvelle odyssée polaire.

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La Panthère des neiges de Vincent Munier et Marie Amiguet (2021)

Pendant des semaines, le photographe Vincent Munier a entraîné l’écrivain baroudeur Sylvain Tesson dans la traque de la panthère des neiges sur les hauts plateaux tibétains. Sous l’œil de la cinéaste Marie Amiguet, il l’initie à l’art de l’affût, à la lecture des traces et à la patience indispensable pour apercevoir ce félin mythique qui se niche dans des endroits quasi-inaccessibles. Dans leur quête insatiable de l’animal totem, les compères s’adonnent à une réflexion existentielle sur la place de l’Homme sur terre. « Dans la nature, tu es face à toi-même, tu ne peux pas tricher », y confie l’auteur à succès. Cette ode au vivant rend compte de bêtes étonnantes comme les yaks sauvages ou les antilopes tibétaines. Toutes surgissent au moment où l’on s’y attend le moins. Les plaines et les montagnes immenses de l’est du Tibet, vierges de toute activité humaine, se dévoilent aux yeux du spectateur tels des paysages préhistoriques. Signée Nick Cave et Warren Ellis, la bande originale donne aux images une profondeur mystique. Économiser les batteries, régler la caméra en amont pour ne pas se geler les doigts, se protéger du vent… : dans cet univers silencieux et aride, figé par le froid – entre -18°C et -25°C –, les conditions de tournage sont rudes. Deux voyages de plusieurs semaines sont nécessaires à l’équipe pour mettre sur pied ce documentaire animalier inclassable. Œuvre propice à l’émerveillement et à la spiritualité, La Panthère des neiges a été auréolée du César du meilleur documentaire en 2022.  

Soutien du CNC :
Avance sur recettes après réalisation
Aide sélective à la distribution (aide au programme)